Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 15 mai 2013 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur :

Le commerce extérieur n'est pas d'abord un solde, mais un juge de paix de la perte de compétitivité de notre pays dans les années précédentes ; il révèle que nous n'avons pas fait, avec un déficit de 74 milliards d'euros, les réformes nécessaires. Dans un contexte de ralentissement de l'activité mondiale, le déficit du commerce extérieur de la France a reculé de 7 milliards d'euros à 67,5 milliards d'euros en 2012, au lieu de 74 milliards d'euros en 2011. Le déficit hors énergie s'est réduit, quant à lui, de moitié, passant de 29 milliards d'euros à 15 milliards d'euros, tandis que la facture énergétique augmentait de 7 milliards d'euros.

C'est un bon signal, s'inscrivant dans le cadre de la politique du Gouvernement qui a choisi la conduite d'une action cohérente : désendettement, restauration de la compétitivité des entreprises, réforme du travail. Pourtant notre déficit commercial reste important. Le Premier ministre m'a confié une mission visant à évaluer les outils de l'État et l'action des opérateurs qui sont nombreux et variés, le dispositif français étant particulièrement éparpillé.

Nos exportations progressent dans le monde de 3,1 %. Nos entreprises ont su se porter sur les marchés lointains, les exportations ayant progressé de 13 % en Asie et de 12 % sur le continent américain. Le secteur de l'aéronautique a été particulièrement performant, avec 1 200 aéronefs livrés, soit 13 000 embauches et 5 000 créations d'emplois. La famille « mieux se soigner » réalise un excédent de 1,5 milliard d'euros, la famille « mieux vivre en ville » – transports, mobilité urbaine – passant d'un déficit à un excédent de 2,2 milliards d'euros. Les chiffres de 2012 sont ainsi encourageants, mais nous devons demeurer lucides : l'année 2013 sera difficile en France et en Europe. Avec une hausse de 4,1 % de nos exportations, nous avons réduit ainsi notre déficit en mars, mais cela ne compense pas les difficultés du début de cette année.

Quels sont les outils financiers utilisés pour l'internationalisation de nos entreprises ? Trois piliers peuvent être distingués : les assurances et garanties publiques ; les prêts bonifiés et les dons liés aux études en amont des projets ; le soutien institutionnel articulé autour de l'opérateur public Ubifrance.

Le dispositif d'assurance et de garanties publiques est géré par Coface pour le compte de l'État et s'appuie, pour l'essentiel, sur l'assurance crédit, qui permet de garantir une banque contre le risque politique ou celui de non remboursement d'un prêt accordé à un client étranger. Le volume de garanties de Coface se situe à un niveau élevé – 12 milliards d'euros en 2012 –, soit le double de celui d'avant la crise. L'encours de Coface est passé de 40 à 65 milliards d'euros, l'assurance crédit étant excédentaire chaque année et sans discontinuer depuis dix-huit ans ; pourtant cette situation reste volatile et dépend du volume de sinistres sur les opérations prises en garantie.

N'étant pourtant pas à armes égales avec les entreprises étrangères, nous avons décidé, dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, de mener une réforme des financements à l'export, réforme aujourd'hui en cours.

Un premier volet a été adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012. Trois mesures ont été ainsi retenues : la création, tout d'abord, d'une garantie rehaussée de refinancement permettant le refinancement de crédits export par des investisseurs, le décret devant être transmis au Conseil d'État en juin ; l'extension, ensuite, à ATR, Eurocopter et Superjet de la garantie inconditionnelle à la première demande portant sur 100 % du montant financé pour les avions et les hélicoptères, ce qui était réservé à Airbus ; l'instauration, enfin, d'une garantie de change sur la valeur résiduelle des avions permettant de développer leur financement en euros.

Deuxième volet de la réforme, un mécanisme de refinancement public direct devrait compléter ce dispositif. Une mission de l'Inspection générale des finances a récemment été conduite sur cette technique, qui existe dans de nombreux pays. Une entité publique telle que la Caisse des dépôts et consignations ou BPI France pourrait apporter de la liquidité publique aux banques privées pour la mise en place de crédits export. C'est un mécanisme exceptionnel, déjà utilisé pour le navire Oasis 3 de STX et conforme à l'arrangement de l'OCDE sur les crédits export. Nous avons soumis ce dispositif à la Commission européenne, dans le cadre des interrogations qu'elle nous avait transmises sur le dossier STX.

Un troisième volet de la réforme mise en oeuvre avec le ministre de l'Économie et des finances concerne plus particulièrement les petites et moyennes entreprises – PME – et les entreprises de taille intermédiaire – ETI. En cohérence avec la mise en place du volet export de BPI France, il passe d'abord par une simplification de l'offre de soutiens publics, en l'espèce la suppression des doublons entre Coface et OSEO. La Coface assurera le financement de la prospection et les garanties, BPI France finançant les fonds propres et la trésorerie des entreprises tournées vers l'international. Il passera également par une réforme de la distribution des produits de soutien à l'export en fédérant les différents opérateurs autour de BPI France, l'objectif étant de faire travailler les opérateurs de manière coordonnée et complémentaire au bénéfice de l'utilisateur final. L'on procédera enfin à une simplification des procédures de gestion ; le secret bancaire ne permet pas ainsi une transmission des informations automatiques entre les opérateurs, mais des progrès doivent être réalisés.

Un autre pilier de la politique de financement conduite par l'État concerne les prêts bonifiés et les dons. Deux instruments financiers d'aide liée existent : le Fonds d'étude et d'aide au secteur privé – FASEP – consacré aux études en amont des projets – 19 milliards d'euros en 2013 – et la Réserve pays émergents – RPE –, qui est un prêt bonifié – 380 milliards d'euros en 2013, pour une dizaine de projets financés. Le bilan de ces instruments est positif pour les entreprises françaises : le FASEP accroît nos chances de succès sur appels d'offres, le RPE réserve les marchés publics de nos partenaires à nos entreprises. Sur les 280 études financées ces dix dernières années par le FASEP, on estime que pour un euro d'aide octroyée, dix euros de contrat reviennent aux entreprises françaises, dont cinq euros directement pour leurs établissement sur le territoire français. Quant à la RPE, elle a notamment permis de financer en Équateur le tramway de Cuenca.

Ces deux outils peuvent faciliter l'accès des entreprises aux financements de l'Agence française de développement – AFD – ou des bailleurs multilatéraux. Ils soutiennent enfin notre stratégie d'influence dans les pays tiers.

Le dernier pilier de la politique de financement de l'État est Ubifrance, qui devient un des éléments de la politique visant à l'internationalisation des entreprises menée par la BPI. Ubifrance a assuré, en 2012, l'accompagnement de 7 661 PME et ETI et envoyé à l'étranger 4 975 volontaires internationaux des entreprises. Son budget est de 186 millions d'euros, dont 103,7 millions de subventions de l'État. Ubifrance participe à l'effort de réduction des dépenses publiques, pour 3,8 millions d'euros au titre de la mise en réserve et de 3 millions d'euros pour le surgel. Ubifrance est dotée d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance tenant compte des objectifs du Pacte national, à savoir 1 000 PME de croissance et ETI ainsi que 9 000 VIE. L'agence devra tenir compte du rôle des régions et privilégier l'accompagnement sur mesure. Ce redéploiement s'effectue dans un contexte budgétaire tendu, mais le coût total des procédures de soutien à l'export est, depuis plusieurs années, globalement équilibré pour l'État. Il faut éviter qu'une réduction importante des moyens d'Ubifrance prive cet organisme des moyens d'agir pour nos entreprises à l'international. En matière de commerce extérieur, tous les outils, tous les opérateurs sont indispensables, en particulier les PME.

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