Intervention de Geneviève Fioraso

Séance en hémicycle du 24 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Article 38, amendement 183

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

En tout cas, vouloir supprimer ce projet de loi prouve bien qu'il signifie quelque chose et qu'il gêne.

Le changement se fait sans inutile brutalité ni idéologie à tous crins : il faut être utiles aux territoires et aux jeunes, à un moment où notre histoire l'exige.

Cet intérêt général peut nous rassembler sur certains thèmes, comme l'a montré tout à l'heure M. Gomes sur un sujet qui lui tenait à coeur. Mais il ne faut pas raconter n'importe quoi et dénigrer ou s'opposer systématiquement. In fine, cette opposition perd sa crédibilité.

Les regroupements relèvent du bon sens. Nous sommes un pays d'un peu plus de 60 millions d'habitants et nous avons de la place pour une trentaine de regroupements qui auront une vraie légitimité, parce qu'ils seront liés à l'État par un contrat et avec des objectifs. L'argent public doit être utilisé au mieux des intérêts généraux, surtout quand il s'agit du troisième budget de l'État, après la dette et la sécurité sociale, soit près de 24 milliards d'euros – ce qui n'est pas rien en cette période. C'est pourquoi, à terme, des contrats doivent lier ces trente regroupements qui donneront une plus grande visibilité à nos universités. Ils ne seront pas fondés sur un principe de composition dont on voit cruellement les limites à l'échelle de notre territoire : nous sommes des pastilles vues de Shanghai. Nous devons regrouper nos forces, être davantage lisibles et favoriser la coopération au lieu d'une compétition qui ne rime à rien. Il doit bien sûr exister une certaine émulation, mais elle est le fait des chercheurs mêmes : c'est la curiosité qui les pousse à l'émulation, le désir d'aboutir et de progresser. Les appels à concours, pour les appeler ainsi, sont, dans notre pays, une dépense d'énergie inutile.

Tel est le sens des regroupements qui vont réunir l'ensemble des interlocuteurs de toutes tailles et de toutes composantes, au service de l'intérêt général, et ce en toute responsabilité. Certains préféreraient échapper à ces responsabilités ; mais l'on ne peut pas revendiquer une liberté totale dans certains domaines et fuir les responsabilités. Il faut savoir les assumer et prendre des décisions, les confronter aux orientations nationales, afin de faire progresser tous ensemble le pays.

Mme Laclais, dans la droite ligne de notre échange sur les IUT, revendiquait avec raison le fait d'être partie prenante d'un projet territorial mais relié à des objectifs nationaux et à une Europe qui nous permet d'être représentés à une échelle plus crédible afin de continuer à être présents dans le monde pour témoigner de l'excellence de notre recherche, de l'excellence de son transfert qui transforme l'invention en innovation – soit en emplois et en solidarité nationale –, et de déployer tous les talents de nos territoires.

Mes propos se sont un peu éloignés des amendements, mais il faut savoir parfois recentrer nos objectifs et rappeler quel pays nous voulons et dans quelle dynamique nous voulons nous inscrire.

Si j'ai rapidement évoqué les universités « de Bordeaux » ou « de Lyon », c'était pour insister sur le terme « université », chère Bernadette Laclais, et non pour conclure au choix d'un nom, celui de la métropole. Je respecte l'autonomie et je me garderais bien d'indiquer quel doit être le nom final. Je vous fais confiance. Il sera du ressort des conseils d'administration, sur le terrain, de choisir des noms qui permettent, non pas de détailler l'ensemble du territoire, mais de donner une vraie visibilité et de faire en sorte que chacun se sente tout simplement à l'aise avec ce nom, pour le revendiquer au titre des investissements consentis, tant humains que financiers. Cela se fera au service de l'intérêt général et du développement du territoire.

Pour répondre plus précisément aux questions qui ont été posées, sachez que le projet que crée le regroupement doit être voté par le conseil d'administration de chacun des membres du regroupement, quelle qu'en soit sa forme. Nous ne contraignons pas en effet les territoires à organiser des fusions à marche forcée, comme cela a pu se faire entre deux tours d'élection – il y avait là un évident manque d'élégance mais surtout de temps nécessaire à un véritable regroupement fait par le coeur, la raison et l'intelligence. Dans les regroupements que nous préconisons, nous avons instauré la souplesse, qui permet aux territoires de faire leur choix, en fonction de leurs spécificités, de leurs forces et de leur maturité également.

On ne parvient pas spontanément à une fusion : regardons par exemple la fusion Aix-Marseille, la seule qui prévale dans cette région comprenant onze communautés de communes et douze autorités de transports – qui oublient de desservir le plus grand site mondial de recherche avec le projet ITER. Contrairement à la parité, l'Université, là, a montré la voie, et ce regroupement Aix-Marseille est exemplaire. N'oublions pas qu'il est le fruit de quinze ans de travail. On ne parvient pas à des regroupements à structure unique, à modèle unique, en claquant des doigts : un travail sur le terrain est toujours nécessaire.

De même, la dénomination et les statuts du regroupement seront mûris et réfléchis, actés et décidés par les membres des conseils d'administration. Il faut, une nouvelle fois, faire confiance aux territoires. C'est pourquoi je m'engage, au nom du Gouvernement, à ne plus jamais agir comme sous le précédent quinquennat, c'est-à-dire conditionner des financements de plans structurants à un mode de regroupement préconisé par l'État. Une telle attitude n'est ni responsabilisante, ni déontologique : je m'engage à refuser ce type de méthodes qui n'est pas conforme à l'intérêt général.

D'aucuns ont évoqué la destruction des PRES. C'est faux. Les PRES n'ont pas fait toutes leurs preuves, quand leur idée était bonne, parce qu'ils n'ont pas été suffisamment responsabilisés. Un PRES sans contrat avec l'État témoigne, quelque part, d'une impuissance. Cela, les conseils d'Université le savaient bien et ils ont tenté de contourner les PRES. Nous aurons des regroupements liés par un contrat solide avec l'État, afin de leur donner plus de force. Cela suppose en effet que chacun joue le jeu et s'inscrive dans l'état d'esprit de l'intérêt général.

Le projet de loi a tiré des conclusions sur l'insuffisance des PRES, mais il va également s'appuyer sur les progrès réalisés. Je ne suis pas sectaire et je suis capable de reconnaître les évolutions liées à la mise en place de ces structures suite aux avant-dernières Assises. Mais il faut avancer et aller plus loin. Chacun est invité à prendre part à cette marche en avant, indispensable au développement et au redressement de notre pays.

Je voulais, dans cette intervention peut-être un peu longue, remettre à plat le cadre de ce projet de loi et de ses organisations qui sont tout sauf bureaucratiques, puisqu'elles sont totalement adaptables à la structure et aux projets des territoires. Elles répondent à la liberté et à la responsabilité des universités, tellement malmenées ces dernières années, tant sur le plan financier que sur celui des projets et sur les plans psychologique et humain. Je suis sûre que vous êtes régulièrement mis face à ces dégâts par les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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