Intervention de Pierre-Franck Chevet

Réunion du 21 mars 2013 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sureté nucléaire :

Je n'utiliserai pas les 10 minutes qui me sont données. Je voulais vous faire part de notre avis préliminaire sur trois points. Tout d'abord, pour la séparation-transmutation, nous n'avons pas encore formalisé l'avis définitif que nous ferons dans les prochaines semaines. Cet avis sera publié et disponible pour le débat public à venir autour de Cigéo. Il est question, en parlant de transmutation, d'optimisation de l'inventaire de stockage. Mais dans tous les cas il y a besoin de stockage. Quel que soit l'intérêt des recherches d'optimisation, sur les quantités et sur la nocivité des matières, il ne faut pas que cela nous retarde sur l'avancement du projet Cigéo, pour le court terme. Le deuxième aspect de notre avis concerne les transmutations : il y en a plusieurs, et je salue les avancées faites notamment par le CEA en matière de recherche. Ce sont des technologies validées en laboratoire, mais non encore industriellement prouvées, encore moins en termes de sûreté. Nous sommes encore loin de pouvoir avoir un jugement totalement conforté comme pour des installations beaucoup plus matures. Le troisième point est le plus important dans ce jugement préliminaire, qui n'entre pas dans le cadre d'un dossier de sûreté complet. Au plan de la sûreté et de la radioprotection, les opérations de transmutation envisagées présentent des inconvénients avérés, notamment pour le cycle, qu'il complexifie. Il s'agit non seulement de la sûreté et de la radioprotection dans les réacteurs, mais aussi pendant les transports, et dans les usines qui participent à ce schéma. Ces Inconvénients sont avérés, difficiles à apprécier à ce stade car nous ne disposons pas encore de dossier complet. Les bénéfices sont contrastés. Ils sont relativement faibles sur l'impact radiologique. Il peut y en avoir sur l'empreinte, liés à la diminution des chaleurs résiduelles, mais ils ne sont pas encore totalement convaincants à ce stade. Pour autant, il faut poursuivre ces recherches, d'ailleurs prévues par la loi. Mais notre avis définitif s'orientera autour de ces trois idées. Ce disant, je préjuge d'un avis que nous rendrons dans quelques semaines.

Sur ASTRID, nous développons trois idées. Le prototype est un réacteur de génération IV. Si nous parlons d'un prototype à l'horizon 2020, en décalage à 2025, à l'évidence ce réacteur de génération IV doit répondre aux exigences de sûreté d'un réacteur de génération III. Nous avons, notamment via Superphénix, une expérience que je connais très bien, des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, tel qu'ASTRID. Il existe des enjeux de sûreté particuliers sur ces réacteurs. Il nous paraît évident qu'il faut les traiter dans le cadre d'un prototype, en gardant en tête les critères actuels, les meilleurs standards de génération III. Cela suppose de fournir un travail très rigoureux et très complet. Je peux détailler un peu : la capacité à pouvoir contrôler en service, les questions de feu de sodium, peut-être dans une moindre mesure, celles de réactivité. Ce sont des enjeux absolument centraux, déjà dans le cadre d'un prototype unique. Mais s'il s'agit d'une tête de série, devant conduire à un déploiement industriel massif, à l'horizon 2040, nous ne serons peut-être plus sur des standards de sûreté de génération III. Les exigences de sûreté auront encore vraisemblablement augmenté. Il nous parait donc que le prototype réalisé dans un premier temps, doive être non-seulement de génération III, mais permette d'explorer concrètement des solutions de sûreté futures, au-delà de la génération III.

En dernier point, nous comprenons l'argumentaire présenté par le CEA sur le thème : nous avons une expérience réelle sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium. Effectivement d'autres réacteurs présentent des difficultés ou des enjeux techniques compliqués, notamment par des questions de matériaux. À l'évidence, si nous étions dans un déploiement immédiat à l'échelle de temps du nucléaire, 10-15 ans, la conclusion du CEA serait valable. Mais il ne faut pas exclure que ces déploiements de génération IV soient différés un peu dans le temps. Dans ce cas, nous plaidons pour que le CEA garde un regard très attentif sur les autres technologies, et nous plaidons pour disposer d'une étude comparative des filières, notamment sur les aspects de sûreté-radioprotection. En effet dans ces différents réacteurs de génération IV, certains ont des caractéristiques intrinsèques de sûreté positives, même si nous le reconnaissons, il existe des difficultés à disposer de matériaux avancés.

Nous serons amenés à nous prononcer sur l'ensemble du dossier de sûreté en juin prochain, considérant qu'aujourd'hui ce dossier est de simple orientation de sûreté, phase amont. Par ailleurs, sur l'aspect de la comparabilité des filières, qui nous tient beaucoup à coeur, il est prévu que l'instruction technique s'achève fin 2013. Nous serons amenés à nous prononcer début 2014.

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