Intervention de François Bourguignon

Réunion du 15 mai 2013 à 18h30
Commission des affaires sociales

François Bourguignon :

J'accepte cette hypothèse – encore faut-il la vérifier et c'est un domaine dans lequel l'information statistique n'est certainement pas très fiable quand elle existe, car la plupart du temps, elle n'existe pas.

Pour répondre à la dernière question concernant le courant dans lequel je m'inscris, néoclassique ou keynésien, je dois dire que cette catégorisation m'insupporte un peu. On vit aujourd'hui dans la science économique un moment très important dans lequel la distinction entre les notions d'hétérodoxie et d'orthodoxie a tendance à devenir très floue. Effectivement, il existe encore des gens qui croient mordicus que les marchés peuvent tout, qu'il faut les laisser libres de fonctionner et que toute intervention est catastrophique. Il y a certainement des gens qui pensent que le régime keynésien constitue la seule solution à la crise que nous vivons. Je pense que le gros de la profession est plutôt sceptique sur ces deux théories et que justement, ce qui est intéressant à l'heure actuelle en économie est qu'on tend à faire éclater les axiomes et postulats de base.

Nombreux sont ceux qui réfléchissent sur l'influence dans la théorie économique de l'adoption de comportements de rationalité limitée. En effet, que se passe-t-il si on accepte le fait que les anticipations sur les marchés ne sont pas rationnelles et qu'on a besoin d'une coordination des anticipations ? Par ailleurs, comment cette coordination peut-elle se faire ? À l'heure actuelle, je dirais que la science économique est en plein bouillonnement et ces théories néoclassiques et néokeynésiennes – si elles existent encore, mais les extrêmes continuent à exister – sont de moins en moins partagées par l'ensemble de la profession.

Les États-Unis sont probablement le lieu où l'on trouve le plus de libéraux, d'ultralibéraux et de conservateurs. Or, lorsque la crise y est apparue, il est intéressant de relever qu'il n'y a pas eu de débat. J'ai été particulièrement surpris, car, soudainement, tous ces gens qui professaient la fin du keynésianisme et qui refusaient de l'enseigner à leurs étudiants en première ou deuxième année affirmaient qu'il fallait déclencher un stimulus, recette typiquement keynésienne. Tout cela démontre bien que nous ne sommes plus dans une opposition aussi farouche. Cela étant, on continuera à trouver des gens qui plaident une théorie extrême et des gens qui défendent l'autre. Mais je crois que la réalité est différente.

Les différentes initiatives prises depuis le début du quinquennat recouvrent notamment les prélèvements fiscaux, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et les accords sur l'emploi. De mon point de vue, il existe des limites aux prélèvements fiscaux et de la même façon que pour la dette, si l'on ne peut pas imaginer qu'elle peut croître indéfiniment, on ne peut pas non plus concevoir que les taux de prélèvement d'un certain nombre d'activités pourraient augmenter jusqu'à tendre vers un niveau proche de 100 %. Ceci aura nécessairement des effets négatifs sur certains aspects de l'économie. À titre personnel et non plus à celui du Haut Conseil des finances publiques, je considère qu'il existe une limite à l'augmentation de la fiscalité marginale, même si je suis personnellement convaincu que des progrès doivent être faits et qu'il faut retrouver une certaine progressivité dans notre système fiscal, qui a eu tendance à disparaître au cours du temps, comme dans d'autres pays. Cela est difficile à réaliser de façon isolée et j'espère qu'au fur et à mesure se développera un consensus entre pays développés qui conviendront d'aller dans la même direction. On peut rétablir de la progressivité sans que les taux de fiscalité soient trop importants.

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