Intervention de édouard Couty

Réunion du 22 mai 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

édouard Couty, président du Comité de pilotage du « Pacte de confiance pour l'hôpital » :

Les questions que vous m'avez posées, mesdames et messieurs les députés, tournent autour des thèmes du territoire, des ressources humaines et du financement.

Les groupes de travail ont apporté des réflexions nouvelles et consensuelles dans la dimension territoriale de la politique hospitalière. L'architecture actuelle de notre système de soins repose sur une construction institutionnelle qui aboutit à un système cloisonné, qui empêche une coopération efficace entre, d'une part, l'hôpital et, de l'autre, la médecine de ville, le secteur médico-social, les soins de suite et de réadaptation et l'accompagnement du retour à domicile. Une évolution s'avère nécessaire pour établir une organisation conçue à partir du parcours du patient, ce qui exige un fonctionnement plus transversal. Le rapport propose que le service public hospitalier garantisse dorénavant au patient d'être orienté et accueilli dans l'établissement adapté à sa situation.

Les réflexions doivent s'organiser à l'échelle d'un territoire de proximité – qui correspond à la zone d'exercice du médecin libéral – et non à celle du territoire de santé, utilisée par l'agence régionale de santé, qui est beaucoup plus vaste et qui intéresse le monde hospitalier. On peut concevoir qu'un hôpital général s'ancre dans une zone qui recoupe le territoire de santé, du fait de la richesse de son plateau technique, qu'un CHU constitue une référence régionale voire interrégionale et que le parcours du patient s'inscrive dans un territoire de proximité. Celui-ci doit être défini, sachant que son périmètre pourra varier d'une zone à l'autre.

De meilleures actions de coopération entre les établissements sont nécessaires. La loi « HPST » a instauré les communautés hospitalières de territoire et les groupements de coopération sanitaire (GCS) ; il faut évaluer les premières et assouplir leur fonctionnement en permettant notamment aux hôpitaux psychiatriques et aux CHU de rejoindre plusieurs communautés. Cet aménagement doit être accompagné de l'instauration de nouveaux outils : l'État – autorité de régulation représentée dans les régions par l'agence régionale de santé – fixera des objectifs aux différents acteurs dans chaque territoire pour le traitement de certaines affections, comme les maladies chroniques – diabète, insuffisance rénale, maladie cardiovasculaire, certains cancers –, et ce dans le cadre d'un parcours de soins s'inscrivant dans un projet de territoire, incarné par un contrat de territoire. Ce dernier différera des contrats locaux de santé, ceux-ci n'impliquant que les financeurs, les opérateurs n'ayant pas leur mot à dire.

L'attractivité des spécialités médicales repose sur la rémunération, mais également sur les conditions d'exercice, qui déçoivent bon nombre de praticiens. En ville, les médecins cherchent à travailler dans un cabinet de groupe ou une maison médicale – parfois pluridisciplinaire –, afin de partager les gardes, les permanences, les expériences de traitement des patients et les formations. Les médecins présents dans les groupes de travail de la mission ont insisté sur leur volonté de participer à l'organisation du fonctionnement de leur service ou de leur pôle et d'être associés au projet médical de leur établissement hospitalier ; une telle évolution permettrait d'accroître l'attrait de l'exercice en libéral dans les déserts médicaux, ainsi que la pratique pluridisciplinaire de la médecine à l'hôpital.

Nous pensons que le fonctionnement actuel de la T2A s'avère adapté aux courts séjours – sous réserve d'amélioration dans la transparence et dans l'élaboration du tarif –, mais se révèle impuissant à prendre en charge efficacement les maladies chroniques et les affections de longue durée. La T2A n'est pas appliquée aux soins de suite et de réadaptation et à la psychiatrie, et le nombre de personnes atteintes d'une maladie chronique est évalué à 15 millions : ce système ne prend donc pas en charge – ou très mal – de nombreuses pathologies ; les maladies chroniques sont appelées à se développer et nécessitent un suivi qui ne repose pas forcément sur la réalisation d'actes ou sur l'hospitalisation, modèle sur lequel est actuellement organisée la T2A. Nous préconisons donc qu'un nouvel équilibre soit instauré entre la part de la T2A et celle de la dotation forfaitaire liée aux missions d'intérêt général ; en outre, il convient, dans le cadre de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM), de définir un système de financement mixte entre tarification et dotation pour la prise en charge des maladies chroniques. Un consensus s'est dessiné dans les groupes de travail sur ces propositions. Pour ma part, je suis favorable à l'abandon de la convergence tarifaire dans les conditions actuelles de son déploiement, car les activités et les contraintes de chaque secteur divergent largement.

L'ensemble des partenaires sociaux et des professionnels de santé ont affirmé que chacun devait contribuer à l'effort budgétaire commun, mais à condition que celui-ci soit juste et que les acteurs soient associés aux décisions. Ainsi, ils veulent que leur participation à l'assainissement budgétaire soit dorénavant reconnue.

La politique contractuelle est un bon outil de régulation du système hospitalier : elle repose sur les contrats d'objectifs et de moyens (COM), signés avec les établissements hospitaliers sur la base d'un projet qui doit être conforme aux orientations de l'agence régionale de santé. Le contrat de retour à l'équilibre financier (CREF) est certes nécessaire, mais il ne peut constituer le seul élément de la politique contractuelle ; l'agence devrait notamment fournir à l'établissement des perspectives sur son avenir pour, qu'une fois le contrat mis en oeuvre, les professionnels disposent d'une meilleure visibilité.

Nous souhaitons que l'organisation institutionnelle repose sur un équilibre entre l'assemblée délibérante, l'exécutif – qui doit être capable d'arbitrer et de décider – et des organes consultatifs qui puissent exercer l'intégralité de leurs missions et donner leur avis sur le projet d'établissement et son financement. L'existence du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est sanctuarisée par le droit du travail, mais les agents ne l'utilisent que pour retarder les restructurations ; ses nombreuses et longues réunions dénotent une détérioration du dialogue social au sein des établissements et un mauvais fonctionnement des autres instances de consultation.

Nous proposons qu'un comité technique des usagers remplace la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC), dont l'action reste floue pour la plupart des acteurs de l'hôpital. Cette commission des usagers serait présidée par une personne élue dans le collège des usagers et elle rassemblerait l'ensemble des partenaires de l'hôpital – médecins, personnels, direction et usagers ; elle posséderait les compétences actuelles de la commission – suivi de la qualité des soins et gestion des plaintes des patients –, serait systématiquement informée des avis rendus par l'ensemble des instances de l'hôpital et disposerait d'un droit de saisine du directeur ou du conseil d'établissement. Unique lieu réunissant tous les acteurs de l'hôpital, cette nouvelle instance pourrait favoriser l'émergence d'un dialogue renouvelé, rompant avec le système qui cloisonne les médecins, les personnels et les usagers.

Enfin, il est opportun de déterminer les composantes du dialogue social qui doivent rester nationales et celles qui pourraient être déclinées localement ; une négociation nationale pourrait en effet déterminer les domaines – organisation et conditions de travail, politiques de recrutement et formation continue – pouvant faire l'objet d'accords locaux. Il ne me semble pas qu'un tel système alimente l'iniquité, dans la mesure où les dispositions prévues par la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social – accord national fixant les contours de la négociation locale et principe de faveur – sont respectées.

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