Intervention de Jean-Claude Duplessy

Réunion du 21 mars 2013 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Claude Duplessy, président de la CNE :

- La CNE a suivi depuis de nombreuses années tous les travaux de l'Andra, et en particulier les reconnaissances faites sur le centre géologique de Meuse-Haute-Marne. La conclusion de ces études, que nous acceptons sans la moindre réticence, montre un site stable depuis des millions d'années, et révélant d'excellentes qualités de confinement. Donc nous considérons qu'aujourd'hui rien n'empêche de passer à une phase industrielle, concrète, des opérations. Nous avons notamment, au cours des années 2011, 2012, et tout début 2013, suivi dans nos auditions les prévisions de stockage. Notre attention a été attirée sur les bitumes MAVL, prévus, nous l'avons remarqué, en option pour la première période d'exploitation de Cigéo. La position de la CNE a été définie alors dans son rapport numéro six, remis à l'Office parlementaire le 12 décembre dernier, et visible sur le site Internet de la CNE (cne2.fr). Globalement, nous considérons que ces colis soulèvent de nombreux problèmes spécifiques, et que les connaissances actuelles montrent encore des incertitudes sur leur comportement, notamment à court terme en cas d'incendie. Par conséquent notre première recommandation était de ne pas les prévoir dans la première phase d'exploitation du stockage. Je constate avec plaisir que l'ensemble des producteurs nous rejoint.

Nous avons considéré nécessaire, pour pouvoir nous prononcer de manière définitive sur le stockage des bitumes, de lever ces incertitudes sur leur comportement en cas d'incendie. Puisqu'il y aura demande de création de stockage avec un décret et un inventaire à présenter, nous avons très fortement souhaité recevoir pour décembre 2014, une démonstration en vraie grandeur du comportement des bitumes dans des conditions extrêmes, en ne nous satisfaisant pas de constater la réussite d'un d'entreposage industriel. Il convient de se placer d'emblée dans les conditions les plus pénalisantes pouvant survenir en stockage géologique profond. Nous avons demandé qu'un protocole d'essai nous soit présenté, établi conjointement par le CEA et l'Andra, et qu'AREVA puisse les rejoindre, compte-tenu de l'intérêt qu'ils y portent. Je pense que nos collègues de l'Autorité de sûreté nucléaire suivront avec intérêt ce travail. Si la démonstration est convaincante, c'est-à-dire que les colis se comportent bien, nous aurons levé l'incertitude. Si elle ne l'était pas, nous serions amenés à recommander d'étudier, avant toute décision, certains modes de traitements, soit des bitumes, soit des colis, pour que leur comportement réponde aux exigences de sûreté nécessaires dans le stockage. Je constate que les réponses du CEA et de l'Andra ont été positives : tout est mis en oeuvre pour que nous puissions avoir, à la fin de l'année 2014, des éléments qui nous permettent de prendre une position claire sur ces bitumes. Je ne peux que me féliciter de cette réponse positive du CEA et de l'Andra.

Pour les FAVL, je vais faire un peu d'historique. La CNE suivant les travaux et émettant des avis sur dossier, a pris bonne note des actions entreprises par nos collègues de l'Andra, du CEA et d'AREVA. Mais nous jugerons les résultats. Les FAVL comprennent deux grandes familles, comme signalé : les radifères et les graphites. Quand nous avons analysé cette situation, il y a quelques années, les radifères pouvaient clairement bénéficier, sans réelle difficulté, d'un stockage sous couverture remaniée. Le problème nous est apparu pour les graphites, non pas à cause du graphite lui-même, mais parce que ces déchets contiennent des éléments radioactifs mobiles : carbone 14 et chlore 36. Le chlore 36 est labile, donc, dès que l'eau arrive, il l'accompagne et il sort. Une des difficultés à laquelle nos collègues ont été confrontés était que l'inventaire en chlore 36 de ces graphites était en fait très mal connu. Par conséquent, en bonne logique, les exploitants ont pris des barres supérieures. Si cet inventaire se confirme, cela aurait comme conséquence qu'il y aurait autant de chlore 36 dans les graphites que dans tous les autres déchets MAVL, prévus de mettre en stockage souterrain dans Cigéo. Nous le savons, ce chlore 36 est le premier qui sort aux exutoires, comme les graphiques l'ont montré, à des normes très en dessous de celles imposées par les règles de sûreté, en raison de sa mobilité. Par conséquent la gestion des déchets FAVL ne peut pas ignorer ce point. Nous avons dit que des graphites ayant cette composition relevaient d'un stockage sous couverture intacte. En effet nous avons, par les études excellentes faites pour Cigéo, une idée du flux et du taux de diffusion dans cette argile très compacte. Il faut donc, pour ce chlore 36, une barrière argileuse comparable à celle qui existe dans Cigéo, même pour un stockage plus près de la surface. Cela nous a amené à recommander de les placer au centre d'une couche d'argile d'une centaine de mètres de profondeur. Compte-tenu de la très longue période radioactive du chlore 36, 300 000 ans, il ne faut pas que celle-ci soit affectée de façon dramatique par l'érosion. Elle devra donc être surmontée par une couche de calcaire, ou d'autres roches dures, qui préservera l'argile et lui permettra de bien jouer son rôle. Voilà les grandes orientations qui nous ont parues assez simples à prendre en compte pour stocker des graphites contenant du chlore 36. Nous avons pris bonne note du fait que les producteurs sont en train de réviser, sur des mesures approfondies, les teneurs réelles en chlore 36, et d'étudier des possibilités de décontamination du graphite. La CNE approuve cette démarche, et nous émettrons un avis quand nous aurons reçu un dossier et des documents nous montrant l'état de la situation, et comportant une proposition pour un stockage définitif.

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