Intervention de Patrick Bloche

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Je tenais à souligner cette continuité et cette cohérence dans toutes les étapes de la formation des jeunes générations. Ainsi, cette semaine, de l'école à l'université, le Parlement est entièrement mobilisé pour donner un sens et une dimension législative à cette priorité à la jeunesse qui ne peut que nous rassembler.

Ce n'est pas mon rôle de rappeler dans cet hémicycle les dispositions du projet de loi alors que cela a été excellemment fait par la ministre et par nos rapporteurs. Je me contenterai donc de mettre l'accent sur la philosophie générale du texte, qui nous donne les moyens de faire le pari de la réussite étudiante en partant de deux principes essentiels : l'ouverture et le décloisonnement.

C'est à la fois un pari et une attente, alors même que les effectifs étudiants ont considérablement augmenté dans notre pays au cours des dernières décennies. C'est donc en conséquence que nous devons poursuivre un objectif majeur : réduire de façon significative le taux d'échec en premier cycle universitaire. L'orientation prévue en amont, dès le lycée et jusqu'à l'université, va dans ce sens. L'ambition portée par le projet de loi de simplifier et de clarifier le dispositif d'enseignement supérieur et de recherche y participe également.

Ce texte, rappelons-le, est le fruit de la large concertation mise en oeuvre par les assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui ont visé à associer l'ensemble des forces vives du pays. Notre travail a été également et utilement nourri par le rapport de Jean-Yves Le Déaut, sollicité par le Gouvernement pour réfléchir à ces questions.

Enfin, permettez-moi de saluer ici, au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, la contribution majeure de notre rapporteur Vincent Feltesse qui, dans un calendrier quelque peu serré, avouons-le, a su, après de larges auditions, effectuer un travail très approfondi d'expertise sur ce texte et en conséquence rédiger des amendements aussi utiles que nécessaires. Qu'il en soit ici remercié, tout comme les deux rapporteurs pour avis Christophe Borgel et Olivier Véran.

Pour évoquer devant la représentation nationale toute la portée de ce projet de loi, il n'est pas inutile de rappeler plusieurs dispositions contenues dans les quelque quatre-vingt-dix articles que compte désormais le texte issu de la commission. Car, reconnaissons-le, le débat s'est quelque peu focalisé sur un seul article, dont je ne saurais naturellement réduire les effets, avec le risque cependant de masquer la richesse du texte dont nous sommes amenés à débattre aujourd'hui.

Parlons donc, pour ne pas parler que de cela, de l'article 2 du projet de loi et de la faculté qu'il offre de dispenser, sous certaines conditions, dans nos établissements d'enseignement supérieur des cours en langue étrangère – et, j'insiste sur ce point, pas seulement en anglais. Ayant été il y a quelques années déjà nommé parlementaire en mission pour réfléchir à la place internationale de la France et de la francophonie dans la société de l'information, et étant par ailleurs membre de l'Assemblée parlementaire de la francophonie et me mobilisant régulièrement, aux côtés notamment de nos amis québécois, pour promouvoir la langue française, je suis comme beaucoup d'entre vous particulièrement sensible à ce sujet. Mais je n'ai jamais – je dis bien : jamais – considéré notre langue comme une forteresse assiégée. Au contraire, à l'ère numérique qui est celle du plurilinguisme, je crois plus que jamais à sa force et à son attrait.

C'est donc en cohérence que je considère comme indispensable aujourd'hui de dispenser aux étudiants français des cours en langue étrangère, et évidemment en anglais, leur permettant d'être au niveau des autres étudiants européens, afin de leur donner les acquis nécessaires pour répondre aux défis du temps présent.

Dans la même démarche, je pense tout aussi fondamental d'accueillir de nombreux étudiants venant de pays étrangers et qui, dans un premier temps, ne maîtrisent pas suffisamment notre langue pour suivre un cursus uniquement en français. En poursuivant cet objectif qui est au coeur de l'article 2, nous portons de manière positive et offensive la légitime ambition de promouvoir la francophonie et la langue française.

Aussi ai-je présenté en commission un amendement visant à prendre en compte les inquiétudes qui s'étaient d'ores et déjà manifestées et à montrer qu'au contraire il était possible de faire de cette dérogation un vecteur efficace de la francophonie, en inscrivant dans la loi le principe selon lequel les étudiants étrangers bénéficieront d'un apprentissage de la langue française et que leur niveau de maîtrise de cette langue sera pris en compte pour l'obtention de leurs diplômes. L'article 40 de la Constitution m'avait contraint à n'évoquer, dans mon amendement initial, qu'une initiation et je vous remercie, madame la ministre, d'avoir levé cet obstacle lors du travail en commission en proposant vous-même le terme plus ambitieux d'apprentissage. Le vote de cet amendement, à l'unanimité de la commission je le signale, nous procure je le crois une rédaction équilibrée de l'article 2 qui nous rassemble largement, sur tous les bancs de l'Assemblée.

D'une manière plus générale, je crois que la volonté que vous avez affichée, madame la ministre, avec le ministre de l'intérieur, de réserver un meilleur accueil aux étudiants étrangers participe d'une action globale, cohérente et essentielle en faveur du rayonnement et du développement de notre pays. Je me félicite ainsi de l'annonce qui a été faite d'une généralisation du titre de séjour pluriannuel et de la prise en compte de la durée des études dans sa délivrance, ainsi que des autres mesures visant à faciliter la vie des étudiants étrangers dans notre pays. Il n'était que temps. Mais c'est un échange que nous poursuivrons dans cet hémicycle le 13 juin, lors d'un débat qui sera spécifiquement consacré à cette question.

Le débat en commission, vous l'avez compris, a été riche et constructif, encore ce matin au titre de l'article 88, et nombre d'amendements parmi les près de huit cents déposés et débattus ont permis d'enrichir le projet de loi. Votre présence active et si utile en commission, madame la ministre, a facilité cet échange et je tenais à vous en remercier.

Nous avons notamment travaillé sur la place des IUT, sur la prise en compte du rôle important joué par les régions, sur la logique de la cotutelle ou sur la bonne gouvernance des universités.

La question d'une meilleure reconnaissance du doctorat nous a opportunément mobilisés. Elle devrait pouvoir s'accompagner de l'ouverture de l'accès à certains grands corps ou au concours interne de l'ENA. Je sais que le rapporteur y est sensible et nous aurons utilement ce débat. La question de la définition des stages en milieu professionnel est régulièrement soulevée. Elle touche au code du travail et je vous remercie par avance, madame la ministre ou monsieur le rapporteur, de la réponse que vous pourrez apporter à cette attente exprimée dans de nombreux amendements, attente qui subsiste à cette heure.

Nous avons eu l'occasion d'évoquer les questions d'ordre budgétaire. Il s'agit naturellement d'un enjeu essentiel dont nous ne pouvons évidemment faire abstraction, même si nous sommes amenés à débattre d'une loi d'orientation et non de programmation. Il en est de même pour les conditions de vie des étudiants. L'idée d'un Livre blanc, si militaire dans son essence, tout au moins dans cet hémicycle, défendue avec conviction et détermination par le rapporteur, a fait son chemin et s'est finalement imposée.

Tout ne relève pas de la loi, nous le savons, mais ce texte pose les bases d'un projet politique ambitieux et volontaire permettant à l'enseignement supérieur et à la recherche d'être plus que jamais en mouvement pour relever les défis sociaux, économiques et scientifiques auxquels notre pays est confronté. Rappelons ici que c'est la première fois qu'un projet de loi est consacré à la fois à l'enseignement supérieur et à la recherche. Nous y voyons, là encore, l'empreinte de l'ouverture et du décloisonnement portés de façon si pertinente par ce texte. C'est, j'en suis convaincu, cette convergence qui permettra une meilleure réussite. Vous pouvez, madame la ministre, compter sur nous – c'est-à-dire sur les députés de la majorité – pour y contribuer pleinement tout au long de ce débat et au-delà.

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