Intervention de Geneviève Fioraso

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Présentation

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Au service de ces deux objectifs prioritaires, la réussite étudiante et une nouvelle ambition pour la recherche, la loi prévoit une organisation territoriale et une gouvernance adaptées. La gouvernance n'est pas une fin en soi mais un moyen au service d'une ambition utile à la nation : réduire la complexité institutionnelle, qui rend notre système illisible, et renforcer la coopération de tous les acteurs. L'autonomie consiste d'abord à donner les moyens de leur stratégie aux universités. Pour reprendre les termes du Président de la République au Collège de France, l'autonomie que défend cette loi est basée sur la confiance – un joli mot ! – la confiance que l'on accorde aux présidents ou aux directeurs des établissements, à leurs partenaires dans le monde économique, social et culturel et surtout aux universitaires, aux personnels et même aux étudiants. L'autonomie, c'est le respect de la diversité des situations et des projets.

C'est le sens des regroupements que propose la loi. Notre objectif, à terme, est une trentaine de regroupements ou communautés d'universités et établissements, les COMUE, qui s'appelleront en réalité « Université de Bordeaux » ou « Université de Lyon ». Ces regroupements réuniront dans une seule gouvernance les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche autour d'une stratégie commune formalisée dans un contrat de site. Ils permettront de rapprocher, sans les confondre, les universités et les écoles de notre système français dual, unique au monde. Ils seront aussi ouverts sur leurs écosystèmes et passeront des contrats d'objectifs avec les collectivités territoriales, que je remercie pour leur engagement aux côtés de l'État – en premier lieu les régions.

Contrairement aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, ils contractualiseront avec un État stratège qui pourra ainsi accompagner leurs stratégies locales et inscrire celles-ci dans une cohérence nationale.

Les communautés bénéficieront du statut d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, statut harmonisé et souple, adapté aux différentes situations académiques ou interacadémiques, voire transfrontalières, qui autorise la fusion, la fédération, l'association et même la combinaison des trois.

Ce projet de loi améliore aussi la démocratie et la collégialité dans les instances de l'université.

La loi LRU avait donné tous pouvoirs au conseil d'administration, réduisant le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire à un rôle consultatif. Tous ceux qui, comme moi, ont siégé pendant plus de dix ans dans ces instances ont pu le constater. Les nouvelles dispositions reviennent à une répartition plus équilibrée. Elles confirment le conseil d'administration dans ses fonctions stratégiques mais transfèrent une partie de son pouvoir délibératif à une instance nouvelle, le conseil académique, fusion du conseil scientifique et du conseil des études. Il décidera en particulier des questions relatives au recrutement, aux affectations et aux carrières. Les décisions y gagneront une légitimité renforcée, fondée sur la représentativité et la collégialité. C'était une demande forte de la communauté académique et des étudiants et c'est le modèle qui prévaut au niveau international.

Enfin, je tenais tout spécialement à réduire les inégalités croissantes entre hommes et femmes dans ces instances. La loi impose maintenant le respect strict de la parité dans la composition des listes électorales des personnels et des étudiants aux conseils centraux. Ma collègue Najat Vallaud-Belkacem reviendra sur ce dispositif sur lequel nous avons travaillé avec l'ensemble des acteurs.

Je conclurai, comme une évidence, sur l'ouverture à l'international.

La mondialisation des universités et des laboratoires est une réalité. L'Inde veut doubler le nombre de ses étudiants d'ici à 2020. La Chine, qui ne comptait que 5 millions d'étudiants il y a une dizaine d'années, en a aujourd'hui 30 millions et en prévoit plus de 60 millions en 2020.

Pour faire rayonner notre recherche et notre enseignement supérieur au niveau international, il nous faut d'abord le faire auprès de ces millions de jeunes qui seront demain les décideurs de leurs pays. Nous devons nous montrer à la hauteur de cet enjeu. Cela passe d'abord par la mobilité de nos propres étudiants et chercheurs qui doivent pouvoir, quelles que soient leurs filières, quelles que soient leurs origines sociales, bénéficier de formations à l'étranger. C'est le sens de mon soutien aux programmes Erasmus que je veux, avec mes collègues européens, élargir aux filières professionnelles et technologiques.

Nous devons aussi accueillir davantage d'étudiants étrangers, dans des conditions plus favorables. Nous avons aboli la circulaire Guéant, infamie qui restreignait l'accès des étudiants et chercheurs étrangers et ternissait l'image de notre pays, mais il fallait aller plus loin. C'est le sens des actions que j'ai engagées avec les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères, la ministre de la francophonie et la ministre du logement en vue de la mise en place de visas pluriannuels, de la simplification des démarches dans les consulats, de la réhabilitation et de la construction de logements décents. Ces préconisations ont d'ailleurs été rappelées à juste titre dans la proposition de loi de la sénatrice Dominique Gillot et le rapport du député Matthias Fekl.

La France se situe aujourd'hui au cinquième rang mondial pour l'accueil des étudiants étrangers. Mais la qualité de notre offre de formation et de recherche doit nous pousser vers des objectifs plus élevés. Nous occupions encore le troisième rang il y a dix ans, et nous venons de nous faire doubler par l'Allemagne. C'est un enjeu à la fois culturel, linguistique, économique et scientifique.

Si nous accueillons 30 000 étudiants chinois, principalement dans les filières littéraires et commerciales, nous n'avons que 5 500 étudiants coréens, 3 000 étudiants venus de l'Inde – qui compte 1 milliard d'habitants – et trop peu d'étudiants russes. Pourtant, tous ces pays sont attirés par la France, mais ce que l'on nous dit, ce que j'ai entendu moi-même au Brésil, en Corée, en Inde, en Indonésie, en Chine, ce que me répètent les dirigeants d'établissements, c'est que les étudiants, non pas en littérature ou en sciences économiques et sociales, mais en économie, en sciences, en commerce, en ingénierie se heurtent à l'obstacle de la langue. C'est pour cette seule raison qu'ils se dirigent massivement, à qualité universitaire égale, vers les pays anglo-saxons.

Les grandes écoles l'ont bien compris et dispensent depuis longtemps des formations en anglais de spécialité, en contravention aux dispositions de la loi Toubon, sans que personne ne s'en offusque – ce qui est curieux. Six cents formations de cette nature sont assurées dans le cadre des écoles, 190 seulement à l'université, là où se trouvent souvent les jeunes les plus modestes, ceux qui ont moins que les autres bénéficié d'une ouverture internationale.

Il ne s'agit donc en aucun cas de remettre en cause la primauté de l'enseignement en français ou la défense de la francophonie. Il s'agit, au contraire, d'élargir le socle de la francophonie auprès de jeunes, notamment des pays émergents, qui aujourd'hui ne viennent pas dans notre pays. Au nom de quoi se priverait-on de leur talent et des échanges intellectuels, économiques, culturels suscités par leur venue ?

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