Vincent Feltesse et moi-même avons en effet cheminé parallèlement jusqu'à nous retrouver dans cette rédaction commune. Barbara Pompili parlait tout à l'heure de politique des petits pas, mais j'ai la conviction que nous allons faire avec ce nouvel amendement un grand pas dans l'esprit de l'article 18.
Ce qui est proposé, c'est ni plus ni moins que la reconnaissance d'un droit à l'accès aux filières sélectives, notamment les classes préparatoires aux grandes écoles, pour les meilleurs bacheliers de tous les lycées de France. L'objectif est de lutter contre cette ségrégation sociale et spatiale, contre ces mécanismes d'autodénigrement qui font que certains se disent que les grandes écoles, les filières sélectives, ne sont pas pour eux – et à l'inverse contre ces redoutables stratégies d'évitement de la part des lycées moins réputés, qui ont un effet désastreux en termes d'exemplarité et d'émulation des élèves, notamment outre-mer ou dans les quartiers populaires et zones rurales. La reconnaissance d'un droit d'accès aux formations sélectives permettra de tourner le dos à ces mécanismes.
Il s'agit ici de mettre en oeuvre un engagement du Président de la République formulé durant la campagne électorale. Une proposition de loi du même esprit, avec presque la même rédaction, avait d'ailleurs été proposée entre autres par François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls dès 2005. Elle s'inspirait en particulier des travaux de Patrick Weil qui, se fondant sur des exemples américains, notamment dans le Texas, avaient éclairé tous les décideurs publics attachés à la lutte contre les discriminations et contre la ségrégation spatiale sur le bien-fondé de cette mesure, une mesure égalitaire et universelle qui marquera aussi par sa simplicité.
Bien sûr, certains pousseront des cris d'orfraie devant le recours au mécanisme du quota. Mais il faut que la loi puisse intervenir dans toute sa dimension de protection pour être efficace. Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère. Ce droit reconnu à tous les lycéens, dans tous les lycées de France, c'est le droit de penser qu'il est envisageable d'accéder à des filières sélectives. Nous pourrons enfin répondre à l'enjeu de mixité sociale.
C'est pourquoi je suis convaincu que nous faisons oeuvre utile, dans l'esprit de cet article qui prévoit le décloisonnement et la convergence notamment entre CPGE et universités. Cette mesure ne va pas déstabiliser le système. Elle permet de lancer un signal aux 150 des 2 200 lycées français qui n'envoient aucun élève dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Elle s'exercera notamment par l'intermédiaire des recteurs et selon des mécanismes qui seront précisés – par exemple, le pourcentage des élèves concernés sera fixé chaque année. Ce n'est pas de la discrimination, pas même positive : il s'agit d'égalité, de méritocratie et d'excellence républicaine.