Intervention de Sébastien Raspiller

Réunion du 11 avril 2013 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Sébastien Raspiller, secrétaire du Comité interministériel de restructuration industrielle, CIRI :

Créé par un décret de 1982 et prenant la suite du Comité interministériel d'aménagement des structures industrielles (CIASI), qui datait de 1974, le CIRI est l'organisme public le plus ancien en matière de traitement des difficultés des entreprises. Structure légère, administrativement rattachée à la direction générale du Trésor, il comporte un secrétaire général et cinq – bientôt six – rapporteurs. Son fonctionnement est cependant interministériel car il répond à la nécessité de réduire, pour un chef d'entreprise en difficulté, le nombre d'interlocuteurs publics, et d'assurer le lien, pour un même dossier, entre les différentes administrations concernées. Sont plus spécialement visées la direction générale des finances publiques et la direction de la sécurité sociale, pour les créanciers publics, auxquelles nous adressons des recommandations ; le ministère de la justice, pour les aspects juridiques qui peuvent être très complexes ; ainsi que des directions plus techniques, depuis celles de l'agriculture jusqu'à celles de la défense …

Le CIRI n'a guère évolué depuis trente ans dans ses méthodes de travail, restant fidèle à certains principes.

Il ne s'autosaisit jamais. Il reçoit, à sa demande, le chef d'entreprise concerné, accompagné de ses conseils et, éventuellement, du mandataire ou du conciliateur, afin d'examiner ses difficultés et, le cas échéant, ce qui a déjà été fait pour tenter de les résoudre. Il considère également l'environnement et les partenaires éventuels de l'entreprise, tels qu'un groupe de banques, l'existence d'une assurance crédit et d'un passif public, la situation du poste clients, les relations avec les fournisseurs, la mobilisation des actionnaires, les efforts déjà accomplis ou envisageables par la direction de l'entreprise. Ce premier rendez-vous permet de déterminer si le dossier est, ou non, éligible au CIRI, et de porter une première appréciation, chaque cas étant singulier et devant donner lieu à une relation de confiance.

La procédure est toujours amiable, les procédures collectives relevant des tribunaux de commerce et des administrateurs judiciaires. Le CIRI n'intervient donc pas en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires. Son objectif est d'aboutir à un accord contractuel, ce qui exige l'unanimité des parties prenantes. Il cherche donc à définir une stratégie qui ne vise pas à minimiser les efforts de chacun mais de les répartir équitablement.

Cela se traduit d'abord par l'établissement d'un diagnostic sur l'origine et le niveau des difficultés, avec le concours d'auditeurs indépendants et reconnus, condition indispensable à la crédibilité de la démarche.

Nos règles de base sont intangibles.

La première réside dans la confidentialité, condition indispensable à la réussite d'une procédure amiable, faute de quoi la situation économique de l'entreprise peut se dégrader très rapidement. Celles qui s'adressent à nous éprouvent le plus souvent des difficultés de trésorerie qui déterminent le calendrier de notre intervention. Avant même de formuler des recommandations de restructuration, il nous faut gérer ce problème urgent. Dans les quelques exemples où la confidentialité n'a pas été respectée, toutes les parties prenantes de l'entreprise ont eu à en souffrir.

La deuxième réside, comme je l'ai déjà dit, dans la répartition équitable des efforts, selon un ordre relativement classique.

En premier lieu, l'actionnaire, dont le premier rôle, y compris sur le plan juridique, est d'assurer la poursuite de l'activité. C'est donc à lui qu'il revient d'accomplir les premiers efforts, notamment en matière de trésorerie. Nous n'intervenons que pour les entreprises comptant plus de 400 salariés, mais dont la détention du capital est très variable, pouvant relever de personnes physiques, d'autres entreprises, d'institutionnels, de fonds de placement … Ce qui n'a pas la même incidence quand il s'agit d'apporter de l'argent en cas de difficultés.

En deuxième lieu, les créanciers privés, en distinguant les créanciers interentreprises, notamment au titre de l'affacturage, des créanciers bancaires, qui ont intérêt à préserver leurs créances en réinjectant de l'argent frais mais qui veillent souvent à ce que l'actionnaire soit mis le premier à contribution.

En troisième lieu, les créanciers publics, adossés à un passif un peu particulier puisque celui-ci résulte non d'un contrat mais du défaut de paiement.

Le CIRI, jouissant de la confiance des parties prenantes, s'efforce d'abord de maîtriser le calendrier, disposant de toutes les relations nécessaires avec les administrations, ce que ne possède pas forcément un administrateur judiciaire. Il ne détient toutefois aucun instrument financier direct, à l'exception des prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) mais qui restent marginaux. Il ne dispose pas davantage de pouvoirs d'ordre réglementaire ni de pouvoir d'injonctions.

Le CIRI constitue un espace de médiation, mais qui peut être assez ferme, son principal atout résidant dans sa capacité de persuasion et sa force dans sa parfaite connaissance de tous les ressorts et de tous les intervenants du traitement des entreprises en difficultés. S'est ainsi instaurée une certaine discipline collective qui permet d'éliminer, d'un dossier à l'autre, les « passagers clandestins ».

Nos moyens humains sont limités mais totalement dédiés à notre objectif.

Nous sommes indépendants, gratuits et constants, inspirant ainsi confiance aux entreprises pour définir des stratégies respectant toutes les parties et selon les mêmes principes depuis trente ans. Nous recevons donc plutôt mal les dirigeants d'entreprise qui ne songent qu'à préserver leurs propres intérêts et, compte tenu de notre longue expérience, ils le savent ! Ce qui vaut aussi pour les actionnaires.

Cela étant, toute restructuration comporte un coût pour les parties prenantes. Et toute solution discutée et basée sur un effort de chacun est, à l'expérience, plus pérenne qu'une solution imposée par un juge. Les solutions amiables présentent un taux de réussite bien supérieur à celui des procédures judiciaires. Il vaut mieux intervenir le plus possible en amont mais il est également vrai que seul le pied du mur oblige à accepter certains efforts.

Les entreprises sortant d'un problème traité par le CIRI en retirent généralement l'impression qu'on ne pouvait agir autrement et que toutes les pistes ont été explorées pour préserver leur activité ainsi que l'emploi salarié.

Pour autant, nous ne sommes pas dogmatiques : le cas échéant, des ajustements de charges salariales s'avèrent inévitables, impliquant des réductions d'organisation ou d'activités qui, à terme, permettent des réembauches. Le droit français privilégie la préservation de l'emploi ; nous nous efforçons de préserver l'activité économique.

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