Intervention de Bernard Bigot

Réunion du 29 mai 2013 à 10h15
Commission des affaires économiques

Bernard Bigot :

La clé, c'est le stockage, y compris le stockage hydraulique, c'est-à-dire faire du pompage temporaire. Quel est le sens d'exporter pendant 3-4 heures dans une journée dans un sens pour ré-importer ensuite dans le sens inverse. C'est cette logique d'une économie globale.

Un dernier point : la France a la chance d'être un pays fortement forestier et fortement agricole.

Sans impacter les besoins prioritaires que sont les besoins alimentaires et même industriels, il existe des marges considérables pour l'utilisation de la biomasse française : pour produire des hydrocarbures de synthèse qui viennent de subsituer aux hydrocarbures importées, des technologies sont en train de se développer par le biais de la recherche sur les biocarburants de deuxième ou de troisième génération.

Il y a les problématiques de la méthanisation déjà évoquées, avec des progrès très importants accessibles dans des délais relativement proches.

Dans tous les domaines des énergies renouvelables, la démarche à adopter est certes d'investir dans la recherche, mais surtout, il faut pouvoir passer du laboratoire au démonstrateur. La France doit accepter la logique du démonstrateur et ne pas se précipiter vers des déploiements importants de technologies certes innovantes mais dont il n'y a pas eu le retour d'expérience pour en tirer tout le bénéfice. Des parcs sont installés à grands frais alors que nous nous privons d'aller dans une progressivité vers une amélioration continue.

Il faut encourager l'Etat à soutenir des démonstrateurs à des échelles appropriées pour pouvoir attendre les retours d'expérience afin de retirer tous les bénéfices des innovations.

Pour terminer, je vais essayer de répondre aux questions sur le nucléaire. Il faut d'abord rejeter l'argument sur les coûts : pour la première fois au monde, un pays a fait l'effort, en saisissant la plus haute instance d'audit des finances publiques - à savoir la Cour des comptes - de la réalité des coûts du parc existant aujourd'hui.

La première conclusion de ce travail remarquable est que sur un parc nucléaire de 30 ans, le prix de l'électricité en France, toute charge assumée, c'est-à-dire comprenant la recherche, la construction, l'exploitation, le démantèlement et la gestion des déchets, est composé à 90% de l'investissement, d'où l'intérêt, quand un investissement est fait, d'en tirer le meilleur parti. Les 10 % restants ne concernent que l'exploitation, dont la gestion des déchets.

La deuxième conclusion concernant le parc installé aujourd'hui, est qu'il existe des marges de progrès en termes de conception de sûreté. C'est l'apprentissage à travers la propre pratique de la France mais aussi des grands accidents symboliques connus de tous. Il y a une nécessité d'investissements par rapport au développement du parc dans les années 1975-1990.

Ce renchérissement du coût n'est pas incommensurable : il ne peut sérieusement être envisagé qu'à hauteur maximum de 10 % à 15 %. Nous pouvons l'affirmer avec certitude au CEA par notre expérience dans le domaine.

Il faut trouver de bonnes raisons pour ne pas poursuivre les investissements dans le nucléaire, et la raison du coût trop élevé n'en est pas une.

Concernant les déchets radioactifs, la vision est claire : il faut retraiter les combustibles usés, séparer les matières valorisables et conditionner de façon sûre les déchets de haute activité à vie longue avec la perspective de les stocker en profondeur. C'est tout l'enjeu du débat actuel.

Pour terminer sur le nucléaire en général, n'oublions pas que le nucléaire est un investissement de long terme. À titre d'exemple, l'Allemagne a ruiné, par une décision politique en 2011, ses possibilités de revenir dans le nucléaire. La France doit donc conserver un consensus sur l'intérêt et la vision globale de sa politique énergétique à long terme. C'est tout l'enjeu de la transition énergétique : donner une vision partagée par l'ensemble des acteurs du pays.

Par ailleurs, il est nécessaire de faire évoluer et renouveler le parc nucléaire mais cela doit se faire dans la progressivité. Par exemple, aujourd'hui aux États-Unis, des centrales utilisées depuis 55 ans fonctionnent toujours avec un rendement de 95% sur l'année. Leur renouvellement est conditionné par la sûreté, mais c'est aussi le résultat d'une vision industrielle et économique.

Enfin, l'industrie nucléaire n'est crédible que si l'on construit régulièrement des équipements. Flamanville est l'illustration d'une phase de réapprentissage de construction de centrales à partir de 2005 après un arrêt de plusieurs années faute de marché mondial. Pour éviter de tels à coups, il est nécessaire pour les entreprises françaises de construire régulièrement des centrales et l'enjeu de l'export est extrêmement fort.

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