Intervention de Arie Arnon

Réunion du 15 mai 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Arie Arnon, professeur au département d'économie de l'Université Ben Gourion du Néguev et coordonnateur israélien du groupe d'Aix :

Vous avez posé d'excellentes questions, auxquelles il est difficile d'apporter une réponse.

Si le processus entre Israéliens et Palestiniens a connu des hauts et des bas, il a continué d'aller de l'avant. Puis on s'est demandé pourquoi les peuples ont pris la décision de travailler à l'encontre de leurs intérêts, au point que certains d'entre vous ont été amenés à croire la situation irréversible.

Le statu quo est complexe : Israël n'a pas souhaité annexer les Territoires palestiniens, pour de bonnes raisons. D'abord, la communauté internationale s'y est opposée. De plus, les responsables israéliens ont été intelligents : ils ont compris, depuis quarante ans, que si leur pays procédait à cette annexion et s'il devait accorder des droits politiques complets, comme le droit de vote, il y aurait un État binational, avec toutes les complexités que cela suppose. Ils ont donc préféré maintenir le statu quo, sachant qu'Israël contrôlait ces territoires.

La cause de l'arrêt des progrès résulte de cette réalisation négative. On a non seulement réussi à maintenir le statu quo, mais aussi à s'écarter de la solution à deux États – laquelle ne peut consister à partager la Cisjordanie entre Israéliens et Palestiniens.

Lors des négociations qui ont eu lieu en 2000, qui correspondent à un moment crucial de notre histoire, les Israéliens ont beaucoup contribué à l'effondrement des accords de Camp David, même si les Palestiniens ont aussi commis des erreurs. Par ailleurs, les Américains n'étaient pas prêts à négocier, dans la mesure où les discussions sur une vraie solution à deux États devaient tout résoudre : les questions ardues des territoires, des réfugiés et de Jérusalem.

Nous pensons néanmoins que cette solution est possible : nous sommes allés parler du statut de Jérusalem dans ce cadre et de la façon de résoudre le problème des réfugiés. Or la majorité des Israéliens a soutenu et soutiendra un tel compromis s'il s'accompagne de la garantie politique que les Palestiniens et le monde arabe l'acceptent – ce qui est possible.

Il y a des réponses au problème des colonies : il ne s'agit pas de faire sortir 500 000 personnes des territoires ni de s'emparer de 10 ou 20 % de la Cisjordanie. Nous savons tous que grâce à de petits échanges territoriaux, de qualité et de taille égales, une majorité des colons peut rester où elle est. Le principe est que chaque peuple dispose d'une souveraineté, d'une sécurité et d'une indépendance.

L'Intifada et tout le prix qu'elle a coûté des deux côtés ont aussi été un facteur essentiel : plus de 5 000 Palestiniens ont été tués, sans parler des blessés et des dommages matériels, et plus d'un millier d'Israéliens sont morts. Ce conflit, marqué par le terrorisme et la violence, a été extrêmement négatif et a changé l'opinion des gens. Mais on peut renverser leur point de vue si l'initiative arabe est remise sur la table et que la communauté internationale soutient un accord.

Les États-Unis ont dramatiquement échoué depuis quatre ans. Nous ne pouvons pas enregistrer un nouvel échec de ce type. Si l'économie ne remplacera jamais la politique, elle peut la soutenir. Inversement, les problèmes auxquels l'économie palestinienne est confrontée ne peuvent être résolus sans accord politique. Israël a essayé la paix économique, qui devait donner des moyens de survie et de la prospérité au lieu de l'indépendance et des droits politiques. Mais ce qui n'a pas marché au cours des quarante dernières années ne marchera pas non plus à l'avenir.

Le fait que l'Autorité palestinienne s'investisse très peu dans les actifs productifs est dû au fait que, pour les investisseurs privés, le risque politique est trop important, en raison de l'instabilité de la région. Ces investissements pourront survenir et favoriser le développement quand la stabilité sera assurée. Mais il est très difficile de l'instaurer de l'intérieur.

Le problème est que le pouvoir politique israélien est actuellement entre les mains de factions favorables aux colons. C'est le prix à payer de l'échec enregistré il y a trente ans.

Je ne pense pas que les États-Unis déserteront totalement, mais nous devons nous préparer à cette éventualité. Les Européens auront à faire face à la réalité sur le terrain : ils devront intervenir avant que ne survienne une deuxième, troisième ou quatrième explosion de violence. Nous lançons un appel à l'aide, au soutien et aux encouragements. Présenter une réelle alternative aux deux parties peut leur apporter une puissance politique : il n'est pas impossible de les convaincre que c'est la meilleure voie à suivre.

Nous ne souhaitons pas que les États-Unis ou l'Union européenne imposent une solution. Je ne crois pas que le boycott soit une réponse efficace. Nous souffrons plutôt d'un manque d'alternative sur le terrain, qui pourrait prendre la forme par exemple d'une conférence internationale, au cours de laquelle le monde et la région se rejoindraient. Les modérés pourraient alors proposer une solution à deux États pour sortir de l'impasse. Cela constitue pour nous la meilleure voie pour les deux parties, les Européens, les États-Unis et le reste de la région.

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