Je suis, au nom du COR, très fier et très heureux de la confiance que vous nous accordez.
Nous n'avons pas analysé en détail les effets de la réforme de 2010 : notre rapport de décembre 2012 portait globalement sur les changements intervenus dans nos diagnostics entre avril 2010, c'est-à-dire avant la réforme, et décembre 2012. Beaucoup de choses se sont passées entre ces deux dates : application de la réforme, mais aussi rebond de la crise à la fin de l'année 2011, mesures prises par le nouveau Gouvernement en juillet 2012…Nous avons montré que nos besoins de financement avaient été ramenés de 40 milliards d'euros environ, soit deux points de PIB, à 20 milliards en 2012.
Il faut effectivement établir une distinction : la situation des femmes change selon qu'elles sont nées avant ou après 1960. Pour les premières, aujourd'hui encore, la durée d'assurance validée demeure inférieure à celle validée par les hommes, bien qu'elle s'en rapproche. Le relèvement de l'âge minimal de départ décidé en 2010 a donc plus d'impact sur les hommes que sur les femmes : ils sont obligés de partir plus tard, même si leur durée de cotisation est déjà importante. En revanche, le changement du second curseur, c'est-à-dire la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite sans décote, a plus d'impact sur les femmes. Aujourd'hui, nous ne savons pas encore lequel des deux effets l'emportera.
Pour les générations nées après 1960, il y aura beaucoup moins d'écart entre les durées d'assurance moyennes des femmes et des hommes, compte tenu en particulier des droits familiaux. Il est donc difficile aujourd'hui de prévoir si le relèvement des bornes d'âge aura de plus grandes conséquences pour les femmes que pour les hommes.
Madame Zimmermann, vous proposez de prendre des mesures temporaires. C'est une solution que nous n'avons pas examinée : je ne dis pas que ce serait impossible, mais notre système est déjà extrêmement compliqué. Pour compenser ce qui peut l'être, nous avons plutôt privilégié les droits familiaux, que nous proposons d'ailleurs également de réformer.
D'une façon très générale, peut-on compenser au moment du départ à la retraite tout ce qui s'est passé durant une vie d'activité ? La même question se pose au sujet de la pénibilité. Philosophiquement, le problème de la pénibilité du travail doit nécessairement être posé dans le cadre du travail lui-même : il faut des mesures de prévention, de correction, des sanctions le cas échéant… Le COR estime qu'au niveau de la retraite, seuls les éléments de pénibilité dont il est sûr qu'ils ont des conséquences pour l'espérance de vie – donc pour la durée de la retraite – peuvent être compensés. Mais c'est un sujet difficile : puisque l'espérance de vie des femmes est supérieure à celle des hommes, faut-il prévoir une compensation pour ces derniers ? Ce serait bien paradoxal ! Et je vous assure que je l'ai entendu dire !
Je ne peux pas préjuger de ce que contiendra le rapport de Mme Moreau. Rien ne s'oppose en tout cas à ce que le COR se penche sur la question d'éventuelles mesures temporaires : je retiens votre suggestion.
Madame Romagnan, vous avez raison, l'essentiel des problèmes se forment en amont. Il me paraît concevable que l'on oblige les pères à prendre une partie du congé parental, même si je ne sais pas si cette idée serait acceptée par la société française ; mais cela relève de la politique familiale. Le COR ne s'occupe que des retraites, et ne peut se pencher que sur les mesures correctrices que l'on peut prendre à ce moment-là.
Aujourd'hui, il faut souligner que, s'il est exact que beaucoup d'emplois mal rémunérés sont occupés par des femmes, la France est, peut-être avec les États-Unis, l'un des pays où les femmes occupent le plus d'emplois supérieurs, en particulier dans la fonction publique, par exemple dans l'enseignement ou la magistrature. Dans les pays que l'on croit le plus avancés, comme la Scandinavie, les femmes occupent souvent en réalité des emplois de moins bon niveau, et à dominante sociale. Le système des concours, en particulier, permet aux femmes d'être mieux loties en France que dans d'autres pays comparables : même dans les entreprises privées, la réussite aux concours des grandes écoles est un atout.