Intervention de Vincent Feltesse

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Feltesse, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Permettez-moi tout d'abord de dire quelques mots de remerciements collectifs pour le très intense travail fourni ces derniers mois, ces dernières semaines, ces derniers jours – et même ces dernières nuits. J'adresse également ces remerciements à l'ensemble des services de l'Assemblée nationale.

Ainsi que Mme la ministre l'a rappelé dans son discours introductif, et alors que chacun reproche aux autres, en France, de trop légiférer, il n'existe pas tant de lois que cela dans le domaine particulier de l'enseignement et de la recherche.

Sur l'enseignement supérieur, le projet de loi présenté par Mme Fioraso a été précédé par la loi de Mme Pécresse, et naturellement par la loi d'Edgar Faure de novembre 1968. Sur la recherche, nous avons en tête les lois du début des années 1980 ou plus récemment celle présentée par M. Goulard.

Il existe un paradoxe entre ce faible nombre de textes législatifs et la passion avec laquelle, à chaque fois, cette question de l'enseignement supérieur et de la recherche est abordée. Aujourd'hui, cette passion s'exprime autour de la question de la langue française, à l'article 2 du texte.

Si nous faisons toujours preuve de passion, c'est parce que, dans notre beau pays, l'université se trouve au coeur de la société, de l'organisation des pouvoirs et de l'excellence française.

Au coeur de la société, tout d'abord : rappelons-nous que la France comptait à peu près 250 000 étudiants au début des années 1960, puis 750 000 au début des années 1970, pour atteindre 2,5 millions aujourd'hui.

Concernant l'organisation des pouvoirs, il existe bien sûr une concomitance entre l'émergence des universités – en France, à Paris d'abord puis à Montpellier, et simultanément à Florence et à Oxford – et l'émergence de l'État.

Le XIIIe siècle en France ne commence pas seulement par la bataille de Bouvines, marquant la victoire du royaume de France sur le royaume d'Angleterre, auquel appartenait l'Aquitaine ; il s'agit également du siècle de l'émergence de l'université et de l'État. Ce n'est pas non plus un hasard si le Collège de France, lieu de liberté et de transversalité, apparaît au XVIe siècle, siècle de la Renaissance.

Nous pourrions continuer à égrener ainsi les faits : ce n'est pas un hasard si, au milieu du XVIIIe siècle, émergent les grandes écoles, d'abord fonctionnelles, tels les Ponts et chaussées, avec une volonté de rationalisme et de promotion – je vous renvoie au très beau discours de Carnot sur ce sujet.

Ce n'est pas davantage un hasard si l'École libre des sciences politiques est fondée en 1871, un an après la création de la IIIe République, ou encore si les écoles privées de commerce apparaissent en 1881, et notamment HEC.

Avec ce projet de loi, madame la ministre, nous faisons face à ces trois questions : la société, l'organisation des pouvoirs et l'excellence à la française, symbolisée par les prix Nobel. Je citerai à ce propos le très beau discours du Président de la République prononcé au Collège de France, en votre présence, lors de l'hommage rendu à Serge Haroche.

Concernant l'organisation de la société, je rappellerai encore ce chiffre : la France compte 2,5 millions étudiants aujourd'hui, prochainement 3 millions selon vous, madame la ministre. Aucun autre corps n'a connu un tel bouleversement : en cinquante ans, la population de la France, que l'on sait dynamique, a augmenté de 40 %... et celle des étudiants a été multipliée par huit !

Parallèlement, le taux d'échec en licence est important et s'est même dégradé ces dernières années. Permettez-moi encore une allusion aux années 1960 : en 1964, Pierre Bourdieu publiait Les héritiers – Les étudiants et la culture. Si nous devions refaire, cinquante ans plus tard, le même livre, le constat serait bien plus accablant : l'université ne permet pas la promotion, elle renforce bien au contraire les inégalités sociales.

Le présent projet de loi vise donc la réussite étudiante. Il y a concomitance entre le projet de loi sur la refondation de l'école défendu en ce moment même au Sénat par Vincent Peillon, qui consacre les moyens en priorité à l'école primaire parce que c'est à ce stade que le décrochage intervient, et le présent texte, qui se concentre sur la licence parce que c'est là que les inégalités apparaissent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion