Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 28 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

À cette fin, il est nécessaire de garantir la pluralité et la liberté des recherches, de permettre à la société de questionner les scientifiques et d'aider les citoyens à devenir des acteurs du développement des connaissances.

Cette évolution suppose un tissu de recherche dynamique, indépendant des intérêts économiques. L'accès aux connaissances doit être pleinement ouvert, ce qui ne sera possible que par une démocratisation complète de l'accès à l'enseignement supérieur, hors de toute contrainte d'origine socioculturelle, de ressource ou d'âge.

Les personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche et les étudiants attendaient une rupture politique nette avec l'arrivée d'une nouvelle majorité. Or, mise à part l'abrogation de la délirante circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, aucun signe fort n'a été donné durant la première année de la législature.

Le budget 2013 n'a touché ni au crédit d'impôt recherche, ni aux structures porteuses du grand emprunt, et a à peine réduit les montants confiés à l'Agence nationale de la recherche.

Les conclusions des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche comportaient portant nombre d'éléments pertinents : la lutte contre la précarité, la simplification de l'administration, la pédagogie à l'université, l'aide sociale aux étudiants, le dialogue entre science et société, une meilleure reconnaissance du doctorat, la limitation stricte du financement sur projet et bien sûr l'urgence des besoins humains et financiers.

Chacun espérait que ces conclusions formeraient l'ossature de la grande loi d'orientation promise par le candidat Hollande, à défaut de la loi de programmation dont le pays a besoin mais dont le principe a très tôt été écarté.

Votre loi, madame la ministre, malgré quelques timides avancées, constitue surtout une grande déception tant elle fait l'impasse sur les vrais problèmes. Les quatre objectifs affichés du texte étaient la réussite de tous les étudiants, un nouvel élan pour la recherche, la réduction de la complexité institutionnelle et le rayonnement international.

Durant les débats, certains amendements écologistes ont été adoptés. Ils concernent le handicap, l'accès libre aux données et la priorité aux formats libres d'accès, le renforcement des liens entre science et société, la lutte contre les abus en termes de recours aux contrats et surtout le rappel qu'en cas d'association entre des établissements publics et privés, les établissements privés ne peuvent utiliser le titre d'université et délivrer les diplômes nationaux.

Cependant, les points durs qui avaient justifié les principales critiques des écologistes n'ont pas évolué.

La gouvernance des futures communautés d'universités et d'établissements reste inchangée, et nous observons même un recul de la démocratie universitaire.

Les conseils d'administration de ces communautés pourront être composés d'une minorité d'élus au suffrage parfois indirect, et d'une écrasante majorité de directeurs d'établissements et de personnalités extérieures. Or ces communautés se verront transférer de nombreuses compétences. Nous demandions que ces conseils soient au moins composés de 50 % d'élus au suffrage direct, mais nous n'avons pas été écoutés.

Le Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur n'a que très peu évolué dans ses missions et pas du tout dans sa composition. Il reste une copie très similaire de l'ancienne Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, ou AERES, tant décriée par les scientifiques.

De plus, le flou entre les établissements publics et privés ainsi qu'entre les diplômes nationaux et d'établissements reste très fort, en dépit du vote de notre amendement concernant les associations d'établissements. La distinction entre le master, qui est un diplôme national délivré uniquement par les universités, et le grade master, qui est un diplôme d'établissement délivré par de nombreux établissements publics comme privés, va disparaître.

Enfin, l'inscription du transfert dans les missions de l'enseignement supérieur n'a pas disparu, même si elle a été nuancée. La question du lien entre enseignement et transfert vers le monde économique des résultats de la recherche n'a pas été éclaircie. Cette recherche est donc de plus en plus orientée vers le seul monde économique, au détriment de la recherche fondamentale et des sciences humaines et sociales.

Les politiques menées ces dernières années étaient élaborées selon les mêmes principes. Pour le président Nicolas Sarkozy, il s'agissait de garantir l'utilité économique des travaux de la recherche, et d'assurer l'efficience de la dépense publique par la mise en concurrence. Ce principe suppose que l'innovation puisse être garantie avant même le début des travaux de recherche.

Cette vue de l'esprit est fausse et dangereuse. Le meilleur exemple en est la révolution numérique que nous traversons : les chercheurs qui imaginaient Internet en 1960 n'avaient jamais envisagé les conséquences actuelles de leurs travaux.

Les plus grands apports des chercheurs à notre économie ne sont pas le fruit d'un transfert ordonné d'en haut, mais issus de l'imagination fertile des chercheurs sur le terrain.

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