Intervention de François Lamy

Réunion du 14 mai 2013 à 16h30
Commission des affaires économiques

François Lamy, ministre délégué chargé de la ville :

Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à participer à cette réunion de travail. Cette pratique peu commune a ceci d'intéressant qu'elle permet d'entendre à la fois les auteurs et les questionnements que leurs travaux ont suscités. Je remercie également le président de la mission et le rapporteur dont le travail va être utile. Vous comprendrez bien que je ne vais pas prendre position aujourd'hui sur l'ensemble des propositions, mais je répondrai néanmoins à certaines interrogations soulevées dans le rapport.

La prorogation ou non du dispositif est la première des interrogations que nous sommes amenés à poser puisqu'il est programmé pour s'arrêter à la fin de 2014. Je regrette que M. Fasquelle, qui souhaite le prolonger jusqu'en 2017, n'ait pas été plus persuasif sous le mandat précédent. Si la commission est unanime à le souhaiter, il n'en reste pas moins que ce point fera l'objet d'une discussion avec mes collègues de Bercy et avec la Commission européenne. Dans le temps qu'il nous reste, votre rapport sera très utile au Gouvernement. Moi-même, j'ai demandé une évaluation au Conseil économique, social et environnemental, qui doit rendre son rapport à la fin de l'année. En engageant des discussions parallèlement, on devrait pouvoir prendre des décisions au début de l'année prochaine, voire en loi de finances initiale. Quoi qu'il en soit, je reste persuadé qu'il existe un dispositif pertinent, celui-là ou un autre.

Le rapport le souligne, le bilan des ZFU est contrasté, même s'il doit être nuancé en raison des difficultés d'évaluation. Il est vrai que, face à un dispositif qui engage une somme aussi conséquente que 420 millions d'euros, ne pas pouvoir connaître le nombre d'emplois réellement créés peut constituer un problème. Il importe de continuer à chercher à distinguer entre la part de l'effet d'aubaine et la part des créations d'emplois réellement dues aux mesures de façon à déterminer si l'argent est dépensé à bon escient et à travers un dispositif adapté.

Le rapport conforte néanmoins certaines de mes convictions. En matière de simplification, par exemple, nous sommes tous d'accord pour essayer de l'introduire dans les zones franches existantes avant la fin de 2014, afin de permettre aux chefs d'entreprises d'avoir plus d'informations plus rapidement.

Je partage également l'avis de la mission sur la nécessité de mettre en place des comités de pilotage des zones franches urbaines. En réalité, ces zones fonctionnent quand les élus se sont engagés. Moi-même, j'ai eu l'occasion d'interroger les chefs d'entreprises d'une des ZFU de Marseille sur leurs motivations à s'y implanter. Ils m'ont parlé de la sécurité du quartier qui s'était améliorée, de la desserte en transports collectifs, de l'amélioration de l'espace public, de la possibilité de logement pour les salariés. À aucun moment, ils ne m'ont parlé du régime d'exonération. C'est bien la confirmation que l'implantation dans un quartier dépend de la réunion d'un certain nombre de conditions et aussi de l'image du quartier. Ce qui m'amène à dire que si dispositif il doit y avoir, il doit être plus contraignant envers les collectivités locales au regard des engagements qu'elles doivent prendre pour l'amélioration de la vie du quartier. Bien entendu, et je rejoins là la mission, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, il faut une articulation totale entre le travail des élus et celui des différents intervenants du plan national de rénovation urbaine pour créer en priorité les conditions favorables à l'installation d'entreprises, indépendamment d'un dispositif d'exonération ou d'exemption qui permet seulement de mettre le pied à l'étrier. Si le quartier n'est pas sécurisé ou qu'il n'est pas desservi par les transports, l'entreprise fermera et le dispositif n'aura servi à rien. Quoi qu'il arrive, il faudra créer des obligations vis-à-vis des collectivités locales.

J'ai pu constater aussi que certaines zones franches urbaines ont créé pour des professions libérales, en particulier les médecins, un effet d'aubaine majeur qui a provoqué la désertification des zones péri-urbaines. Il faut en tenir compte sans toutefois tomber dans l'excès inverse en excluant totalement les professions libérales du dispositif, ce qui conduirait le peu de médecins qui restent dans les quartiers prioritaires à s'en aller.

Si un nouveau dispositif doit exister, il devra être cohérent avec le nouveau dispositif de redéfinition de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Voilà qui tombe bien, j'ai l'intention de déposer un projet de loi devant le conseil des ministres pour le début du mois de juillet. Nous aurons l'occasion d'en débattre et, j'espère, de l'adopter dans les mois qui viennent, pourvu que l'embouteillage parlementaire soit résorbé. Mon objectif est de sécuriser totalement l'ensemble du dispositif de la politique de la ville pour que les règles du jeu soient connues et se libérer de la perspective des élections municipales. Nous aurons l'occasion d'en parler avant puisqu'on est en train de faire les simulations sur la géographie prioritaire et que je proposerai au Parlement de ne retenir qu'un seul critère pour la rendre la plus objective possible. Une fois cette géographie prioritaire retenue, elle devra être totalement homogénéisée avec l'ensemble des autres dispositifs, particulièrement les zones franches urbaines, dans les contrats de ville. Je connais certaines villes où la zone franche urbaine n'est pas dans le quartier prioritaire, mais à côté. Certes, des habitants du quartier sensible peuvent aller travailler dans la zone franche, mais lorsqu'il y a une déconnexion des deux zonages, c'est un dévoiement du système. En tout cas, je travaillerai pour la simplification, la lisibilité à la fois de la géographie prioritaire, du contrat de ville et de l'ensemble des dispositifs pour qu'on ait vraiment un seul dispositif global.

S'il doit y avoir un dispositif destiné à remplacer les ZFU ou à les proroger, je souhaite qu'il y ait aussi un volet commerce de proximité, qui joue le rôle de lien social au sein du quartier. On connaît tous ces épiceries multiservices qui sont capables, en cas de difficultés de fin de mois, sinon de faire crédit du moins de couper les pâtes en deux pour aider les familles. Il faut pouvoir à la fois maintenir ces commerces et attirer d'autres commerces de proximité. Je pense qu'il faudrait pouvoir travailler à la parcelle, c'est-à-dire donner à la main du préfet, en lien avec les élus, la capacité d'agir sur tel ou tel commerce. L'affaire est complexe juridiquement, elle sera difficile à expliquer à mes collègues de Bercy qui n'aiment pas trop les dispositifs à la carte, mais je pense qu'elle représente un enjeu majeur pour les quartiers.

Pour l'après-2014, il faut concevoir un dispositif qui soit lié à une boîte à outils du développement économique dans les quartiers prioritaires. Les emplois francs sont un des outils, et il m'intéresse qu'ils soient expérimentés sur les dix sites indiqués pour identifier les possibles effets d'aubaine ou pervers, ou d'éventuelles difficultés d'application. Je signale, même s'il n'est pas destiné à remplacer les ZFU, que le dispositif emplois francs est financé sur la part qui était payée à l'ACOSS par le ministère de la ville sur les exonérations de cotisations patronales. C'est de l'argent recyclé, mais c'est aussi de l'argent en moins pour un futur dispositif ZFU.

J'attire l'attention sur une décision prise par le Président de la République, il y a une dizaine de jours, lors des assises de l'entreprenariat, faisant obligation à la Banque publique d'investissement de créer un fonds d'amorçage plutôt destiné au développement économique des quartiers prioritaires. J'y travaille actuellement avec les responsables de la BPI. La demande est fortement exprimée par les jeunes créateurs des quartiers prioritaires de pouvoir disposer d'un soutien et d'un accompagnement de la part de la BPI. La décision a été prise ; il faut maintenant la mettre en oeuvre.

Vous connaissez peut-être cet appel de responsables associatifs de quartiers à la création d'une fondation pour aider le développement économique. Cet appel date d'un mois. Je suis en relation avec les responsables concernés. La fondation FACE Agir contre l'exclusion, présidée par Gérard Mestrallet, est intéressée par le dossier. Une fondation qui recueillerait des fonds auprès d'entreprises ou de personnes privées pourrait effectivement constituer un des outils de la palette de développement économique dans les quartiers. L'initiative vient à point nommé, alors que le fonds du Qatar n'est jamais devenu réalité. Un dispositif qui émane des forces vives des quartiers doit être soutenu, et c'est ce que fera le Gouvernement.

Deux éléments de la palette ne doivent pas non plus être négligés. D'abord, les clauses d'insertion sur les marchés publics, et pas uniquement de rénovation urbaine. C'est le chantier auquel je travaille actuellement, qui comprend un volet formation et qualification. Je suis en contact avec de nombreux chefs d'entreprise qui font des propositions pour améliorer les dispositifs d'insertion, dont nous n'oublions pas que la finalité première est la création d'emplois ou la facilitation de l'accès à l'emploi pour les habitants des quartiers.

Certains d'entre vous ont douté de la capacité de Pôle Emploi à désigner des jeunes issus des zones urbaines sensibles. Lors de son déplacement aux Mureaux, le Président de la République a parrainé une convention passée entre le ministère de la ville et Pôle Emploi aux termes de laquelle l'agence s'engage, d'une part, à signer tous les futurs contrats de ville, donc à s'impliquer vraiment dans les contrats de travail sur les quartiers prioritaires, d'autre part, à flécher 400 de ces 2 000 créations d'emploi prévues cette année vers les quartiers prioritaires, ainsi qu'à assurer, par redéploiements, une permanence physique à l'intérieur de chacun de ces quartiers. La convention a été signée la semaine dernière, et nous négocions maintenant pour que Pôle Emploi ait à sa disposition des outils informatiques permettant de repérer des personnes issues de ZUS ou de quartiers prioritaires. Voilà qui devrait améliorer les choses.

S'agissant des jeunes diplômés, je rappelle que le dispositif des emplois d'avenir prévoit une dérogation pour les bac + 3 dans les zones urbaines sensibles. Or celle-ci est insuffisamment utilisée. Michel Sapin en a convenu et il devrait recommander à Pôle Emploi et aux missions locales de faire preuve d'un peu plus de souplesse. Le dispositif emplois francs complète l'ensemble des actions en direction des jeunes. Il vise à repérer plus tôt les jeunes qualifiés et, en étant le seul dispositif d'aide à l'emploi pour les jeunes jusqu'à trente ans, il est conçu pour répondre à toutes les situations.

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