Intervention de Bruno Rebelle

Réunion du 29 mai 2013 à 10h15
Commission des affaires économiques

Bruno Rebelle, membre du comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique :

En premier lieu, il est intéressant de noter les deux différences de dynamiques entre le Grenelle de l'environnement et le débat national pour la transition énergétique : le Grenelle parlait peu d'énergie et a écarté le nucléaire et il n'a pas prévu les mécanismes de financement des différentes mesures proposées.

Malgré la présence de nombreux acteurs de terrain dans les villages et les banlieues, je regrette que le débat national sur la transition énergétique ne soit pas assez populaire et pas assez relayé médiatiquement ; de même, la gouvernance collective et les modes de représentation écartent de facto les PME tandis que les institutions de représentation restent dans la ligne du Medef, ce qui déséquilibre le débat.

Sur le fond, la transition énergétique est en débat aujourd'hui car la France a de vrais problèmes à résoudre, en dehors de la facture énergétique nationale élevée.

Je suis d'accord avec la priorité donnée à l'efficacité énergétique, et ajouterais qu'il y a un vrai souci de formation des acteurs et d'accompagnement dans le bâtiment. La mobilité reste un gros chantier à creuser avec la création d'un groupe de travail et le financement de la transition énergétique est encore en réflexion, en prenant exemple sur le système allemand de la KfW qui donne grande satisfaction.

Tout cela témoigne de la nécessité d'une articulation entre le cadre européen, le cadre national avec la mobilisation des grands acteurs et au niveau des territoires pour aboutir aux mécanismes les mieux adaptés à la mobilisation des ressources nécessaires.

En deuxième lieu, concernant les énergies renouvelables - et on peut être confiant sur l'arrivée d'un « été » des énergies renouvelables après « le printemps » - il faut insister sur la diversité des solutions. Cela renvoie à un problème de hiérarchie des normes, notamment en matière d'hydro-électricité. Il s'agit de déterminer la hiérarchie entre les objectifs de diversification de la production et de recours aux énergies renouvelables, et les normes de protection de l'environnement et de conflits d'usage. C'est un vrai débat sur lequel la société dans son ensemble doit apprendre à construire des arbitrages collectifs. La loi ne suffira pas à proposer des solutions acceptables sur le terrain. Selon les associations pour la protection de l'environnement, en matière d'hydroélectricité, pour gagner 10% de production, cela nécessiterait de déclasser 4% des tronçons de cours d'eau concernés. C'est quelque chose qui mériterait d'être mis en débat de manière responsable.

En matière d'emploi, 15 000 emplois ont été perdus en 2012 à cause des atermoiements du mécanisme de financement du secteur solaire. Certes, il faut bien réfléchir au reclassement des employés de la centrale nucléaire de Fessenheim quand elle sera fermée, mais cela représente six fois moins que les emplois perdus l'an dernier dans le solaire. Il faut donc garder la mesure des chiffres et raisonner en bilan net d'emplois, comme ce fut le cas avec le groupe de travail du débat sur les transitions professionnelles pour voir comment des emplois perdus au cours de la transition énergétique dans un secteur peuvent être compensés par des emplois gagnés dans d'autres secteurs.

Un potentiel énorme existe pour la production de chaleur et d'électricité, la création d'emploi et l'innovation. Par exemple, à La Réunion, l'Ademe, la DREAL et des industriels du secteur s'allient pour constituer en matière d'énergies renouvelables une plaque-tournante de déploiement industriel dans l'océan indien.

La recherche en matière de stockage de l'électricité est un enjeu majeur. L'Allemagne est en avance et la France doit lui emboîter le pas en évitant de se centrer sur de fausses bonnes solutions comme le gaz de schiste. En effet, rien n'indique que la rentabilité économique en France ou en Europe sera égale à celle des États-Unis eu égard à la régionalisation du marché du gaz et aux conditions de coût et d'exploitation très différentes. Il est nécessaire de pousser davantage les études avant même de commencer à explorer le potentiel des gaz de schiste sur le territoire.

En troisième lieu, dans le secteur nucléaire, il y a encore beaucoup à faire sur l'estimation du coût de production, la fourchette allant de 33€MWh à 75€MWh selon les sources, ce qui rend difficile l'adoption d'une stratégie globale.

Il faut d'ailleurs prendre avec prudence les propos de M. Proglio annonçant 130 milliards d'euros de dépenses pour la prolongation du parc nucléaire sans justification et à l'aide d'un plan comptable absolument pas sérieux : trouvez-moi un comptable qui soit capable d'établir un plan de gestion sur vingt-sept millions d'années !

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