Intervention de Patrick Liebus

Réunion du 22 mai 2013 à 10h00
Commission des affaires économiques

Patrick Liebus, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, CAPEB :

J'ai lu avec un grand intérêt le rapport d'évaluation du régime d'auto-entrepreneur, un rapport très fouillé dont les conclusions m'étonnent également.

Les secteurs que nous représentons sont réglementés parce que leurs activités touchent à la santé et à la sécurité des biens et des personnes : l'objet de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat vise en effet à éviter toutes dérives en la matière.

Si nous n'avons rien contre les auto-entrepreneurs eux-mêmes, nous nous sommes posés dès le premier jour des questions sur la création de leur régime. En effet, de la simplicité, ce régime est passé au simplisme. C'est un système pervers qui permet de contourner la loi. J'ai été durant dix ans président de l'Urssaf. Jamais un inspecteur de l'organisme que j'ai présidé, comme de l'inspection du travail d'ailleurs, n'a pu convaincre un auto-entrepreneur d'avoir commis une faute tout simplement parce que celui-ci est indépendant et revendique toute liberté en matière de respect de sa propre santé ou de sa propre sécurité. De plus, aucun organisme ne peut vérifier si le chiffre d'affaires déclaré est le bon. Le travail dissimulé, qui a toujours existé, est devenu, avec ce régime, un sport encadré, ce qui est dramatique en termes de prestations sociales.

Je suis trésorier de l'Unedic. Dois-je vous rappeler que nous devons emprunter 18,6 milliards d'euros pour financer le versement des allocations chômage ? Or les auto-entrepreneurs ne participent pas plus au financement de l'assurance-chômage que, du reste, à celui de l'assurance-vieillesse. Ils ne participent pas non plus à la formation des jeunes aux métiers les plus précarisés ni à celle des salariés, notamment dans le secteur du bâtiment, aux nouvelles exigences en matière de règlement thermique et plus généralement de baisse de la consommation d'énergie et de développement durable.

En outre, avoir les mêmes droits implique à nos yeux de remplir les mêmes devoirs. Or tel n'est pas le cas des auto-entrepreneurs, dont le régime pousse à une plus grande précarisation des salariés, voire des chômeurs eux-mêmes qui, en devenant auto-entrepreneurs, n'ont plus droit à l'assurance-chômage.

J'ai évoqué la formation : est-il normal que les auto-entrepreneurs qui n'ont pas déclaré de chiffre d'affaires puissent bénéficier d'un droit à la formation pour lequel ils n'ont pas cotisé ?

Il est également inadmissible de pouvoir devenir entrepreneur sans avoir suivi un stage préalable à l'installation, lequel est nécessaire pour comprendre que les compétences ou le savoir-faire ne dispensent pas d'une formation à la gestion d'entreprise.

De plus, est-il normal que les auto-entrepreneurs soient dispensés de TVA alors que celle-ci s'élève, dans le secteur du bâtiment, à 7 % et sera bientôt portée à 10 % ? Ce facteur favorisera le travail dissimulé.

Il convient également d'évoquer les questions liées à la santé et à la sécurité. Être artisan, cela ne s'invente pas, cela s'apprend et se transmet. Comment un client peut-il être certain que l'auto-entrepreneur intervient chez lui en respectant toutes les règles de sécurité après avoir souscrit à une assurance, notamment décennale dans le secteur du bâtiment ? Les grandes compagnies d'assurance refusent l'assurance décennale en raison de l'importance du risque. Quant à la responsabilité civile, si elle n'est pas obligatoire, elle n'est pas souscrite. Que se passe-t-il si un auto-entrepreneur provoque un incendie lors de travaux sans être assuré ni pour lui ni pour son client ?

Simplifier la création d'entreprise, j'y suis favorable. Mais la rendre simpliste en favorisant la concurrence déloyale, je ne peux qu'y être opposé. Ce régime pousse à la baisse des salaires et à l'exploitation des salariés par les grosses entreprises du bâtiment. Mon organisation ne saurait défendre les entreprises low cost qui poussent à la précarisation des salariés et à l'utilisation maximale de l'homme par l'homme. C'est Zola au XXIe siècle !

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