Intervention de Bernard Bigot

Réunion du 29 mai 2013 à 10h15
Commission des affaires économiques

Bernard Bigot :

Le président Brottes a bien résumé la situation du CEA dont j'ai l'honneur d'être l'administrateur général, tout en présidant le comité de coordination de l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE), qui regroupe 19 opérateurs impliqués dans le développement des connaissances dans le secteur de l'énergie. Dans le débat actuel, une certitude me paraît incontournable : la situation actuelle du pays n'est pas tenable. Avec la moitié de l'énergie primaire provenant des énergies fossiles, qui représentent par ailleurs les deux tiers de notre consommation finale et qui sont intégralement importées, nous nous trouvons, en effet, dans une situation de dépendance dont les coûts sont, en outre, insupportables. La facture pétrolière, qui s'élevait à 20 milliards d'euros en 2003, représentait 69 milliards d'euros l'année dernière. Face à un tel défi, la communauté scientifique se mobilise dans le but de développer des technologies innovantes, en prenant en compte plusieurs phénomènes. Premièrement, les économies d'énergie et l'efficacité énergétique sont des impératifs qui reposent sur des mesures organisationnelles et des changements de comportements. Deuxièmement, l'énergie représente l'oxygène de toute société et représente un élément clé de son fonctionnement économique. Troisièmement, une situation de forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur n'est pas tenable. Il convient donc de parvenir à orienter la production domestique dans des filières où la création de valeur doit être encouragée ainsi que la constitution de champions industriels, tournés vers l'exportation.

L'ensemble de ces préoccupations s'inscrit dans un contexte où la réduction des impacts sanitaires et environnementaux – en particulier la réduction des émissions de gaz à effet de serre – constitue un enjeu majeur. Dès lors, la substitution des énergies fossiles est essentielle, en développant notamment la complémentarité entre l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables, toutes deux produites au niveau domestique, tout en veillant à la préservation d'un socle permettant une fourniture continue d'énergie. À cet égard, la production d'énergie nucléaire s'avère appropriée. Je rappelle par ailleurs que l'Allemagne, qui a fait le choix de renoncer au nucléaire, importe désormais d'abondantes quantités de lignite provenant notamment d'Australie.

Dans le cadre de l'ANCRE, trois scénarios ont été retenus comme base de travail : un premier scénario de très grande sobriété énergétique repose sur une nette diminution de la consommation énergétique, le développement des énergies renouvelables et un recours résiduel au gaz pour garantir la continuité de la production énergétique ; un deuxième scénario est fondé sur l'utilisation mixte de l'énergie nucléaire et des énergies renouvelables ; un troisième scénario privilégie la diversification des sources avec l'utilisation des bioénergies et le recours aux systèmes locaux.

Ces trois scénarios s'inscrivent dans un cadre où, conformément à nos engagements internationaux, la France doit diminuer d'un facteur 4 ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 et où la part de l'énergie nucléaire ne doit pas excéder 50 % à l'horizon 2025. Or, la consommation énergétique dans les secteurs de l'habitat et des transports dépend à 75 % des énergies fossiles. Certes, des perspectives sont ouvertes en faveur d'une utilisation croissante des énergies renouvelables dans ces secteurs, comme l'illustre le développement d'un véhicule hybride ou tout électrique par exemple. Toutefois, ces trois scénarios ne peuvent respecter le cadre qui vient d'être rappelé sans rupture technologique majeure. Il existe, en effet, des goulets d'étranglement qui doivent être surmontés ; s'ils ne le sont pas, ces objectifs s'avèreront illusoires. La capture de CO2 représente une voie mais l'une des deux exigences doit être relâchée pour ne pas compromettre l'ensemble des efforts engagés. Ces contraintes sont résumées par 18 critères – dont des critères économiques et technologiques – qui sont en train d'être intégrés aux scénarios de l'ANCRE.

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