Deux « éléphants roses » – des problèmes à plus d'un milliard d'euros – se sont mis en travers de notre route, un belge et un français.
En Belgique, deux parlementaires écologistes et deux groupes d'activistes ont engagé une procédure sur la validité de la garantie de l'État. Bien que le danger, de l'avis des meilleurs juristes, fût mince, nous étions prêts à lancer un roadshow pour récolter des fonds – en l'occurrence 40 milliards d'euros. Les conditions très dures que l'on nous a fixées nous ont amenés à abandonner cette perspective. En revanche, une disposition législative avec effet rétroactif a été présentée, en lieu et place de l'arrêté royal, sur les garanties bancaires accordées à Dexia. Le texte est en cours de discussion au Parlement. Nous attendons une issue favorable le 7 juin. En France, le problème a déjà été évoqué : c'est celui que pose la décision du TGI de Nanterre.
J'en viens à la question concernant le choix entre augmentation de capital et garantie. Il est évident que les augmentations de capital constituent la cristallisation d'une garantie donnée. J'espère que nous pourrons un jour procéder à des diminutions de capital, de manière à rendre aux États ce qu'ils ont versé. Mais si nous sommes contraints d'appeler une garantie en raison d'un défaut ou d'un doute sur la pérennité d'un actif, c'est la fin de Dexia. Dans une telle hypothèse, les États auraient à décaisser les sommes garanties dans les trois jours et la confiance dans l'établissement s'effondrerait.
Concernant JPMorgan, tous les RMBS – residential mortgage-backed security – ont été vendus. La perte s'élève 3,5 ou 3,6 milliards de dollars. J'ai choisi d'intenter des procès en la matière car nous avons été trompés. La technique est simple : on met un paquet d'hypothèques à l'actif d'un instrument hors bilan et on découpe en tranches le passif selon le risque. Il était prévu que les prêts hypothécaires seraient de qualité. Or, selon nous, il est impossible que ces exigences de qualité aient été tenues dans la réalité. La tromperie est manifeste, mais nous devons, à ce stade, prouver qu'elle est intentionnelle. Dans cette procédure, on pratique habituellement le total disclosure – la divulgation complète –, ce qui implique l'analyse de millions de courriers électroniques, de contrats, etc., pour prouver la tromperie intentionnelle. C'est un sujet qui me met en colère : alors que l'Europe a dû intervenir pour des crédits douteux à hauteur de 7 000 milliards, elle est déboutée par les juges américains et doit se satisfaire de compensations qui ne représentent que quelques pourcents des pertes occasionnées. L'an dernier, par exemple, Dexia a récupéré 30 millions, ce qui est dérisoire par rapport à la perte de 500 millions de dollars en regard.