Intervention de Michel Pouzol

Réunion du 22 mai 2013 à 11h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Pouzol :

Je remercie les rapporteurs de la Commission des affaires européennes de s'être emparés d'un sujet essentiel, et je regrette que nous n'ayons pas le temps de développer tous nos arguments. La Commission européenne a-t-elle sous-estimé l'enjeu du dossier ? Au-delà de son caractère culturel et identitaire, le cinéma est un secteur économique important. Si la concurrence y a sa place, elle s'exerce non à l'intérieur de l'Europe mais envers les autres grands secteurs de production. En 2011, 1 285 longs-métrages ont été produits dans l'Union, contre 1 274 en Inde et 817 aux États-Unis. Les films européens y ont attiré 963 millions de spectateurs, preuve que les Européens s'intéressent à leur cinéma. En 2008, ce secteur économique représentait 17 milliards d'euros et un million d'emplois.

Chaque année, les États européens consacrent au cinéma 2 milliards d'euros sous forme de subventions et de prêts à taux réduit, et 1 milliard sous forme d'incitations fiscales. Cinq États – la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne – accordent l'essentiel des aides, dont 80 % vont à la production cinématographique. La France joue un rôle considérable par le volume des oeuvres produites : 180 longs-métrages en moyenne depuis dix ans, contre 151 en Espagne. Les quelque 130 films produits en Grande-Bretagne concernent essentiellement des grandes compagnies américaines. Ken Loach avait signalé, il y a quelques années, que les quatre films anglais présentés à Cannes constituaient à eux seuls l'ensemble de la production nationale. En France, en 2011, 88 % des films coproduits l'ont été avec des partenaires européens et, sur 120 coproductions, la moitié était d'initiative européenne, notre pays ayant apporté 20 % des financements.

S'il est efficace, car il pérennise les productions françaises ou européennes, notre système d'aide au cinéma reste fragile. Je me félicite que la résolution étende son champ d'application en amont aux scénarii et à l'écriture, et en aval à la distribution, à la promotion, voire aux festivals. Son extension aux salles de cinéma, fortement territorialisées, donc peu soumises aux règles de la concurrence, me semble moins pertinente.

Je suis réservé sur le statut des jeux vidéo, qui relèvent surtout du divertissement. Le caractère culturel du cinéma tient à la diversité de ses approches, qui peuvent être expérimentales, et s'apparenter au témoignage comme au divertissement. Peut-être ces jeux méritent-ils une réflexion particulière et un traitement spécifique dans les négociations à venir, notamment avec l'Amérique du Nord.

Je partage votre fermeté sur le taux de 80 % et sur la territorialisation. Les aides régionales au cinéma ont un impact très fort. Leur disparition fragiliserait considérablement le cinéma français et européen, plus particulièrement le cinéma de témoignage. Elles doivent rester un levier en faveur de la création artistique, qui protège le tissu industriel régional et national.

Le projet de résolution est le bienvenu, à l'heure où nous allons ouvrir avec la Commission le dossier de l'exception culturelle. L'Union doit reconnaître la réalité d'un financement spécifique au cinéma, prévu par le biais du programme « Europe créative », remplaçant en partie le programme « MEDIA ». Elle doit aussi prendre en compte le principe de la territorialisation des aides. Nous nous battrons pour défendre notre position : traiter le cinéma comme un bien de consommation ordinaire reviendrait à mettre ce secteur en danger.

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