Intervention de Annick Lepetit

Réunion du 15 mai 2013 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Lepetit, rapporteure :

Comme la ministre l'a rappelé, le texte que nous examinons aujourd'hui est motivé par la situation du secteur de la construction, dont l'activité enregistre un très net ralentissement, et par la crise persistante du logement auxquels nos concitoyens sont confrontés depuis plusieurs années.

En qualité de rapporteure, il me revient de vous présenter le cadre juridique de l'habilitation qui nous est demandée par le Gouvernement pour recourir à des ordonnances afin de relancer la construction. Un projet de loi d'habilitation doit préciser trois points : les matières législatives concernées, ce qui est fait ici à l'article 1er ; les délais dans lesquels le Gouvernement doit prendre les ordonnances – ils seront, en vertu de l'article 2, de quatre, six et huit mois ; le délai imparti pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification – l'article 3 précise qu'il sera de cinq mois.

En outre, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement est tenu d'indiquer avec précision la finalité des mesures qu'il se propose de prendre. Dans le cas du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, huit mesures sont proposées qui avaient été préalablement annoncées par le Président de la République, le 21 mars dernier, à Alfortville, dans le cadre du plan d'investissement pour le logement. Ces huit mesures ont une finalité commune : lever un certain nombre de freins réglementaires à la construction. Au cours de la vingtaine d'auditions que j'ai conduites, j'ai pu constater combien ces mesures faisaient écho à des préoccupations partagées. Une majorité d'entre elles, la lutte contre les recours abusifs en particulier, devraient donc recueillir un assez large accord.

Ces huit mesures s'inscrivent dans la continuité des actions engagées depuis un an par le Gouvernement pour favoriser la production de logements abordables là où ils font le plus besoin. Je citerai la mobilisation du foncier public en faveur du logement et le renforcement des obligations de production du logement social, grâce à la loi du 18 janvier 2013 ; l'encadrement des loyers, par le décret du 20 juillet 2012, et la création des observatoires des loyers ; la mobilisation des acteurs et des financements avec le relèvement des plafonds du livret A et du livret de développement durable et l'accord conclu avec Action Logement. À cela s'ajoute l'ouverture de nombreux chantiers : rénovation énergétique des bâtiments ; instauration d'un taux réduit de TVA à 5 % pour la construction et la rénovation de logements sociaux, qui devrait se concrétiser dans la prochaine loi de finances ; instauration d'un moratoire de deux ans sur les nouvelles normes techniques…

En parfaite cohérence avec les jalons essentiels ainsi posés, le présent projet de loi vise à autoriser le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnances, des mesures législatives permettant de réduire les délais de réalisation des projets de construction, d'aménager les règles de constructibilité en zone tendue, de développer une offre nouvelle de logements intermédiaires et de fluidifier le traitement du contentieux de l'urbanisme.

Je précise – et ce sera l'objet d'un de mes amendements – que nous autorisons ici le Gouvernement à prendre ces mesures et non à légiférer, comme une rédaction rapide du titre du projet de loi pourrait le laisser croire.

Outre l'urgence que commande la situation du secteur de la construction, le recours aux ordonnances est également motivé par la complexité des mesures proposées. L'aménagement des règles de constructibilité pour faciliter la construction de logements en zone tendue ou la création d'un portail Internet de l'urbanisme sont des mesures de nature très technique. Il en va de même de la suppression de la garantie d'achèvement intrinsèque pour les opérations de vente en l'état futur d'achèvement ou de l'adaptation des délais de paiement pour les entreprises du bâtiment.

Pour terminer cette présentation du cadre juridique dans lequel doit s'inscrire le présent projet de loi, je tiens à préciser qu'il nous appartient, en qualité de députés, soit d'accepter ou de rejeter l'habilitation demandée, soit de tenter d'en préciser les contours et la portée.

À cet égard, j'ai jugé utile d'apporter quelques précisions, sur le titre même du projet de loi comme je vous l'ai déjà indiqué, mais également sur les dispositions qui me paraissent les plus importantes.

En premier lieu, si l'idée de fusionner différentes étapes imposées par les procédures classiques afin d'accélérer la réalisation de projets d'aménagement ou de construction me paraît bonne, il conviendrait de préciser que cette procédure intégrée ne peut être utilisée que pour des projets d'intérêt général justifiant cette accélération.

En second lieu, une des mesures les plus intéressantes du projet de loi réside, à mon sens, dans l'accélération des délais de traitement des recours contentieux en matière d'urbanisme. Sur ce sujet, il est nécessaire de déployer des moyens réellement dissuasifs afin d'enrayer le développement de pratiques mafieuses consistant, dans certaines régions, à déposer un recours à des fins lucratives. De nombreuses propositions intéressantes ont été formulées par le groupe de travail présidé par M. Daniel Labetoulle et la ministre vient de nous indiquer celles qu'elle entendait reprendre. Il me semble que la possibilité ouverte aux juridictions administratives de condamner l'auteur d'un recours abusif à des dommages et intérêts est essentielle. C'est la raison pour laquelle je propose d'inclure cette disposition dans le périmètre de l'habilitation demandée par le Gouvernement.

En troisième lieu, je vous propose d'actualiser et d'harmoniser la référence aux zones tendues. Comme vous vous en souvenez, la dernière loi de finances a permis de renforcer la taxe sur les logements vacants en étendant notamment la liste des communes dans lesquelles elle est applicable. Le décret d'application de cette disposition venant de paraître, il me paraît judicieux d'y faire référence pour les mesures destinées à s'appliquer en zone tendue.

Enfin, entre la loi sur la mobilisation du foncier public, que nous venons d'adopter et qui traite en priorité du logement social, et le futur projet de loi sur l'urbanisme et le logement qui s'intéressera notamment aux rapports locatifs dans le secteur privé, le présent projet propose, comme une étape de transition, de développer le logement intermédiaire en zone tendue, ce qui est aujourd'hui indispensable. Le régime qui est proposé repose notamment sur la possibilité ouverte aux collectivités d'en prévoir la production dans leurs documents de planification et de programmation. Dans le prolongement de nos précédents travaux sur le renforcement des obligations de production du logement social, je vous propose de réserver cette possibilité aux communes qui respectent leurs obligations et qui ne font pas l'objet d'un constat de carence, au titre de la loi SRU.

Telles sont les principales précisions que je vous suggère d'apporter à l'habilitation qui est aujourd'hui demandée par le Gouvernement et que je vous recommande d'autoriser afin de relancer la construction dans notre pays et de conforter la cohérence de l'action engagée en faveur du logement depuis le début de la législature, il y a tout juste un an.

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