Intervention de Gilles Mergy

Réunion du 11 avril 2013 à 10h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Gilles Mergy, délégué à l'Association des régions de France :

N'étant pas élu mais technicien, c'est en technicien que je vous parlerai. Sur un plan général, qu'il s'agisse du soutien des entreprises en difficulté ou de l'accompagnement des salariés, la coopération des acteurs est bonne. On perçoit cependant deux lacunes. D'abord, les interventions sont majoritairement défensives : elles ont lieu en réaction à un problème. Ensuite, la multiplication des acteurs est source de complexité, et il serait sans doute bon de clarifier les compétences et les responsabilités respectives des services de l'État et des régions.

Pour illustrer mes réponses, je vais vous présenter les actions prioritaires qu'engagent trois régions lorsqu'elles sont informées d'un plan social d'entreprise. J'ai choisi les exemples du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie et de Provence-Alpes-Côte-d'Azur qui, sans être exhaustifs, sont assez représentatifs de la manière dont se mobilise l'ensemble des régions.

Le Nord-Pas-de-Calais a élaboré, comme toutes les autres régions, un schéma régional de développement économique et adopté, le 5 décembre 2012, une feuille de route établissant une stratégie « de soutien au tissu économique et de résistance à la crise ». Elle vise à coordonner les politiques de soutien à la consolidation financière des entreprises en définissant collectivement un cap commun pour optimiser et renforcer l'accompagnement des entreprises en difficulté et surtout des salariés fragilisés. Il est un peu tôt pour faire un bilan, mais un comité de suivi a été installé, qui réunit les partenaires sociaux autour du secrétaire général pour les affaires régionales et du vice-président chargé du développement économique de la région. La priorité est donnée à la formation et à la continuité professionnelle, avec l'objectif d'articuler les interventions, ce qui illustre la volonté de coopération.

La Picardie s'est dotée dès 2007 d'une mission d'intervention économique et sociale qui regroupe toutes les compétences. La mission a une approche économique, avec une forte spécialisation dans le traitement des difficultés de l'entreprise, qu'il s'agisse de restructuration financière ou de recherche d'un repreneur potentiel, et un volet social d'accompagnement des salariés caractérisé par un accompagnement juridique et une offre de formation régionale.

La région Provence-Alpes-Côte-d'Azur a mis sur pied des interventions régionales pour l'investissement social (IRIS). Elles ne visent pas à traiter le problème de fond – le nécessaire rehaussement du niveau de qualification des salariés – mais à répondre à des besoins spécifiques en cas d'urgence. L'intérêt du dispositif réside dans sa souplesse, et dans ce qu'il permet, en liaison avec les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), le déblocage de financements complémentaires qui montrent l'engagement de tous les acteurs.

Votre questionnaire évoque la prise de participation temporaire dans une entreprise par une région. Il en est peu d'exemples. L'illustration emblématique est celle d'Heuliez, avec les résultats nuancés que l'on sait. Le président de la République souhaitait inciter les régions à intervenir plus directement dans les entreprises en difficulté. Ce que nous souhaitons éviter, ce sont, pour reprendre une formule du directeur général de la Caisse des dépôts, des prises de participation dans des « canards boiteux ». Notre préférence va à l'accompagnement des entreprises confrontées à des difficultés conjoncturelles. Outre cela, il reste à définir si la région participe directement au capital ou si elle passe par un autre canal ; la création de la Banque publique d'investissement, avec la possibilité de créer des fonds régionaux de retournement, devrait permettre de régler la question.

Une autre des questions figurant dans la liste que vous m'avez adressée est relative aux pistes possibles d'amélioration de la coordination entre l'État, les DIRECCTE, Pôle emploi et les collectivités territoriales. Nous souhaitons à la fois coordonner les efforts et anticiper les difficultés. Cela suppose que les régions connaissent bien les situations. Or, souvent, elles apprennent les difficultés que rencontre une entreprise par les interpellations politiques des représentants des salariés auprès des élus, alors que les problèmes sont très graves, si bien qu'elles sont amenées à réagir dans l'urgence. Actuellement, les DIRECCTE ont connaissance des difficultés en amont, mais peu les régions, bien qu'existent des comités présidés par les préfets qui associent les régions à leurs travaux de manière plus ou moins efficace selon les lieux. La récente création des commissaires au redressement productif tend à faciliter la cohérence de l'action.

Pour améliorer l'anticipation et permettre une réaction rapide en cas de difficulté, les régions sont favorables à des dispositifs régionaux de prospective et d'intelligence économique articulés à un dispositif national permettant une vision prospective globale. Une meilleure anticipation des mutations économiques permettrait de mieux préparer la spécialisation des bassins d'emplois et la réindustrialisation – notamment par le soutien à l'innovation, sujet majeur de politique économique régionale. Il faut travailler de manière cohérente sur un territoire donné et aussi en amont, pour prendre connaissance à temps des difficultés conjoncturelles de sociétés fragilisées, par exemple, par la perte de commandes d'un client important. Cela étant, se pose alors la question du secret bancaire, car si le préfet peut obtenir des informations de la Banque de France, il n'en va pas de même pour les présidents de région.

Vous m'aviez aussi interrogé par écrit sur les moyens déployés par les régions pour mettre au point une gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC) efficace afin d'anticiper les plans sociaux. La région Nord-Pas-de-Calais a mis en évidence la nécessité, pour traiter les difficultés potentielles le plus en amont possible, de cartographier d'une part les emplois et les compétences « cibles », d'autre part les salariés en poste en entreprise, tout en soulignant la complexité de l'exercice. Non seulement il est malaisé de déterminer à quelle échelle une telle cartographie serait la plus efficace, mais la vitesse des mutations économiques provoque l'obsolescence tout aussi rapide de ces recensements s'ils ne sont pas convenablement mis à jour. De plus, les entreprises décidant librement si elles souhaitent fournir ces données ou si elles ne le souhaitent pas, on risque de dessiner une macro-cartographie mal renseignée.

Pour pallier cette difficulté, la Picardie a créé une mission expérimentale d'identification et de valorisation des compétences collectives dans les bassins d'emploi d'Albert et de Péronne, dont l'activité est ciblée sur l'aéronautique. L'objectif est de rédiger une sorte de curriculum vitae du territoire comme outil de promotion économique. Cela passe par le dialogue social : la GTEC a été abordée dans le cadre de la conférence sociale régionale de Picardie et il m'a été dit que les partenaires sociaux y sont plutôt favorables car elle permet d'anticiper les évolutions.

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