Intervention de Patrick Bellouard

Réunion du 4 avril 2013 à 11h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Patrick Bellouard, ancien directeur de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, OCCAr :

L'A400M constitue, contrairement à ce l'on a pu entendre, le meilleur programme de coopération mis en oeuvre à ce jour en Europe. Il repose sur une démarche rare d'identification des besoins communs en matière de spécifications, établie, en 1997, par les chefs d'état-major de huit États (l'Allemagne, la France, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Turquie, la Belgique, le Portugal et l'Italie, ces deux derniers ayant depuis quitté le programme). Un contrat de développement et de production unique a conféré de larges responsabilités au maître d'oeuvre, ce qui a permis de cantonner les interventions étatiques et de faire face aux retards de développement.

Dans la gestion de ce programme, l'OCCAr a montré toute son efficacité. Par ailleurs, l'A400M n'a pas eu à subir systématiquement la règle du juste retour industriel – contrairement à l'ensemble des précédents programmes de coopération – il est vrai grâce à l'activité civile d'Airbus, qui avait déjà développé des spécialisations industrielles en Europe. Cela a permis de répartir le travail de manière plus aisée, même si nous avons dû évidemment résoudre certains problèmes de sous-traitance.

Le calendrier était très serré, puisque le premier avion devait être livré six ans après la notification du contrat. L'industriel s'était engagé à le respecter, mais n'ayant pas pris la mesure de cette exigence il n'a pas pu honorer son engagement. Cela nous a contraints à signer un avenant – notifié en avril 2011 – pour réorganiser le programme, celui-ci restant exemplaire en termes de maîtrise du coût et du délai ; par comparaison, le vol initial du premier prototype du C-17 américain a demandé dix années, alors que cette durée suffira pour livrer le premier A400M – en mai ou en juin prochain.

La France ne participe pas au programme Boxer, mais ce programme constitue également un succès pour l'OCCAr, puisque plus de 100 véhicules ont été livrés à l'Allemagne, ce matériel étant déployé en Afghanistan à la grande satisfaction de l'armée allemande.

Le Cobra est un succès dont se félicitent la France, le Royaume-Uni – bien qu'il se soit retiré du programme – et l'OCCAr, qui affiche une grande fierté d'avoir atteint, pour cet instrument, un tel niveau de disponibilité en opération.

Il est trop tôt pour tirer toutes les leçons du programme ESSOR qui se déroule de manière satisfaisante. Le cahier des charges du programme de démonstration sera respecté avec un léger retard. Ce retard, qui n'est pas anormal pour un programme de cette nature, ne modifie pas le contrat, ni le coût initialement prévu pour les États. Je souhaite que ce programme fasse l'objet d'une seconde phase permettant de passer du démonstrateur de radio logicielle sécurisée à un système doté d'une capacité opérationnelle. Des discussions sont en cours sur ce point entre les États qui ne s'étaient engagés que sur le programme de démonstration.

Le programme FSAF-PAAMS est aussi un succès. L'OCCAr est responsable depuis l'an dernier de la troisième phase de ce programme très ancien. Il porte sur des systèmes antimissiles pour les forces terrestres mais aussi des systèmes embarqués à bord des frégates italiennes et françaises ainsi qu'à bord du porte-avions Charles de Gaulle et du porte-aéronefs italien Cavour. La capacité opérationnelle de ces systèmes, y compris anti-balistique, a été éprouvée. Les tirs des deux dernières années ont été des succès. Il reste à démontrer la disponibilité de ces matériels à un prix satisfaisant. Il convient également pour l'avenir d'éviter la remise en cause des cibles du programme qui entraîne des surcoûts.

Je n'évoque pas le programme MUSIS qui est en phase de définition

Concernant le programme Tigre, on peut regretter l'existence de différentes versions de l'hélicoptère Tigre. Ce programme comportait initialement des spécifications destinées au combat antichar en Europe centrale puisqu'il a été lancé dans les années 80 en pleine guerre froide. Les autorités françaises ont par la suite modifié les spécifications initiales pour adapter les appareils à la nouvelle donne géopolitique, contrairement aux responsables allemands, qui le regrettent sans doute aujourd'hui.

Les projections initiales étaient respectivement de 212 et 215 hélicoptères pour l'Allemagne et la France. Les Allemands disposent actuellement de 80 UHT – la version antichar de l'hélicoptère, proche des spécifications initiales. La France avait initialement commandé 80 appareils, 70 HAP – la version appui-protection – et 10 HAD – la version appui-destruction. À la faveur de l'entrée de l'Espagne dans le programme qui a en grande partie financé le développement de la version HAD, la France a pu, à la satisfaction de tous et avec un surcoût mineur, revoir sa commande pour obtenir 40 HAP et 40 HAD.

Nous sommes très satisfaits de la mise en service des hélicoptères Tigre qui ont fait la preuve, dans la version HAP, de leur capacité opérationnelle en Afghanistan, en Libye ainsi qu'au Mali. Le déploiement des hélicoptères allemands en Afghanistan, sur lequel je ne dispose pas de retour d'expérience, a obligé à des modifications de ces appareils conçus pour le combat antichar afin de les adapter au combat sur le théâtre afghan. La France a apporté des modifications moins coûteuses puisque la version HAP était déjà apte à ce type d'intervention.

L'existence de différentes versions de l'hélicoptère et de trois chaînes d'assemblage – en France, en Allemagne et en Espagne – n'est malheureusement pas génératrice d'économies, contrairement à l'A400M dont l'unique chaîne de montage est située à Séville. Un programme équivalent au programme Tigre, programme qui n'a pas été sous la responsabilité de l'OCCAr à son lancement, aurait pu être conduit à moindre coût. Je suis néanmoins satisfait, comme les forces armées, de la capacité opérationnelle du Tigre.

Le programme FREMM donne lieu à une coopération très restreinte entre la France et l'Italie. Seuls 15 % des éléments du programme sont communs aux frégates italiennes et françaises. Ce programme a fait l'objet d'un contrat unique entre l'OCCAr et un consortium réunissant d'une part DCNS, côté français et d'autre part Orizzonte Sistemi Navali, côté italien. Mais ces entreprises travaillent de manière indépendante, même si elles utilisent des matériels communs – diesel, turbine, sonar, lanceur, système de contre-mesure, etc. L'intérêt de la coopération est donc limité.

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