- Je voudrais tout d'abord rappeler qu'EDF est le seul électricien au monde à pratiquer le recyclage à l'échelle industrielle, puisque par année, nous envoyons à La Hague 1200 tonnes de combustible usé, et nous en retraitons 1000 tonnes. Cela correspond à retraiter l'ensemble du combustible usé à uranium naturel enrichi qui sort de nos réacteurs. Les 200 tonnes restantes correspondent à des combustibles qui proviennent de matières recyclées, c'est-à-dire le plutonium, mais aussi l'uranium, extrait par le procédé de traitement des combustibles usés envoyés à La Hague. Dans ce cadre-là, dans le système industriel actuel et avec les réacteurs dont nous disposons, les combustibles recyclés une fois ne peuvent pas l'être une deuxième fois. C'est pour cela que ces 1 200 tonnes ne sont pas complètement traitées et que seules les 1 000 tonnes provenant du combustible qui n'a pas encore été recyclé sont traitées, le reste ne pouvant pas l'être. C'est là l'un des enjeux majeurs du développement des réacteurs de IVe génération, dits à spectre rapide : permettre la récupération des matières intrinsèquement recyclables de ces combustibles usés, donc uranium et plutonium, MOX et uranium de retraitement, et permettre un recyclage très intéressant.
Pour répondre à la question de Greenpeace, je voudrais préciser que si jamais les réacteurs de IVe génération ne se développaient pas, ce que nous faisons aujourd'hui présente un intérêt évident, puisque par rapport à une situation où nous n'aurions pas du tout traité ou recyclé, en fin de jeu certes il nous resterait des combustibles usés à considérer en situation de stockage, en plus des déchets radioactifs aujourd'hui considérés en référence. Mais nous aurions décru l'inventaire global des déchets radioactifs de 80 %. C'est-à-dire que par rapport à une situation où il n'y aurait pas eu de traitement-recyclage, il n'y a que 20 % de volume de déchets à considérer : les déchets radioactifs après traitement, plus une part, raisonnablement faible d'ailleurs, de combustible usé MOX et uranium de retraitement. Ce n'est pas notre scénario de référence, qui est bien sûr de n'avoir pas de combustible usé en situation de stockage, et nous soutenons le développement des réacteurs de IVe génération. Ces réacteurs de IVe génération présentent un autre avantage. En effet nous n'utilisons pas l'intégralité, loin s'en faut, de l'uranium extrait des mines. Nous en utilisons à peu près 1 % pour faire nos combustibles à l'uranium naturel enrichi. Il y a une première transmutation, celle de l'uranium 238 en plutonium, et donc l'enclenchement d'un multi-recyclage uranium-plutonium dans ces réacteurs de IVe génération, qui n'est pas possible dans les réacteurs actuels. C'est très intéressant du point de vue de l'économie de la ressource énergétique, car cela pourrait nous permettre, en utilisant les produits déjà extraits des mines et non-utilisés aujourd'hui, de disposer d'une ressource énergétique pratiquement inépuisable. Pour ces deux raisons EDF soutient clairement le développement des réacteurs de génération IV : Ils constituent un élément essentiel pour une gestion durable des ressources énergétiques, et ils sont un outil complémentaire important pour la gestion de nos déchets radioactifs.
En revanche, il y a une deuxième transmutation : celle des actinides mineurs. Les résultats de recherche montrent qu'il convient d'être extrêmement prudent. Il faut bien peser le bilan inconvénients-avantages, compte tenu de trois facteurs essentiels. Nous sommes sur des quantités extrêmement faibles, représentant environ un pour mille de l'inventaire global des déchets à considérer de toute façon en situation de stockage. Il a été clairement établi que ces radionucléides sont très bien confinés, donc qu'ils n'ont pas d'impact pratique sur la sûreté du stockage. En revanche si l'on ne les stocke pas via la vitrification, il faudra les conserver dans le cycle industriel. Cela implique de bien mesurer les contraintes industrielles et sanitaires que pourrait engendrer la présence des actinides mineurs, à la fois dans le cycle du combustible et dans nos réacteurs. Effectivement, comme cela a été rappelé par M. Bernard Bigot, ces considérations ne sont pas simples, et il faut bien les mesurer avant d'envisager un déploiement industriel de la transmutation de l'américium, comme cela a été proposé. En conclusion, EDF soutient le développement des réacteurs de IVe génération. Nous proposons d'un point de vue extrêmement pratique de concentrer les efforts de R&D sur le cycle uranium-plutonium, comme cela a d'ailleurs été proposé par le CEA, de façon à ce que nous puissions disposer en temps utile d'une filière électronucléaire performante de IVe génération.