Intervention de Jean-Michel Hoorelbeke

Réunion du 21 mars 2013 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Michel Hoorelbeke, Andra :

Comme l'a dit M. Bernard Bigot, le CEA a demandé à l'Andra d'évaluer l'impact sur le stockage géologique, de la mise en oeuvre de plusieurs options possibles de transmutation avec des réacteurs rapides, sachant que la transmutation ne supprime pas la nécessité d'un stockage géologique profond. Comme la transmutation ne peut s'effectuer que dans de futurs réacteurs, l'Andra n'a pas étudié l'impact sur le projet Cigéo, mais sur son éventuel successeur. En effet, Cigéo est conçu pour gérer les déchets existants, et les déchets générés dans les années à venir par le parc actuel de réacteurs. Cigéo n'est donc pas impacté par la mise en oeuvre éventuelle, dans l'avenir, d'options de transmutation. Dans toutes les options étudiées avec le CEA, le plutonium est toujours supposé multi-recyclé, car il n'y aurait pas de sens à transmuter les actinides mineurs sans s'être d'abord occupé du plutonium. Nous avons comparé un scénario où seul le plutonium serait intégralement recyclé dans un futur parc de réacteurs rapides, et donc ne se trouverait pas dans les déchets de ce parc, un scénario où l'américium serait séparé et transmuté et un scénario où tous les actinides mineurs seraient transmutés. Je voudrais rappeler également que le CEA avait conclu la première phase de recherche, menée dans le cadre de la loi de 1991, par l'impossibilité en pratique de chercher à séparer et à transmuter des produits de fission, qui sont l'autre grand constituant des déchets de haute activité. Certains de ces produits de fission ont aussi une longue période radioactive, impliquant une gestion dans un stockage profond. La transmutation est un processus lent. Je crois qu'il faut plusieurs recyclages pour faire disparaître les actinides, et donc les scénarios étudiés avec le CEA comportent deux futurs parcs électronucléaires successifs qui fonctionneraient pendant environ un siècle. La transmutation des actinides mineurs ne diminue pas le volume des déchets produits, qu'il s'agisse des déchets de haute activité vitrifiés, ou de moyenne activité à vie longue. Il faudra stocker en profondeur ces deux types de déchets, avec ou sans transmutation, bien que celle-ci permette de réduire la radio-toxicité. Les réacteurs rapides produisent un volume de déchets de moyenne activité à vie longue (MAVL) plus important que les réacteurs actuels et les EPR. À notre avis, l'optimisation des volumes de ces déchets et de leur caractère plus ou moins inerte au plan chimique peuvent constituer des enjeux de R&D pour de nouvelles filières nucléaires.

Si elle ne diminue pas le volume, la transmutation diminue la chaleur dégagée par les déchets de haute activité et cette chaleur décroît plus vite dans le temps. Cela permet, comme cela a déjà été dit, une diminution de l'emprise du stockage. Cette emprise dépend également de la durée préalable d'entreposage des déchets de haute activité avant leur stockage. Si l'on entrepose des déchets de haute activité pendant 70 ans, la transmutation des actinides permettrait une réduction d'un facteur 2 à 2,5 de l'emprise souterraine de stockage des déchets à haute activité. Si l'on accepte de prolonger l'entreposage jusqu'à 120 ans, nous trouvons une possibilité de réduction plus forte. En allant au maximum des possibilités, nous atteignons un facteur 10. Cela étant, il ne faut pas oublier l'emprise des déchets MAVL, indépendante des options de transmutation, et qui peut devenir aussi importante que celle des déchets de haute activité. Au final, en densifiant au maximum le stockage et en acceptant d'augmenter la durée d'entreposage jusqu'à 120 ans, l'emprise totale de l'installation souterraine du stockage pourrait diminuer avec la transmutation jusqu'à un facteur 3 environ. Pour gérer les déchets d'un siècle supplémentaire de production électronucléaire, avec les déchets rapides il nous faudrait à peu près 15 km² - soit l'équivalent du projet Cidéo actuel - en souterrain sans transmutation et 4 à 5 km² avec transmutation. Du point de vue de la sûreté, l'impact radiologique résiduel à long terme d'un stockage résulte des produits de fission et d'activation à vie longue contenus dans les déchets à haute activité et dans les déchets MAVL. Cet impact ne provient pas des actinides, car leur mobilité en stockage est extrêmement faible. La transmutation ne peut donc pas amener de gain sur ce point, comme l'a déjà précisé M. Bernard Bigot.

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