Intervention de Pierre Tatarkowsky

Réunion du 22 mai 2013 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Pierre Tatarkowsky, président de la Ligue des droits de l'Homme :

Si vous vouliez me mettre en difficulté, Madame la députée, en invoquant la position de la Ligue belge, vous avez réussi… En l'absence de législation européenne, chaque pays adopte une législation conforme à sa propre approche du phénomène. Il serait intéressant de demander à l'Association européenne pour la défense des droits de l'Homme (AEDH) de travailler sur ce thème. Je m'engage à le lui suggérer sans tarder.

La prostitution est clairement une manifestation du patriarcat, à laquelle se mêlent des rapports de force économiques et sociaux. De toute évidence, les hommes jouent un rôle majeur et peu élogieux.

Sur un plan philosophique, je ne peux être opposé à la responsabilisation du client car je suis attaché à la citoyenneté, qui sous-entend une responsabilité et des devoirs – même si je suis plus proche des droits que des devoirs – mais toute la difficulté est de responsabiliser sans pénaliser. Dénoncer ceux qui s'en prennent aux victimes est juste, mais dire que les femmes qui se prostituent pour vivre ne sont pas responsables est beaucoup moins juste car elles ont leur part de responsabilité. Partout où il y a un individu, il y a une responsabilité. La question est de savoir si la personne qui se prostitue a eu la possibilité de diriger sa vie. Quant à ceux qui consomment, on peut dire qu'ils le font pour jouir, et après tout la jouissance est une chose importante dans la vie. Nous entrons là dans un débat qui se retourne en tous sens et ne nous mène nulle part.

La notion de responsabilisation est intéressante et nous serions prêts à la développer. Les campagnes internationales contre la pédophilie, qui certes étaient adossées à un important volet répressif, rappelaient in fine que ce crime était puni de plusieurs années de prison : nous pourrions envisager pour la prostitution des campagnes du même ordre qui contribueraient à déstabiliser la norme de fait qui nous étouffe. En attendant, il faut sans aucun doute remobiliser les pédagogues sociaux – les enseignants, une grande partie du mouvement associatif, les politiques, les médias…

Il nous appartient de construire une autre norme, basée sur le partage de valeurs morales comme l'égalité entre hommes et femmes ou le refus de la marchandisation et de la banalisation des corps – je pense en effet que la mondialisation des marchés n'est pas de nature à exalter la différence sexuelle et que l'homme marchandise perd sa dimension sexuée. Il s'agit d'un travail considérable. Sur la notion de responsabilisation, nous pourrions être votre partenaire mais nous n'irons pas plus loin.

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