En introduction je voudrais indiquer que fin décembre 2012, l'Andra a remis son rapport au gouvernement sur les scénarios de gestion à long terme des déchets de faible activité à vie longue, conformément à la demande qui avait été faite par le plan de gestion des matières et des déchets radioactifs. Ce rapport a été présenté en février au groupe de travail du plan national. Il est aujourd'hui disponible sur le site internet de l'Andra. Il répond à une demande de l'État, après le retrait des deux communes présélectionnées en 2009. L'État nous a demandé d'ouvrir d'autres scénarios de gestion que ceux envisagés précédemment, notamment d'étudier les possibilités de gestion séparée des déchets de graphite et des déchets radifères. Je vais aborder deux points dans ma présentation: nos conclusions techniques sur l'étude de ces différents scénarios, et nos propositions pour poursuivre la démarche de recherche de sites. Sur le plan technique, il existe différentes familles de déchets de faible activité à vie longue, avec chacune ses caractéristiques et ses spécificités. Nous nous sommes attachés dans ce rapport à considérer chaque famille de déchets. Notre première conclusion est qu'aujourd'hui en France, le stockage des déchets radifères est une priorité, car la majorité de ces déchets sont déjà produits, et sont actuellement entreposés dans des installations temporaires, dont certaines seront saturées d'ici une dizaine d'années. Le stockage de ces déchets, dans une couche d'argile suffisamment épaisse, à une quinzaine de mètres de profondeur, permettra de confiner efficacement la radioactivité à très long terme. Avant de pouvoir mettre en oeuvre une telle solution, il est nécessaire de mener une table de caractérisation géologique sur site, pour vérifier les performances de sûreté d'un éventuel centre de stockage, avant de prendre la décision de démarrer les études du projet industriel. C'est l'un des objectifs pour les années à venir. Concernant les déchets de graphite, produits par le démantèlement des premières générations de réacteurs, des études de R&D qui visent à approfondir différents scénarios de gestion sont conduites, en lien avec EDF et le CEA, à la fois sur le tri des déchets ou leur traitement en amont du stockage. Les conclusions de ces études, les progrès dans la caractérisation des déchets, et les résultats des investigations géologiques, nous permettront de proposer un scénario de gestion optimal pour ces déchets en 2015. En particulier, l'un des scénarios étudiés serait de stocker les graphites les moins actifs à faible profondeur, avec les déchets radifères, et les plus actifs dans Cigéo, à 500 mètres de profondeur. Cette option est une alternative à ce que nous avions présenté en 2008 : la création d'un stockage dédié pour les graphites à une centaine de mètres de profondeur. Il est à noter néanmoins que par précaution, nous avons prévu des réserves dans l'inventaire de Cigéo pour couvrir le cas où il y aurait nécessité de stocker certains de ces déchets en profondeur.
Pour les autres déchets FAVL, l'inventaire de ceux qui seront compatibles avec un stockage à faible profondeur sera précisé, sur la base des résultats des investigations géologiques. Sans cette connaissance exacte, il nous est difficile de préciser de manière définitive ce qui pourra relever d'un stockage à faible profondeur. Il s'agit de certains déchets bitumés du CEA, dont je reparlerai par la suite, de sources scellées usagées, d'objets contenant du radium, collectés notamment chez des particuliers, de déchets à radioactivité naturelle renforcée, de résidus de traitement d'uranium naturel. Par ailleurs, l'inventaire national des déchets radioactifs 2012 montre que l'on aura besoin dans quelques années de nouvelles capacités de stockage pour les déchets de très faible activité, produits par le démantèlement des installations nucléaires. Elles sont à prévoir pour l'horizon 2025, selon les prévisions de livraison actuelles des producteurs de déchets. Pour favoriser la synergie entre les filières de stockage, l'Andra propose d'étudier un centre de stockage capable à la fois de prendre en charge des déchets de très faible activité (TFA) et des déchets de faible activité à vie longue. Voilà les grandes orientations techniques de notre rapport en 2012. L'enjeu est donc bien d'avancer dans la connaissance géologique, et donc de poursuivre la démarche de recherche de site, initiée suite à la loi de 2006 par un premier appel à candidature. Pour poursuivre cette démarche, nous avons proposé au gouvernement de nous appuyer sur les recommandations du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, qui a réalisé un retour d'expérience très riche de la précédente phase d'appel à candidature, et a remis un rapport public à l'État en septembre 2011. Après deux années de réflexion et d'audition des acteurs concernés, il est important de rappeler les points saillants du rapport du Haut comité: le projet FAVL est un projet d'intérêt national, et la sûreté est le facteur premier du choix du site de stockage. Par ailleurs, le Haut comité recommande, pour la poursuite de la recherche de sites, de prendre en compte certaines considérations. En premier lieu, de nous appuyer sur les résultats de l'appel à candidatures de 2008. En deuxième lieu de privilégier le choix de territoires qui accueillent déjà des installations nucléaires, avec l'idée que l'éventuelle implantation d'un centre de stockage en serait facilitée. En troisième lieu d'engager des discussions à minima à l'échelon intercommunal, avec le soutien de l'État et des grandes collectivités. Enfin, de mener une démarche d'information et de dialogue avec la population, en parallèle de tout ce processus. Sur la base des recommandations du Haut comité, l'Andra fait l'analyse suivante. La communauté de communes de Soulaines, dans le département de l'Aube, est aujourd'hui le seul territoire qui réponde aux trois recommandations du Haut comité, car sa géologie est a priori favorable pour l'implantation d'un stockage à faible profondeur. Elle accueille déjà des installations nucléaires: le centre de stockage de l'Andra, à Soulaines. De plus, plusieurs communes s'étaient portées candidates en 2008 sur ce territoire. Nous avons donc présenté les conclusions de notre rapport à la Codecom de Soulaines, qui nous a indiqué ses conditions préalables à la réalisation d'investigations géologiques sur son territoire, en particulier la mise en place, avant toute présence sur le terrain, d'une structure de concertation avec l'Etat, les élus, les producteurs de déchets et l'Andra, pour définir les modalités d'accompagnement d'un éventuel centre de stockage. La communauté de communes souhaite également que l'Andra donne toute l'information nécessaire aux élus et à la population, en s'appuyant notamment sur les Commissions locales d'information existantes auprès de nos centres de stockage en activité. Cette position des élus ne porte en aucun cas sur l'acceptation ou non d'un centre de stockage. Pour les autres territoires, où des communes s'étaient portées candidates en 2008, l'Andra leur a transmis son rapport, en indiquant sa disponibilité pour venir présenter la démarche en cours et recueillir leurs intentions. Enfin, pour les autres territoires qui accueillent des installations nucléaires aujourd'hui, l'Andra doit se rapprocher d'AREVA, du CEA et d'EDF pour préciser les sites potentiels comportant une couche d'argile affleurante. Il est toutefois à noter que la majorité de ces sites nucléaires sont situés à proximité immédiate de cours d'eau. Une analyse détaillée est donc à mener sur la compatibilité de l'implantation d'éventuels centres de stockage, respectant les orientations de sûreté définies par l'Autorité de sûreté nucléaire, en vue de la recherche d'un site pour les déchets de faible activité à vie longue. En conclusion de ce rapport, l'Andra propose de fixer un nouveau rendez-vous dans trois ans, en 2015, où l'on pourra discuter des orientations pour la suite du projet sur la base de deux nouveaux rapports: un premier rapport technique de l'Andra qui proposera une ou des solutions industrielles pour la gestion des déchets FAVL et TFA, selon leurs différentes natures, et un second rapport qui comprendra une synthèse des échanges avec le public, ainsi que le projet de développement du territoire pouvant accompagner l' implantation d'un centre industriel, tel qu'il aura été discuté avec les acteurs du territoire.
Je vous propose de passer au deuxième volet de la table ronde pour donner un éclairage sur les études techniques menées par nos soins sur les déchets appelés bitumes. Les déchets bitumés sont constitués de boues sèches, enrobées dans une matrice de bitume. Ils sont conditionnés dans des fûts en acier, et proviennent du traitement d'effluents radioactifs aqueux sur les sites nucléaires, principalement par insolubilisation des radionucléides, avec l'ajout de réactifs minéraux. Ces colis de boue bitumée sont très largement des colis historiques, produits, depuis 1966, par les stations de traitement d'effluents liquides de Marcoule et, depuis 1989, de La Hague. C'est un mode de conditionnement aujourd'hui progressivement remplacé par d'autres procédés. Sur le site de Marcoule, cet historique de production conduit à une variabilité des caractéristiques radiologique et chimique des colis de boue bitumée, ce qui conduit le CEA à en affecter environ la moitié dans la catégorie des déchets de faible activité à vie longue, et l'autre moitié dans la catégorie des déchets de moyenne activité à vie longue. L'acceptabilité d'une partie des déchets bitumés dans ce projet de stockage, tel que nous l'étudions, sera confirmée à l'avenir à partir de mesures conduites par le CEA pour conforter l'inventaire radiologique de ces colis de boues bitumées de faible activité à vie longue, et également par les caractéristiques des sites que nous allons acquérir. Par précaution, comme pour certains déchets graphites, nous avons pris en compte ces déchets bitumés FAVL dans les réserves de l'inventaire de Cigéo.
Pour en venir de manière plus large aux déchets de moyenne activité à vie longue et aux questions relatives à leur stockage en profondeur et dans d'autres filières, il convient de déterminer les problématiques spécifiques liées au stockage de boues bitumées. Les deux questions essentielles pour démontrer la sûreté de leur stockage, portent premièrement sur le gonflement constaté sur certains enrobés en situation d'entreposage, et deuxièmement sur le risque d'incendie en exploitation. Nous avons donc travaillé avec le CEA et AREVA pour élaborer ensemble un programme d'étude de ces grandes problématiques. Il est en cours de finalisation, en impliquant les compétences du CEA, et, à l'international celle de l'homologue belge du CEA, le SCK-CEN, et prévoit notamment de nouvelles expériences pour continuer à étudier les phénomènes de gonflement : des prélèvements d'échantillons sur fûts réels avec des mesures calorimétriques réalisées sur ces échantillons, des essais de caractérisation du comportement thermique des enrobés en laboratoire, et même des essais de feu à l'échelle un, bien entendu sur des colis inactifs. Tout le travail qui va être mené vise à fournir un premier ensemble de résultats pour 2014, à la demande des évaluateurs, qui seront présentés à la CNE et à l'ASN. Certaines actions pourront se poursuivre au-delà.
En conclusion, il y a un consensus entre tous les acteurs pour dire que ces déchets bitumés ne seront pas stockés dans la toute première tranche de Cigéo, une phase de démarrage pendant laquelle nous aurons notamment pour objet d'éprouver les méthodes d'exploitation. Leur stockage est envisagé à partir de 2030, ce qui nous donne tout le temps nécessaire pour conforter les connaissances nécessaires avant de pouvoir les inclure dans le centre de stockage.