Intervention de Christophe Guilloteau

Réunion du 22 mai 2013 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Guilloteau :

Du point de vue de l'élaboration du Livre blanc, on peut dire que l'opération Serval est arrivée à point nommé ! Elle a permis de démontrer à certains combien ils se trompaient…

Le Président de la République a dit qu'il resterait mille soldats au Mali en juillet. Comment ces forces seront-elles composées – j'ai cru comprendre que ce chiffre ne comprenait pas les effectifs des forces spéciales ? Comment seront-elles positionnées sur le territoire ? Quel sera leur rôle après le 1er juillet ?

Amiral Édouard Guillaud. Nous avons déstructuré les groupes djihadistes et ramené leurs capacités à leur niveau d'il y a cinq ou six ans, de sorte qu'une offensive comparable à celle qui les avait conduits aux portes de Mopti et de Sévaré ne me semble plus possible à court ou moyen terme. Les combattants qui n'ont pas été tués, blessés ou découragés se sont fondus dans la population ou se sont déplacés. Pour cette raison, nous poursuivons nos patrouilles au Mali et nous renforçons notre coopération avec les États de la région. C'est déjà le cas avec les Nigériens et avec les Mauritaniens.

Après avoir mené des raids comparables à ceux que décrivait Joseph Peyré dans ses romans, à ceci près que les 4x4 remplaçaient les chameaux, les groupes djihadistes ont privilégié des actions plus asymétriques – attentats-suicides ou à l'aide d'engins explosifs improvisés –, avec des succès opérationnels médiocres.

Le groupe Ansar Dine, essentiellement composé de révoltés touaregs réunis autour d'un chef charismatique et fanatisé, aujourd'hui réfugié dans sa famille – il est originaire de l'Adrar des Ifoghas –, a quasiment disparu. Le deuxième groupe, AQMI, composé de combattants de multiples nationalités, est également très affaibli. Quant au MUJAO, initialement financé par des trafiquants arabes pour la plupart basés à Gao et à l'Est de cette ville, sa structure est encore insuffisamment atteinte, mais il a perdu beaucoup de ses dépôts logistiques, grâce à la population locale qui nous aide à les localiser. Ce mouvement, que nous continuons de combattre, a pour caractéristique de recruter, hors de l'ethnie arabe, de jeunes désoeuvrés dont il « lave le cerveau », au besoin en les droguant, pour en faire des kamikazes.

Les forces maliennes n'ont pas encore dépassé la boucle du Niger mais planifient de monter dans le Nord à brève échéance. Des négociations avec le MNLA, désigné par Bamako comme mouvement terroriste et auquel ne se sont ralliés qu'une partie des Touaregs, semblent se profiler. De même, les pourparlers avec les différentes tribus arabes, désunies, peuvent porter leurs fruits.

Si d'autres pays en Europe ont des compétences en matière d'aérolargage, la France est en effet le seul à les posséder toutes. Il nous faut préserver l'essentiel en ce domaine et c'est là l'un des points délicats du projet de loi de programmation militaire car, si l'on peut perdre un savoir-faire en quelques mois, il faut plus de dix ans pour le retrouver. Dans les zones dont nous parlons, la qualité de l'air et l'absence de végétation font que l'on entend un avion – et même un drone – à plusieurs dizaines de kilomètres ; d'où la nécessité de largages à grande distance et à très grande hauteur. Le largage « sous voile » requiert d'ailleurs une formation particulière, non seulement des chuteurs opérationnels, mais aussi des pilotes. Nous veillons à préserver cette compétence dans le cadre de la loi de programmation, mais nous serons peut-être contraints à des choix budgétaires ; c'est pourquoi je ne puis prendre d'engagements en la matière.

Le Président de la République avait annoncé, lors d'une conférence de presse, que les soldats français présents sur place seraient moins de 4 000 au 1er mai – de fait, ils étaient 3 850, les 200 hommes de l'EUTM Mali inclus –, 2 000 en juillet et 1 000 en décembre. Ces prévisions se fondaient néanmoins sur une situation qui, depuis, a évolué : la MINUSMA, selon l'ONU, ne sera pleinement opérationnelle, ni le 1er juillet, ni le 1er septembre, mais plutôt le 1er novembre. D'autre part, alors que le premier tour de l'élection présidentielle devait avoir lieu à la fin de la première quinzaine de juillet et le second le 21 juillet, ces échéances seraient respectivement reportées au 28 juillet et au 11 août ; comme c'était prévisible, les autorités maliennes, ainsi que l'ONU, sollicitent notre aide pour le transport des urnes dans certaines zones, y compris à Kidal. La Cour pénale internationale, enfin, sollicite un soutien logistique que nous ne pouvons lui refuser... Dans ces conditions, l'objectif de ramener nos effectifs à 2 000 hommes doit se déplacer vers la fin de l'été. Toutefois, cela ne devrait pas empêcher de les réduire à 1 000 avant la fin de l'année.

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