Intervention de Jean-Louis Kiehl

Réunion du 28 mai 2013 à 17h15
Commission des affaires économiques

Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération Crésus, Chambres régionales de surendettement social :

Je tiens à nuancer la vision fataliste selon laquelle le surendettement aurait pour seule origine l'accident de la vie. Notre association est présente dans dix-neuf régions et accueille physiquement les ménages surendettés. Nous avons donc chaque jour l'occasion d'approfondir notre connaissance de l'environnement qui, au-delà des causes directes, conduit en France toutes les deux minutes un ménage à déposer un dossier de surendettement dont le montant moyen dépasse 30 000 euros, avec des pics pour certaines catégories de population dont la solvabilité n'a pu être vérifiée.

L'Allemagne dispose d'un fichier positif depuis 1929, ce qui n'a diminué en rien l'appétence des Allemands au crédit. La France est un des rares pays européens et sera sans doute le dernier à ne pas avoir créé de registre national. Le FICP n'est pas suffisant du fait que, lorsque les ménages commencent à rencontrer des difficultés, ils essaient un certain temps encore de rembourser leurs échéances avant de devoir y renoncer dans des conditions dramatiques.

La Cour des comptes avait été choquée, il y a cinq ans, du classement binaire des surendettés en actifs et en passifs – les ménages qui souscrivaient trop de crédits et les autres, qui subissaient la crise. La Cour des comptes, qui avait passé une journée dans nos permanences, avait pu alors constater combien les difficultés financières avaient d'incidence sur la vie des ménages – divorces et commission de surendettement. Certes, la loi de 2010 a permis de réaliser de nombreux progrès mais elle reste inachevée. Mme Lagarde s'était elle-même engagée à l'Assemblée nationale à créer le registre national du crédit. Elle avait même mis en place une commission à cet effet – il est vrai que Clemenceau disait que pour enterrer un problème, il suffisait de créer une commission. Il est temps d'achever la loi.

Il faut réorienter le crédit vers les populations qui en feraient un bon usage, sous réserve de ne pas collectionner les engagements. Cela permettrait de développer le crédit, voire d'en baisser le taux au profit, notamment, des jeunes qui ont besoin de s'équiper. Le registre national du crédit s'imposera. Ne laissons pas passer la chance inouïe qui nous est aujourd'hui offerte d'en débattre de nouveau. Les deux candidats à l'élection présidentielle s'étaient engagés à le créer. J'espère que le Parlement dotera le pays de cet instrument de prévention du risque de surendettement. Dans 58 % des dossiers de surendettement, les créanciers n'auraient jamais octroyé le dernier crédit s'ils avaient connu l'état d'endettement réel du ménage. C'est ce crédit de trop qui fait plonger nos concitoyens ! Vous les rencontrez dans vos permanences. Nous les rencontrons également : ce sont des personnes désespérées et honteuses, qui, ayant perdu tout courage, risquent aussi de perdre leur emploi. En effet, une personne surendettée qui n'a pas de travail peut bénéficier d'une procédure d'effacement. Aujourd'hui, les classes moyennes sont en péril. Les primo-accidents commencent également à connaître des tensions pour financer, outre la construction de leur maison en grande banlieue, la nécessité de posséder deux voitures – cette charge contrainte s'élève à quelque 10 000 euros par an. Le crédit ne peut jouer son rôle de levier de croissance dans de telles conditions.

L'encours moyen des ménages français surendettés est une honte pour notre pays. Si les banques traditionnelles ont la capacité de vérifier la solvabilité de leurs clients, il n'en est pas de même des établissements financiers comme Cetelem ou Cofinoga.

Mme Lagarde a créé la fiche de dialogue à quatre mains, que les emprunteurs doivent renseigner en y déclarant leurs crédits. Or, dans de trop nombreux cas, ils n'en déclarent pas la totalité. Voilà vingt et un ans que je plaide en faveur du RNC : je pense que la France est désormais mûre pour travailler sur cette idée de transparence et de protection des créanciers et des emprunteurs. Il convient que vous franchissiez enfin le pas : du reste, une récente enquête des Dernières Nouvelles d'Alsace indique que 71 % des citoyens sont favorables au fichier positif. Le surendettement n'est pas une fatalité. Nous vous faisons confiance.

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