Intervention de Delphine Batho

Réunion du 22 mai 2013 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Les conclusions du rapport de Michel Lesage constitueront un élément important pour la préparation de la Conférence environnementale. J'attendrai donc la première étape que constitue la réunion de lundi prochain avant de me prononcer sur la question de la multiplicité des acteurs impliqués dans la politique de l'eau. Il est cependant indéniable qu'un certain nombre de problèmes liés à l'évolution de la gouvernance ont été recensés par le ministère. Il s'agira donc pour nous de chercher à améliorer cette gouvernance telle qu'elle existe mais non pas de remettre en cause ce qui a assurément constitué une avancée. Vous avez d'ailleurs raison de soulever la question de l'implication de l'État et de l'exercice de ses missions régaliennes dans la politique de l'eau, et notamment ses missions de police. C'est pourquoi, sans attendre le deuxième semestre, nous allons enclencher dès maintenant l'évaluation de l'exercice concret de ces missions de police de l'eau – même si des évolutions juridiques sont en cours dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire.

Je m'associe par ailleurs à la remarque que vous avez formulée sur la nécessité pour la France de se montrer plus impliquée dans la discussion des normes européennes. Car l'un des enjeux majeurs de la politique de l'eau consiste à passer d'une logique de moyens à une logique fondée sur des obligations de résultat : cela vaut entre autres pour les questions d'assainissement – notamment de SPANC – et de politique agricole. Sans doute une nouvelle approche serait-elle nécessaire à long terme afin que les politiques publiques menées en faveur de la qualité de l'eau visent avant des résultats efficaces plutôt que de se borner à édicter des mesures réglementaires.

Je répondrai ultérieurement par écrit à la question posée par Martial Saddier concernant la modification des arrêtés relatifs à l'application des débits réservés. Quant à son interrogation relative à la fiscalité écologique, une réflexion est en cours sur la question des pollutions diffuses, mais aucune décision n'a été prise pour le moment.

Il est vrai, comme l'a souligné Bertrand Pancher, que l'on enregistre une évolution des efforts accomplis dans le cadre des pratiques agricoles. L'enjeu demeure cependant très important, étant donné la persistance de pollutions diffuses et les problèmes rencontrés dans la gestion quantitative de l'eau. Un effort supplémentaire est donc nécessaire. C'est d'ailleurs là l'enjeu même de l'agro-écologie : susciter et recueillir l'adhésion du monde agricole pour nous diriger ainsi vers un nouveau modèle productif mais écologiquement vertueux.

Je sais que vous auditionnerez prochainement Stéphane Le Foll sur ces enjeux majeurs car les questions de gestion quantitative de l'eau, d'intrants et d'agroforesterie se rejoignent. Or, le ministre de l'agriculture réfléchit actuellement aux moyens de renforcer l'efficacité des pratiques financées par les agences de l'eau dans le cadre des mesures agro-environnementales (MAE) qu'elles appliquent. Les « MAE système » visent ainsi à l'adoption d'une logique d'ensemble, d'assolement et de groupement de plusieurs exploitations agricoles.

Ainsi, par exemple, dans les Deux-Sèvres, des coopératives souhaitent relancer une production de soja « made in Poitou-Charentes », ce qui est absolument nécessaire si l'on souhaite assurer le succès du Plan autonomie soja qui ne soit pas dépendant des importations de soja OGM. Qui plus est, la culture du soja est vertueuse sur le plan agronomique ainsi qu'en termes de consommation d'eau – puisqu'elle nécessite de moindres quantités d'eau que la culture du maïs. Mais il n'existe pas encore de MAE pour cette culture. Or, elle pose un problème de rendement à l'hectare et doit donc faire l'objet d'une aide publique. Mais plutôt que de créer une « MAE-soja », il est question d'intégrer cette culture dans les assolements et de recourir à une logique de « MAE système » pour l'agro-écologie.

Sur le plan budgétaire, le neuvième programme des agences de l'eau a représenté 12,4 milliards d'euros. Et l'arbitrage rendu par le Premier ministre pour le dixième programme prévoit un montant de 13,3 milliards. Il n'y a donc aucun projet de ponction sur la trésorerie des agences de l'eau – trésorerie à laquelle je veille très attentivement. Bien sûr, des discussions d'arbitrage budgétaire sont en cours dans le cadre de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2014. Le Premier ministre a par ailleurs rédigé une lettre de cadrage relative aux questions de fiscalité affectée.

L'articulation de l'Agence de la biodiversité avec les agences de l'eau a fait l'objet d'un long développement de la part des préfigurateurs. Se pose notamment la question de savoir qui, des régions et des agences de l'eau, jouera le rôle de délégué territorial de cette Agence.

Monsieur Patrice Carvalho, les différentiels constatés sur les factures des différentes communes s'expliquent souvent par le fait qu'elles sont adhérentes de syndicats différents. Par ailleurs, je ne puis vous laisser comparer les agents de l'ONEMA à des SS ! Une telle comparaison est injurieuse et tout à fait inacceptable ! Ils assurent des missions difficiles et parfois mal comprises. Il est cependant nécessaire que nous disposions d'une police de l'environnement et de l'eau. Je leur apporte donc tout mon soutien dans l'exercice de ces missions.

Quant aux polluants émergents, deux campagnes prospectives réalisées par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) ont permis de découvrir plusieurs centaines de substances qui font désormais l'objet de travaux approfondis. L'Institut cherche notamment à identifier systématiquement les causes des rejets – ce qui a d'ailleurs conduit les préfets à mettre en demeure les propriétaires d'un certain nombre d'installations industrielles du fait de la présence de certaines substances. La France propose aussi à l'Union européenne d'inscrire de nouvelles substances sur la liste existante.

Le coût des pollutions diffuses et l'application du principe « pollueur payeur » font l'objet de réflexions dans le cadre du Comité pour la fiscalité écologique.

En ce qui concerne l'application de la directive nitrates, nous cherchons à éviter un « manquement sur manquement ». La France risque en effet d'être condamnée en juin 2013 s'agissant des zones vulnérables et d'ici à la fin de l'année s'agissant des programmes d'actions. Nous publierons donc en juin prochain un arrêté encadrant ces programmes, puis un complément d'arrêté au cours de l'été. Et les programmes d'actions régionaux devraient être finalisés d'ici à décembre 2013. Nous avons en effet demandé aux préfets d'effectuer un travail important et complexe sur ces programmes d'actions ainsi que sur les zones vulnérables afin d'éviter à la France ce manquement sur manquement.

Quant à la nécessité d'agir contre les pollutions diffuses tout en tenant compte du fait que les collectivités doivent en faire plus avec moins de moyens, il nous faudra indéniablement définir des priorités. C'est en tout cas ce que j'attends du rapport de Michel Lesage et du processus en cours. Je laisse de côté les questions de gestion quantitative de la ressource qui font l'objet du rapport de Philippe Martin. Peut-être devrions-nous accorder la priorité à la qualité de l'eau et aux pollutions diffuses.

Concernant le plan Écophyto, la feuille de route de la Conférence environnementale a réaffirmé l'interdiction de l'épandage aérien et a renforcé ce plan. De même, le Sénat a publié un rapport important sur les pesticides préconisant un certain nombre d'évolutions législatives.

Les fuites des réseaux et les coûts d'investissement qu'elles impliquent posent effectivement problème dans la mesure où les agences de l'eau ne financent pas ces réseaux. Cette question devrait être soulevée dans le cadre du processus de modernisation de l'action publique et d'évaluation en cours. La question des communes rurales sera également soulevée à cette occasion. En effet, dans ces communes, les investissements à réaliser sont trop élevés.

S'agissant du perchlorate, je vous transmettrai les notes de l'Agence régionale de santé ainsi que des précisions écrites concernant l'origine de ces pollutions dans le Nord-Pas-de-Calais. Les mesures de santé et de protection de la population relèvent en effet du ministère de la santé.

Quant au délai de révision des SAGE, nous pourrons là encore en discuter dans le cadre de la réflexion sur la gouvernance évoquée précédemment.

La question des établissements publics territoriaux de bassin pourra tout à fait être débattue dans le cadre du débat parlementaire.

Je consulterai la pétition dont a parlé François-Michel Lambert.

Comme le souligne Sophie Errante, la dépollution et la restauration des continuités écologiques pose un problème de financement – notamment lorsqu'il est nécessaire d'aller remuer le fonds des cours d'eau.

En ce qui concerne la stratégie européenne sur les médicaments, un travail est actuellement en cours depuis la Conférence environnementale, qui porte notamment sur les résidus de médicaments. Le plan d'action décidé en 2011 sur ces résidus devrait également se poursuivre. Les médicaments ont d'ailleurs été intégrés aux campagnes de prospection précitées, dont les résultats sont attendus d'ici à la fin du mois de juin 2013. Rappelons que ce plan d'action s'inscrit dans la stratégie de réduction à la source des micro-polluants et qu'il est fondé sur trois axes dédiés à l'évaluation du risque, à la gestion du risque et à la stratégie européenne de classement des substances.

La publication du décret relatif au conseil d'administration de l'ONEMA est imminente puisque le Conseil d'État s'est prononcé à son sujet le 14 mai dernier.

Quant aux incertitudes réglementaires occasionnées par l'adoption de la loi Brottes, elles n'ont pas d'autres incidences que dans le cadre de l'expérimentation prévue par ce texte.

Les forêts contribuent non seulement à la politique de l'eau mais aussi à celle du climat dans la mesure où elles rendent un certain nombre de services écosystémiques majeurs. Si la question se pose de savoir comment financer l'investissement forestier et l'entretien des forêts, elle ne relève donc pas uniquement du service rendu à la politique de l'eau.

Je crois beaucoup à l'agroforesterie comme moyen de protéger les zones de captage et d'assurer une bonne gestion de la ressource en eau par les agriculteurs. Cette évolution des pratiques agricoles doit donc être encouragée.

En ce qui concerne la restauration des continuités écologiques, j'ai donné comme consignes au niveau local de mener des discussions plus approfondies sur le thème de l'hydroélectricité, en espérant que cela nous permettra de trouver des solutions consensuelles. La question des moulins et des barrages me semble elle aussi devoir être traitée avec finesse et à ce même niveau. Certains petits ouvrages ralentissent le débit de l'eau sans toujours porter atteinte au bon fonctionnement écologique des rivières. Ces questions méritent donc d'être examinées avec discernement à l'échelon local : lorsqu'un ouvrage pose un problème majeur de continuité écologique, il convient d'intervenir ; tandis que d'autres situations doivent être observées avec finesse.

Lorsque j'ai reçu dernièrement le président de la Fédération française de la pêche, je lui ai confirmé mon souhait que les pêcheurs soient désormais membres à part entière du Conseil national de la transition écologique et à ce titre, ils participeront à la prochaine conférence environnementale et pas uniquement à la table ronde consacrée à la politique de l'eau, étant donné le rôle très important que joue cette fédération dans le suivi des niveaux d'étiage, dans la surveillance et l'entretien des milieux.

Quant à la gestion quantitative de l'eau dans le secteur agricole, j'attends les conclusions du rapport de Philippe Martin. Il convient ici d'encourager les pratiques les plus vertueuses et les plus économes, ainsi que les pratiques d'irrigation modernes mises en application dans les pays où la ressource en eau est rare.

S'agissant des retenues de substitution, j'ai en effet arrêté des projets de décret supprimant les procédures d'enquête publique pour la construction de ces ouvrages. Ces projets de décret n'étaient de toute façon pas conformes à la Charte de l'environnement qui prévoit la participation du public aux décisions ayant un impact sur l'environnement. Paradoxalement, certaines des questions prioritaires de constitutionnalité ayant donné lieu à des décisions du Conseil constitutionnel obligeant à revoir la législation sur ce point étaient liées à la politique de l'eau. J'espère donc que le rapport de Philippe Martin permettra d'identifier des solutions adaptées aux spécificités territoriales.

Le cadre général des ICPE fera l'objet d'une discussion à l'occasion des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement qui auront lieu le 25 juin prochain. Plus généralement, il nous faudra examiner toutes les questions de simplification des procédures tout en garantissant en même temps un niveau de protection de l'environnement équivalent. L'un des grands enjeux consiste en effet à déterminer la manière de faire évoluer un certain nombre de procédures sans entrer dans une logique de dérégulation ou de libéralisation.

Enfin, la question des recours abusifs fera également l'objet de discussions le 25 juin. Il s'agit en effet de garantir à chaque citoyen la possibilité de participer aux décisions et d'ester en justice pour les contester tout en enserrant ces procédures dans des délais raisonnables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion