Intervention de Louis Gallois

Réunion du 22 mai 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Louis Gallois, commissaire général à l'investissement :

Je m'élèverais au-dessus de ma condition en abordant tous les pans de la politique gouvernementale : les ministres que vous recevez sont mieux placés que moi pour le faire. Je ne m'exprime pas davantage en tant qu'auteur du rapport sur la compétitivité de l'industrie française, même si je serai conduit à l'évoquer pour répondre à certaines questions, mais seulement en tant que commissaire général à l'investissement.

La question de l'investissement dans les réseaux à très haut débit en recouvre une autre, plus générale, sur l'égalité de traitement et le rôle des grands opérateurs. Les choses ne sont pas aussi simples qu'il y paraît. Dans les grandes villes, qui sont déjà relativement équipées en haut débit, nombre de foyers ne sont pas prêts à payer pour accéder au très haut débit. Les opérateurs devront donc conquérir leurs marchés, le besoin apparaissant moins immédiat dans les villes que dans les zones rurales, qui n'ont même pas accès au haut débit.

Le plan « France très haut débit » est clair : il s'agit de traiter tous les domaines, en faisant en sorte que chacun ait intérêt à investir. Il n'est pas anormal de demander au secteur privé de prendre en charge les grandes villes, dont il tire déjà des ressources et qui sont une zone de chalandise que les opérateurs peuvent prospecter. Pour la zone intermédiaire conventionnée, il faudra trouver un équilibre entre ce que font les collectivités locales et ce que peuvent faire les opérateurs. C'est aux premières de négocier avec les seconds une sorte de péréquation entre l'avantage d'être dans les grandes villes et la possibilité d'investir dans des zones conventionnées. Ce ne sera pas facile, et les collectivités locales auront tout intérêt à faire jouer la concurrence entre les opérateurs.

En revanche, il existe déjà un système de péréquation dans la zone dite d'initiative publique, celle où les opérateurs privés ne vont pas spontanément. Le nouveau dispositif défini a précisément pour objet d'améliorer cette péréquation. Pour la partie « capillaire », le taux de subvention passe de 35 % à 50 %, la ruralité est prise en compte dans le taux d'aide – doublé dans ce cas – ainsi que la dispersion des habitats. Grâce à ce dispositif, l'aide publique passe par exemple de 35 à 57 millions d'euros en Auvergne. Il est prévu de parvenir à un déploiement complet en 2022, dont plus de la moitié doit être achevé dès 2017, les zones non couvertes à cette date devant au minimum bénéficier d'un haut débit de qualité, soit plus de 4 mégabits par seconde. Pour ce faire, le plan « France très haut débit » prévoit de financer des solutions de montée en débit et de subventionner des équipements et des techniques alternatives telles que WiMAX et satellites. Le plan mis en oeuvre début mai rétablit ou améliore la péréquation entre les zones très denses et les autres.

En ce qui concerne les IEED, nous devrions avoir de bonnes nouvelles dans les prochains jours mais, sans conteste, la procédure a été beaucoup trop longue.

Vous avez estimé insuffisante la proportion de 33 % des investissements d'avenir allouée aux PME. En France, l'effort de recherche et développement est pour 80 % le fait des grands groupes ; nos PME n'ont pas la taille critique nécessaire pour cela. C'est pourquoi nous visons à les faire grandir jusqu'à ce qu'elles deviennent des entreprises de taille intermédiaire (ETI) capables de se lancer dans la recherche et dans l'exportation, qui sont liées, si ce n'est pour les start up, qui se créent autour de la recherche. Nous continuerons de tirer les PME vers les programmes de recherche, c'est indispensable, mais certains grands équipements continueront d'être développés par des grandes sociétés : par exemple, seules des entreprises de la taille d'Alstom sont en mesure d'installer sur un mât haut de 100 mètres un alternateur de 40 tonnes. Cependant, l'une des clauses systématiques, ou presque, des contrats d'allocation d'investissements d'avenir est que le projet associe plusieurs entreprises, notamment des PME.

Vous avez mentionné l'épineux obstacle des normes dans l'économie circulaire. J'ai eu l'occasion de m'entretenir de cette question en septembre dernier avec le président du groupe Paprec, une société de recyclage. Au cours des huit premiers mois de l'année 2012, m'a-t-il indiqué, la gestion des déchets a fait l'objet de 41 modifications réglementaires, dont plus de la moitié était d'origine communautaire. Cette prolifération normative contraint, dans cette entreprise, une équipe de trois personnes à se consacrer à une veille législative permanente. D'évidence, une entreprise de plus petite taille ne peut gérer le flot ininterrompu de l'évolution normative, qui complique singulièrement le travail des industriels.

Pour les projets relatifs à la ville de demain, nous n'avons pas de préférence : peu nous importe que la ville soit petite, moyenne ou grande. J'ajoute que les opérations envisagées concernent des quartiers limités.

Les immeubles considérés étant le plus souvent en très mauvais état, la valeur patrimoniale des « passoires thermiques » est assez faible ; il paraît donc difficile d'en tenir compte. L'axe principal d'intervention est de rassurer les propriétaires concernés ; seuls les maires me semblent avoir la crédibilité nécessaire pour les convaincre de se lancer dans ce type de travaux, pour lesquels le « ticket modérateur » doit être aussi faible que possible.

Monsieur Martial Saddier, je m'associe à l'hommage que vous avez rendu à mon prédécesseur, M. René Ricol, avec lequel j'entretiens d'excellentes et fréquentes relations.

En matière de formation, nous menons une action diversifiée. Notre rôle n'est pas de compléter les 30 milliards alloués à la formation continue mais de financer, en partenariat avec les organismes paritaires collecteurs agréés, des opérations innovantes qu'ils pourront ensuite reproduire. C'est notamment le cas dans le secteur métallurgique et minier et dans celui du bâtiment et des travaux publics. Outre cela, les fonds consacrés aux IEDD comportent un volet « formation ». Je rappelle aussi que nous avons financé les internats d'excellence.

Dans le cadre du redéploiement des investissements d'avenir, nous privilégions les opérations permettant de lier formation initiale et formation continue, à l'image de ce que font avec succès les grandes écoles et l'enseignement agricole. L'association des deux types de formation dans les mêmes établissements est une organisation très judicieuse tant sur le plan financier – les bâtiments sont de la sorte utilisés toute l'année – que sur le plan éducatif, formateurs, élèves et stagiaires ayant ainsi l'occasion de se rencontrer. Nous avons d'autre part confirmé à M. le ministre de l'éducation nationale que nous sommes prêts à financer des projets pilotes d'« e-éducation » dans le premier et le second degré. Nous travaillons également à des projets d' « e-université » : à l'heure où les universités américaines basculent vers l'enseignement numérique, il le faut, car dans quelques années un étudiant français pourra éventuellement obtenir un diplôme de l'Université de Harvard sans s'être presque jamais rendu aux États-Unis. L'« e-education » est une opportunité pour nos universités, mais elle deviendra une menace si elles ne se l'approprient pas car la compétition entre établissements d'enseignement supérieur, déjà très forte, va encore s'intensifier par ce biais.

Les infrastructures de transport ont été exclues d'emblée du champ des investissements d'avenir par la commission présidée par MM. Juppé et Rocard. C'est donc, monsieur Stéphane Demilly, à la commission Mobilité 21 présidée par M. Philippe Duron qu'il revient de réviser le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) et de définir dans ce cadre le sort du projet de canal Seine-Nord Europe.

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