Intervention de Bruno Rebelle

Réunion du 29 mai 2013 à 10h15
Commission des affaires économiques

Bruno Rebelle, membre du comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique :

En tant que partie prenante au débat, je vais vous présenter les points d'accord et les dissensions que j'ai identifiées. Je me permettrai également de présenter mon point de vue personnel sur le sujet de la transition énergétique.

Il existe un consensus sur la priorité : atteindre l'objectif du facteur 4 de lutte contre le changement climatique. Cependant, un certain nombre d'acteurs – je pense plus particulièrement aux grandes entreprises – expriment leurs difficultés à faire primer cet objectif sur leur propre objectif de compétitivité. La difficulté de fond réside, me semble-t-il, dans l'inexistence d'un cadre international de traitement du problème du réchauffement climatique.

Deuxième élément d'accord : l'évolution de la demande conditionne les différentes configurations de couverture des besoins. De ce point de vue, les économies d'énergie constituent un levier essentiel.

Permettez-moi de souligner la quantité de données désormais disponibles, qui témoigne d'un important effort de partage d'informations depuis une quinzaine d'années. L'analyse de ces données abondantes permet d'établir un troisième constat, à savoir que, quelles que soient les options retenues, la transition énergétique est rentable pour le pays à moyen terme, c'est-à-dire à l'horizon 2020, et même très rentable à plus long terme, à l'horizon 2030 – 2050. Dans un contexte de prix élevés de l'énergie – ce qui reste l'hypothèse la plus probable –, l'accent mis sur l'efficacité énergétique permettrait de dégager un bénéfice de l'ordre de 1 300 milliards d'euros en 2050 ; en cas de prix bas de l'énergie, on estime ce bénéfice à 300 milliards d'euros, ce qui illustre bien les enjeux économiques de cette transition pour le pays. Naturellement, des investissements additionnels sont nécessaires, évalués entre 30 et 45 milliards d'euros annuels, mais ils doivent être appréciés au regard d'une rentabilité future qui est certaine.

Quatrième constat : dans un contexte où le pays est à la recherche de ressources et d'emplois supplémentaires, les efforts de diversification énergétique représentent un important levier puisqu'on évalue leur impact potentiel entre 500 000 et 600 000 emplois créés à l'horizon 2030. Autrement dit, la transition énergétique ne doit pas être considérée comme une contrainte mais, au contraire, comme un levier de sortie de crise.

En écho aux propos de M. Thierry Wahl, permettez-moi de souligner quelques enseignements forts de la « journée citoyenne » du débat national sur la transition énergétique. Organisée dans 11 régions métropolitaines et 3 régions ultra-marines, cette journée s'est appuyée sur des panels de citoyens, tirés au sort afin d'assurer une représentation équilibrée de différentes catégories socioprofessionnelles, et invités à délibérer sur les questions de transition énergétique, à partir d'un protocole identique. En l'espèce, les participants étaient conviés à une séance de présentation d'une heure, suivie d'un débat de 40 minutes, puis d'une délibération individuelle afin d'obtenir des résultats proches de ceux d'un « sondage informé ». Il ressort de cette consultation que, dans sa grande majorité, le public perçoit de manière positive l'idée de transition énergétique et est prêt à consentir des efforts pour s'engager dans cette voie, en réduisant notamment l'énergie consommée pour le logement et la mobilité. Il ressort également de cette journée que les citoyens sont en attente d'un accompagnement technique et d'une exemplarité de l'Etat et des collectivités publiques dans ce domaine ; ils sont même prêts à payer plus cher l'énergie consommée si cet effort est susceptible d'avoir des répercussions positives sur la santé et l'environnement. Ainsi, contrairement à une idée reçue selon laquelle les citoyens se soucient peu de la transition énergétique et ne sont préoccupés que par la question de l'emploi, il existe de réelles attentes dans ce domaine.

Naturellement, certains points durs du débat demeurent, liés à la capacité à se projeter dans le « monde d'après ». De fait, notre politique énergétique a été définie dans les années 60 et n'a pas été revue depuis ; il en résulte un pilotage à vue – depuis les chocs pétroliers – qui doit être remplacé par un pilotage stratégique pour lequel il convient de se doter d'outils adaptés. À l'heure actuelle, le débat sur le « mix énergétique » tend à se focaliser sur l'électricité – qui représente certes 22 % du bouquet – mais d'autres sources d'énergie, en particulier les énergies renouvelables, sont également importantes et davantage créatrices d'emplois. J'en termine en faisant part de ma conviction que, si une tension non résolue demeure sur la diminution de la part du nucléaire dans le mix, nous en sortirons avec le temps.

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