Intervention de Olivier Sidler

Réunion du 4 avril 2013 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Olivier Sidler, ingénieur énergéticien, vice-président de NegaWatt :

C'est plus le professionnel que le représentant de Negawatt qui va vous parler maintenant. Je dirige un bureau d'études tourné depuis trente ans vers des opérations très ambitieuses, très performantes, les bâtiments à énergie positive. Tout ce que vous avez tous dit, je suis obligé de le reconnaitre, c'est vraiment le coeur de l'affaire.

Il y a deux niveaux. La certification concerne les produits, et plutôt les assureurs. Je poserai une question à monsieur Figarella, qui est de savoir, dans les sinistralités, ce qui revient au défaut de mise en oeuvre, et au produit lui-même.

Nous sommes dans une logique en France, et c'est ce qui nous distingue de l'Allemagne, de garantie décennale. C'est très bien pour le particulier, il est tranquille pendant dix ans. Mais cela a tout paralysé d'une certaine façon, vous l'avez tous dit à votre manière, et on le constate sur le terrain. Les Allemands ont une autre façon de faire. Il n'y a pas de garantie décennale, en revanche, chaque entreprise est engagée elle-même pendant deux ans sur la performance de ce qu'elle a mis en oeuvre, et pendant deux ans elle doit revenir sur le terrain tant que cela ne fonctionne pas. Je peux vous assurer, la grande différence que j'observe sur les chantiers, c'est que l'Allemand ne part pas, il fait bien les choses, parce qu'il sait qu'il va avoir à payer, et le français part, cela ne marche pas, et dit de faire appel à l'assurance. Vous devez le voir dans vos bilans. Finalement nous avons un système trop protecteur. On pense que c'est bien pour le particulier, mais finalement cela a des coûts, et cela paralyse toute l'innovation.

Le deuxième niveau de la paralysie est dans le calcul règlementaire, qui est nécessaire, nous n'allons pas le contester. Il a toutes les limites qu'on lui connaît, sauf qu'on n'arrive plus à innover. Je suis un grand fana des pompes à chaleur. Cela me rend malade, c'est vrai qu'on va chercher nos pompes à chaleur en Allemagne, je suis bien obligé de l'avouer. Il y a plein de choses qu'on va y chercher. Je vais vous donner un exemple. Dans la rénovation, nous cherchons à éviter les systèmes de ventilation centralisée qui sont trop compliqués. Nous avons trouvé en Allemagne des boites de ventilation décentralisées. Une vingtaine d'entreprises. Celle avec laquelle on travaille, a quarante personnes. Nous lui avons dit qu'il y avait de gros chantiers en France. Le gars a pris sa voiture de Stuttgart et il est venu nous voir dans la Drôme. Quelle est l'entreprise de 40 personnes en France, vous en avez 3 000 je crois, qui est capable d'attaquer ce genre de marché, de nous dire : quel est votre problème en France, on va le regarder. Dix jours après, cette entreprise a eu la solution, et a décidé de mettre une usine en France. Après, tout s'est bloqué parce qu'il y a les avis techniques, toutes ces choses-là … Donc on a un mécanisme qui nous empêche d'innover, et la proposition que je ferais serait peut-être celle-ci, en matière règlementaire, puisque c'est de cela dont il s'agit : ne pourrait-on pas ouvrir des portes sur les systèmes trop nouveaux ? À Grenoble j'essaie de mettre en oeuvre une boucle d'eau tiède. Il s'agit de chaleur récupérée sur les égouts. Cela coince de partout parce que ce n'est prévu nulle part. Pourtant c'est de l'énergie gratuite. C'est la même difficulté pour toutes les pompes à chaleur. Sur des logements sociaux, nous avons mis un an à obtenir un titre V. Résultat on y consomme 4,2 kWh d'électricité par mètre carré pour se chauffer, 3,2 pour l'eau chaude. Donc ça marche, c'est génial, sauf qu'il faut vraiment être motivé, être des militants pour arriver à pousser ces solutions-là. Et tous les industriels nous disent qu'ils font faillite parce qu'il n'y a pas assez de militants en face, ce que je comprends. Ne peut-on pas assouplir, accepter de faire des expériences qui seront évaluées plutôt que de bloquer au titre des règlementations ?

Dernier exemple, il y a une maison passive en Bourgogne, faisant partie des opérations que l'on a conduites dans cette région. Elle a des performances exceptionnelles mesurées et n'arrive même pas à avoir le label BBC. On décourage tout le monde, tous les gens qui ont envie de bien faire, que ce soit les industriels ou les particuliers. Il faut que l'on donne de la souplesse dans la mécanique, sinon, tout le monde l'a dit ici, on sera à la rue.

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