Intervention de Françoise Palle-Guillabert

Réunion du 28 mai 2013 à 17h15
Commission des affaires économiques

Françoise Palle-Guillabert, déléguée générale de l'Association française des sociétés financières, ASF :

Il faut tout d'abord savoir que si l'encours moyen de surendettement des Belges est inférieur à celui des Français, c'est tout simplement parce que les bases de son calcul ne sont pas les mêmes. En France, pour calculer l'encours de surendettement, on prend en compte toutes les dettes : dettes financières, dettes de loyers, dettes fiscales, etc. En revanche, les Belges ne comptabilisent que les dettes financières. Il est donc logique que le volume moyen d'un dossier de surendettement soit plus élevé en France qu'en Belgique.

S'agissant de l'offre alternative, la mesure prévue dans le projet de loi paraît à l'ASF redondante avec l'avis du CCSF du 15 novembre 2012, dans le cadre duquel les établissements de crédit ou les intermédiaires de crédit présentant une offre de crédit renouvelable se sont engagés, devant les associations de consommateurs, à accompagner systématiquement une telle offre d'une proposition alternative de contrat de crédit amortissable – l'engagement est effectif depuis le début de l'année 2013.

Le texte de loi prévoit que l'offre alternative devra être présentée à compter d'un seuil fixé par décret – il est actuellement établi à 1 000 euros. Plusieurs organisations de consommateurs souhaitant le baisser, j'appelle votre attention sur le fait qu'il n'existe pas nécessairement d'offre de crédit amortissable pour des montants inférieurs à 1 000 euros. Les banquiers eux-mêmes accorderont-ils un prêt personnel pour de tels montants ? Le montant moyen de l'achat à crédit sur le lieu de vente, qui s'élève à 240 euros, est à mettre en regard avec le coût d'un dossier de crédit qui est de l'ordre de 80 euros.

S'agissant de la déliaison, un engagement a également été négocié dans le cadre du CCSF avec les représentants du grand commerce et les financiers. Cet engagement, qui prévoit que tout consommateur aura le choix entre une carte de fidélité avec crédit et une carte de fidélité sans crédit, sera effectif à la fin de l'année 2013, afin de laisser le temps aux enseignes de la grande distribution d'adapter leurs systèmes d'information.

Convient-il d'encadrer les taux d'intérêts du crédit renouvelable ? Je rappelle qu'il existe en France une législation sur l'usure, ce qui n'est pas le cas de tous les pays européens – ce sujet est régulièrement débattu à Bruxelles. Or la toute dernière disposition de cette législation, modifiée dans le cadre de la loi de 2010, est entrée en application en avril 2013, à la fin d'une période transitoire placée sous l'autorité du gouverneur de la Banque de France et d'un comité de vigilance auquel étaient associés des parlementaires. Les taux de tous les crédits à la consommation sont désormais identiques, quelle que soit leur nature. Il ne convient donc pas de les encadrer davantage encore.

S'agissant de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, la loi de 2010 prévoit qu'au-delà de 3 000 euros des justificatifs sont exigés. La liste, qui a été fixée par décret, comprend des justificatifs d'identité, de revenus et de domicile. De nombreux établissements les exigeant déjà, cette disposition n'a fait l'objet d'aucune remontée, ni de la part des associations de consommateurs, ni de la part des adhérents de l'ASF.

Oui, la DGCCRF est efficace. Je vous rappelle qu'elle contrôle régulièrement l'application des différentes mesures auxquelles sont astreints les établissements de crédit. Elle a commencé de le faire après la mise en application de la loi de 2010 et ses premiers contrôles ont fait l'objet d'un rapport, qui a été présenté au CCSF devant les organisations de consommateurs, qui procèdent, de leur côté, à leurs propres tests. De plus, le projet de loi renforce encore les pouvoirs de la DGCCRF, puisque celle-ci aura désormais la possibilité de conduire des enquêtes mystères. N'oublions pas non plus que l'Autorité de contrôle prudentiel vérifie de son côté, dans le cadre de ses contrôles de commercialisation, la bonne application de la loi.

Une question a porté sur l'opportunité de faire signer les deux conjoints lors de la souscription d'un crédit à la consommation, l'un des deux pouvant à l'heure actuelle endetter le ménage sans prévenir l'autre. Conviendrait-il alors d'obliger les deux conjoints à faire l'achat ensemble ou de prévenir le conjoint absent ? Aucune solution n'a été trouvée dans le cadre de la loi de 2010.

Faut-il améliorer l'information préalable du consommateur qui envisage de souscrire un crédit ? Il ne faut pas oublier qu'en raison des différentes interventions du législateur dans un laps de temps relativement court, le contrat de crédit fait désormais trente-sept pages et demande à l'emprunteur sept signatures. Est-il judicieux d'alourdir encore l'information préalable alors que je ne suis même pas certaine que le consommateur lise déjà ces trente-sept pages ? Pour rendre la prévention vraiment efficace, il faudrait commencer par améliorer l'éducation financière et budgétaire des Français, qui est insuffisante. Cela pourrait se faire dans le cadre scolaire. L'ASF participe quant à elle activement aux travaux de l'Institut pour l'éducation financière du public, aux côtés de la Banque de France, des organisations de consommateurs ou de journalistes.

Enfin, l'ASF est neutre sur la question du registre national du crédit, pour la simple raison que ses adhérents sont profondément divisés à la fois sur l'opportunité et les modalités d'un tel fichier. Aucun consensus n'a pu être dégagé en dépit de nombreuses discussions sur le sujet.

C'est pourquoi je vous donnerai de manière objective les arguments des « pour » et des « contre », afin de vous laisser seuls juges.

Pour les opposants au projet, un fichier qui ne comporterait pas les crédits immobiliers – le projet aménagé par le Gouvernement à la suite de l'avis du Conseil d'État irait en ce sens – donnerait une vision très partielle de l'endettement.

De plus, un fichier comportant tous les crédits inscrirait 25 millions d'emprunteurs tandis qu'un fichier qui ne mentionnerait que les crédits à la consommation comporterait encore entre 12 et 15 millions d'inscrits. Ces chiffres sont à rapporter au nombre de surendettés actifs, à savoir 15 000. Au regard du principe de proportionnalité, l'efficacité du fichier serait donc de 1 pour 1 000.

Ce fichier contribuerait enfin à véhiculer une très mauvaise image du crédit à la consommation sans pour autant permettre d'atteindre l'objectif poursuivi. En effet, s'il ne donnait qu'une image partielle de l'endettement d'un particulier, il ne pourrait pas améliorer la prévention du surendettement par une meilleure analyse de la solvabilité.

Pour les partisans du projet, l'absence des crédits immobiliers n'est pas un inconvénient du fait que le prêteur ne dispose pas non plus des montants des loyers : dans les deux cas, il ne connaît donc pas la fraction de son budget que l'emprunteur consacre à se loger.

Par ailleurs, le projet aménagé par le Gouvernement limite les coûts d'un tel fichier pour les établissements et donc pour les souscripteurs.

Enfin, c'est un compromis raisonnable et nécessaire au regard des finalités du fichier.

Le seul consensus sur la question au sein de l'ASF porte sur les deux points suivants. D'une part, l'identifiant doit être disponible sur le lieu de vente afin de permettre la consultation du fichier en ligne. D'autre part, les professionnels qui ont travaillé sur ce fichier, notamment dans le cadre du comité de préfiguration présidé par Emmanuel Constans, souhaiteraient être consultés sur la version qui sera proposée au Parlement.

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