- Je ne pense pas m'écarter beaucoup de ce que vient de dire l'ASN. S'agissant de la séparation, la CNE attire l'attention sur le fait que la France a une avance assez considérable dans ce domaine. Il faudra veiller à ne pas à arrêter les recherches et les études. En effet, s'agissant d'un réacteur pour 2040, et considérant les progrès faits sur les matériaux, la chimie, sur ce qu'il est possible de créer, nous insistons très vivement pour que la recherche reste très active dans ce domaine. Le jour venu, il pourrait exister des solutions évidemment inconnues aujourd'hui.
Je voudrais parler des ADS, c'est-à-dire des systèmes utilisant un accélérateur (Cf. supra), et de leurs liens avec les réacteurs à neutrons rapides, dits RNR. Nous nous sommes rendus à Mol, où nous avons écouté une délégation venue nous présenter les ADS qui constituent certainement une solution envisageable pour la transmutation des actinides. Le déploiement d'ADS ne résout pas le problème du plutonium, mais offre des dispositifs permettant de réaliser une transmutation de l'américium et, éventuellement, du curium. Associés à une séparation, en Europe tout au moins, il est nécessaire qu'il y ait à la fois des ADS et des RNR pour utiliser le plutonium. Il faut ajouter qu'un ADS n'est pas producteur d'électricité. Quand nous faisons des comparaisons, je pense que ces éléments doivent être pris en compte. En ce qui concerne les RNR, la Commission constate que le CEA, EDF et AREVA sont engagés dans le développement d'ASTRID, et recommande que cette aventure se poursuive jusqu'au bout. Tout ce qui a été fait a validé une approche scientifique et technologique, même si la validation industrielle n'est pas faite. Cette validation industrielle est extrêmement importante puisqu'elle va toucher à des problèmes de sûreté, de dimensionnement et de matériaux. Il faut donc, pour que la communauté puisse prendre une décision par rapport aux RNR, que cette aventure aille à son terme. Pour cela, il faut évidemment pouvoir à la fois séparer, prendre le plutonium, l'associer à de l'uranium appauvri, et faire recycler ce même plutonium, c'est-à-dire réalimenter le réacteur avec le plutonium sorti après retraitement du combustible. C'est un élément primordial.
En deuxième point, si un réacteur à neutrons rapides de type ASTRID est proposé, la sûreté doit être au minimum de troisième génération. Pour cela des ruptures technologiques sont nécessaires, qui permettent de gagner presque un ordre de grandeur sur la probabilité de fusion de coeur. Voilà les conditions que nous relevons. À cette occasion la Commission salue la capacité du CEA, d'EDF et d'AREVA à nous accueillir et à répondre à toutes les questions que nous pouvons poser. Nous avons retenu comme innovations, pour ASTRID, en le comparant à ses homologues dans le monde entier : un coeur à faible perte de réactivité, avec un coefficient de vide négatif, une réduction du risque de réaction sodium-eau, en recourant à des échangeurs modulaires, ou à un gaz inerte; par ailleurs ASTRID pourra bénéficier de l'inspection en service. Celle-ci a considérablement progressé au moment où Phénix a été arrêté, puis remis en service. Des avancées considérables sur l'inspection en présence d'un refroidissement sodium ont pu être réalisées, ce qui constitue une retombée très importante.
La Commission rappelle la nécessité de recycler le plutonium. De plus, ASTRID est un outil qui peut permettre la transmutation des actinides mineurs. Des expériences ont été faites avec des outils d'irradiation, en Norvège, à Petten, ou aux États-Unis. Des aiguilles ont été constituées qui contenaient de l'américium. La transmutation de cet américium a donc été démontrée. Il est nécessaire d'aller beaucoup plus loin, cela a été rappelé par l'ASN, car la manipulation de l'américium implique un cycle différent. La commission insiste sur la nécessité de déployer ces études, en prenant en compte ces différents paramètres.
Nous émettons également des recommandations concernant la recherche. La Commission ne prétend pas être inventive, simplement elle appuie ses propositions sur les éléments qui lui sont parvenus. Sur le plan des matériaux, des recherches approfondies sont nécessaires, dans la mesure où l'on atteint des taux de combustion élevés, avec des teneurs en plutonium importantes. Également dans le schéma proposé, il est nécessaire qu'à la fois l'unité de fabrication du combustible et son unité de retraitement soient associées d'emblée à ASTRID. À défaut, il manquerait un élément pour la fermeture du cycle, alors que l'un des objectifs majeurs d'ASTRID est la fermeture de cycle.