Avant de répondre aux questions, je propose de me présenter en quelques mots. Je me définirais avant tout comme un chercheur, longtemps au CNRS, à l'École des hautes études en sciences sociales depuis trente ans et pour encore quelques mois, avant de prendre ma retraite.
En même temps, j'ai toujours éprouvé un fort intérêt pour les questions de politique économique. Mes recherches ont surtout porté sur des questions liées à la croissance et au développement, aux finances publiques, à la fiscalité, aux transferts, c'est-à-dire à la redistribution des revenus. Mon approche a été aussi bien théorique qu'empirique et elle a concerné aussi bien les pays développés que les pays en développement. Parallèlement, j'ai travaillé comme consultant auprès d'organismes internationaux – l'OCDE, la Commission européenne, les Nations unies, la Banque mondiale et le FMI – pour conseiller un certain nombre de pays dans la recherche de stratégies de développement.
En France, c'est Pierre-Alain Muet, aujourd'hui député, qui m'a demandé, en 1997, de faire partie de la première équipe du Centre d'analyse économique pour lequel j'ai écrit plusieurs rapports, notamment sur la fiscalité et le système redistributif en France en comparaison avec des pays étrangers. C'est à cette époque que j'ai pris conscience de toute la difficulté de l'exercice de la politique économique et, en particulier, de la mise en oeuvre de réformes ambitieuses. J'ai également fait partie d'un groupe de réflexion réuni auprès de M. Michel Rocard et qui a inspiré des mesures de type CSG ou RMI.
Quelques années plus tard, j'ai reçu l'offre de la Banque mondiale de prendre le poste de directeur de la recherche dans cette institution, à Washington, puis celui d'économiste en chef et de premier vice-président. Pendant plus de quatre ans, j'ai pu bénéficier de l'expérience de la politique macro-économique dans des pays extrêmement différents tels que le Brésil, le Cambodge, le Sénégal et beaucoup d'autres. Cela m'a donné l'occasion de me confronter à l'économie mondiale et m'a permis de comprendre que, de plus en plus aujourd'hui, on ne peut pas évoquer des options de politique économique intérieure sans une référence très précise à la situation mondiale.
J'ai été amené à réaliser des diagnostics sur l'évolution de la conjoncture internationale. Le dernier travail que j'ai rendu sur ce sujet au conseil d'administration de la Banque mondiale sur l'état de l'économie mondiale était précurseur et évoquait, avec quelques années d'avance, les graves conséquences qu'aurait l'explosion de la bulle immobilière aux États-Unis.
A la fin de mon mandat à la Banque mondiale, j'ai pris la direction de l'École d'économie de Paris, dont j'avais posé la première pierre quinze ans plus tôt en créant une structure de recherche et d'enseignement qui avait assez rapidement acquis une réputation mondiale. Parallèlement, j'ai renoué avec la politique économique et sociale en France en occupant le poste de président de la commission d'évaluation du RSA de 2007 à 2010. J'ai ensuite accepté de prendre la présidence du groupe d'experts sur le SMIC et je m'apprête à intégrer le Haut Conseil des finances publiques.
La création de ce Haut Conseil est éminemment satisfaisante et bénéfique pour le fonctionnement de notre économie, dans la mesure où il va assurer une transparence et une crédibilité accrues des hypothèses qui sous-tendent l'exercice budgétaire. Le débat démocratique devrait se dérouler de façon plus claire et plus efficace et se concentrer sur des points essentiels plutôt que de se laisser absorber par l'ambiguïté de ce qui peut concerner les hypothèses sur l'environnement macro-économique.
De la même façon, l'examen par une instance indépendante des écarts entre les trajectoires des soldes programmés et ceux réalisés doit garantir une plus grande rigueur budgétaire et un débat plus efficace sur les mesures correctives à prendre ou les inflexions à adopter. Cette meilleure efficacité et cette plus grande crédibilité concernent non seulement le cadre économique et politique national, mais également l'image de la politique menée par le gouvernement français sur les marchés financiers internationaux et doit faciliter une coordination des politiques budgétaires européennes.
Plusieurs points sur le fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques restent à éclaircir. J'ai attentivement lu son avis sur le projet de programme de stabilité, qui a été récemment rendu public. Il m'a semblé très pertinent, encourageant la prudence et suggérant que les hypothèses du gouvernement étaient probablement un peu trop optimistes.
L'analyse de la loi de règlement des comptes de 2012 pose la question du comparateur. Nous allons analyser le solde structurel du budget exécuté l'an dernier, mais à quelle aune devrons-nous le comparer, sachant qu'une loi de programmation a été votée fin 2012 ?
Je m'interroge également sur la façon dont le Haut Conseil devra séparer l'évaluation de la prescription : comparer les écarts et examiner l'effort structurel sans se prononcer sur le bien-fondé des mesures semble assez délicat. Nous apprendrons à l'usage. Quoi qu'il en soit, cette innovation institutionnelle est très importante pour notre économie, pour notre démocratie et je pense que mon expertise dans le domaine macro-économique pourrait lui être d'une certaine utilité.