Intervention de Jean Luc Vatin

Réunion du 28 mai 2013 à 17h15
Commission des affaires économiques

Jean Luc Vatin, directeur des particuliers à la Banque de France :

La direction des particuliers de la Banque de France coordonne l'activité des secrétariats des commissions de surendettement tout en étant responsable de la gestion du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), lequel est un fichier négatif.

Le rôle du crédit à la consommation est l'objet de controverses. Il est en effet souvent accusé d'être à l'origine des phénomènes de surendettement, qui ont malheureusement augmenté ces dernières années en France. C'est pourquoi le législateur a cherché à plusieurs reprises à encadrer le crédit à la consommation – la dernière loi en date étant la loi Lagarde de 2010, qui a apporté de sensibles modifications dont nous commençons à sentir le bénéfice.

La question du surendettement a fait, elle aussi, l'objet de nombreuses interventions du législateur : après la loi Neiertz de 1989, il est revenu sur le sujet en 1995, 1998, 2003 et 2010, et y reviendra prochainement dans le cadre de la prochaine loi bancaire et du projet de loi relatif à la consommation.

Le dynamisme de la consommation est un facteur essentiel de la croissance économique, tout particulièrement dans la conjoncture actuelle. Il est impensable, dans une économie moderne, de demander aux ménages de préfinancer par une épargne préalable toutes leurs acquisitions de biens d'investissement. À titre d'exemple, je rappellerai que trois voitures neuves sur quatre sont achetées dans le cadre d'un contrat de crédit à la consommation. Les achats à crédit représentent 23 % du chiffre d'affaires de l'équipement de la maison ou de l'amélioration de l'habitat, 40 % de celui de la vente par correspondance et 8 % de celui de la grande distribution. C'est dire l'importance économique du crédit à la consommation.

On ne saurait d'ailleurs prétendre que les Français recourent de façon excessive au crédit à la consommation : alors que l'encours s'élève à 148 milliards d'euros à la fin du mois de décembre 2012, le crédit à la consommation s'élève en France à 12,7 % des dépenses des ménages contre 16 % en Allemagne et 24 % au Royaume-Uni – je vous renvoie au rapport du Comité de suivi de la réforme de l'usure créé par la loi Lagarde.

Le recours au crédit à la consommation a eu tendance à ralentir au cours des douze derniers mois – vous l'avez noté, monsieur le président – en raison notamment de l'inquiétude générale des ménages et du renforcement de son encadrement prévu dans la loi Lagarde. Toutefois, cette baisse se conjugue avec le maintien à un niveau élevé de dépôts de dossiers de surendettement : plus de 200 000 – un pic ayant été atteint en 2011, avec quelque 232 000 dossiers.

Il faut toutefois savoir que le nombre de dossiers de surendettement est en baisse tendancielle de 5 %, avec un recul de la présence, dans ces dossiers, des crédits renouvelables, et que les chiffres incluent un pourcentage élevé de re-dépôts, qui concernent des ménages pour lesquels les commissions de surendettement n'ont pas réussi à trouver de solution définitive. En effet, même en l'absence de capacité de remboursement, il n'est pas possible de proposer directement l'effacement des dettes. Il a donc fallu trouver pour ces ménages des solutions provisoires, sous forme d'un moratoire temporaire des paiements. Ces moratoires, qui concernent quelque 40 % des dossiers, contribuent donc à alimenter le nombre des re-dépôts. Un nouvel accident de la vie – perte d'un emploi, séparation – peut également entraîner un re-dépôt. Si on soustrait le nombre des re-dépôts du nombre total des dossiers de surendettement traités par an – le tout dernier chiffre s'établit à 220 000 –, on arrive à 140 000 nouveaux entrants.

Ces situations ne résultent pas, dans leur grande majorité, d'un excès de crédits. Du reste, le crédit à la consommation n'a jamais été en France la cause exclusive du surendettement. Dans les années 1990, les dossiers se répartissaient à parts égales entre les crédits à la consommation et les crédits immobiliers – à l'époque existait le mécanisme pervers des prêts à échéance progressive, qui a contribué, avec la diminution de l'inflation, à ruiner un grand nombre de ménages. Des excès avaient également été commis, tant du côté de l'offre que de la demande de crédit à la consommation : la bulle ainsi provoquée avait motivé la première intervention du législateur, certains ménages, qui cumulaient les deux types d'endettement, s'étant retrouvés dans une situation catastrophique. Le contexte est totalement différent aujourd'hui : les prêts immobiliers sont devenus minoritaires dans les dossiers de surendettement – moins de 10 % –, alors que les crédits à la consommation y sont majoritaires – dans 87 % des dossiers. Toutefois, le nombre de crédits à la consommation par dossier et leur montant sont inférieurs aux chiffres parfois cités : ce nombre s'établit en moyenne à 4,8 par dossier pour un montant moyen de 23 000 euros – le montant moyen des crédits renouvelables, inclus dans ces chiffres, s'élevant à 15 000 euros.

Des cas extrêmes et dramatiques existent, je n'en disconviens pas, mais ils sont loin de constituer la majorité. Il faut savoir en effet que, dans près de 60 % des dossiers de surendettement, le nombre des crédits à la consommation ne dépasse pas quatre, les dossiers mettant en jeu plus de dix crédits représentant moins de 10 % de l'ensemble.

Dans la majorité des dossiers traités, l'origine des difficultés ne réside donc pas dans un excès de crédits initial mais dans une diminution des ressources et des capacités de remboursement à la suite d'un accident de la vie. Près de 50 % des personnes concernées connaissent des difficultés en termes d'emploi. Pour 50 % des ménages, les ressources sont inférieures au SMIC et pour 80 % elles sont inférieures à 2 000 euros par mois. Dans plus de 50 % des cas, les capacités de remboursement sont nulles, et négligeables dans près de 80 %. Près de 35 % des dossiers recevables sont orientés vers la procédure de rétablissement personnel, c'est-à-dire vers un effacement total des dettes. Le surendettement a donc dans la majorité des cas pour origine le fait que les ressources sont devenues structurellement insuffisantes.

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