Intervention de Ricardo Madeira

Réunion du 26 septembre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Ricardo Madeira, représentant la CFDT :

Merci de nous recevoir et d'écouter ce que la CFDT a à dire sur les annonces faites cet été par PSA.

Le rapport de M. Sartorius ne recèle aucun scoop. Il présente néanmoins l'avantage de lever certains doutes qui planaient sur le dossier PSA et sur les finances du groupe. La CFDT attend maintenant le rapport de l'expert mandaté par le CCE.

La situation de PSA est sérieuse et ce plan, comme d'ailleurs l'accord avec General Motors, vient sanctionner en catastrophe les impasses d'une stratégie contrainte par une gestion patrimoniale familiale, dans un contexte et sur un secteur automobile en pleine mutation. La priorité accordée aux actionnaires et aux rachats d'actions a conduit à faire l'impasse sur les investissements nécessaires au développement du groupe PSA à travers le monde. Pourquoi la France ne se doterait-elle pas d'une fiscalité sur les bénéfices qui augmente avec le versement des dividendes, et diminue avec les investissements dans l'outil productif ?

Outre les erreurs stratégiques de l'entreprise, tant dans le positionnement que dans son développement à l'international, il semble bien que la volonté de fermer le site d'Aulnay ait été actée depuis 2009, date à laquelle PSA, suite à une aide financière de la région madrilène, a décidé de produire la Citroën E3. Mais que l'on soit clair : l'acte coupable n'est pas de choisir un site par rapport à un autre, c'est de connaître la mort d'un site et de ne pas l'annoncer ! Quelles possibilités supplémentaires nous pourrions avoir, en France, si nous savions anticiper les difficultés ! L'exemple de Bosch Vénissieux montre que c'est possible.

Par ailleurs, la question de l'avenir du site de Rennes reste entière. Aucun scénario n'existe sur ses perspectives à moyen et long terme. Le site héritera-t-il, dans le cadre de l'alliance passée avec GM, de modèles de la plate-forme du constructeur américain ? Pour quels volumes de production et quand ?

Une rencontre avec nos amis syndicalistes américains de l'UAW le mois dernier a permis aux syndicats de s'organiser au niveau mondial pour que cette alliance ne se fasse pas contre les salariés mais bien avec eux. Le syndicat de GM n'a guère plus d'informations que nous, mais les choses sont en cours. Des syndicalistes brésiliens de la CNM-CUT et de Forza Sindical nous ont appris qu'une usine commune GM-PSA allait bientôt voir le jour. Des rencontres avec les syndicats d'Opel sont d'ores et déjà prévues.

Ce plan ressemble davantage à une opération de « sauve-qui-peut » basée sur des économies qu'à une rationalisation basée sur un diagnostic et sur des mesures visant à accroître l'efficacité de l'entreprise.

On ne raisonne qu'au niveau de l'Europe. Or si les constructeurs allemands, dont Volkswagen, utilisent mieux leurs capacités, c'est aussi parce qu'ils exportent. Un examen détaillé des possibilités, de la stratégie et des essais de PSA en matière d'exportation doit être mené et documenté.

Ce plan ne présente pas de stratégie pour contrebalancer la forte dépendance du groupe vis-à-vis des pays du Sud. De ce point de vue, la montée en gamme – avec la ligne DS de la marque Citroën, vantée par ailleurs – devrait être l'un des leviers pour conquérir l'Europe du Nord et développer l'exportation à partir de l'Europe, et donc de la France.

Les effectifs sont réduits de façon arbitraire. Pour les justifier, on se base sur des comparaisons avec nos compétiteurs. Mais il s'agit bien de couper dans les effectifs et de réduire les coûts sans engager de réflexion sur l'organisation de la structure sociale. Le mode de calcul des « sureffectifs » reste obscur et on ne sait rien des compétences à conserver et à faire évoluer. Dans l'électrique et l'électronique, de nombreux emplois sont supprimés. Mais de manière plus générale, on ne sait pas pourquoi tel ou tel type d'emploi a vocation à être supprimé.

Cette réduction des effectifs touche pour moitié la R & D, sans qu'on connaisse pour autant clairement les ambitions et les objectifs de la R & D de PSA, en propre comme dans le cadre de l'alliance. Quelles conséquences cela aura-t-il sur l'hybride, après la rupture avec BMW, sur l'électrification des véhicules, sur les motorisations et sur l'allégement des véhicules ?

Peut-être certains des effets de l'alliance ont-ils été d'ores et déjà intégrés dans le plan. Quand nous posons la question, personne ne nous répond. Quoi qu'il en soit, on peut craindre qu'une deuxième vague de réduction d'effectifs, qui pourrait toucher d'autres fonctions – comme, par exemple, les achats – n'intervienne quand tous les effets liés aux décisions de l'alliance auront été évalués.

Quelles conséquences auront les départs sur les conditions de travail des salariés maintenus en poste ?

Quel est le bilan du Plan de performance 2012, destiné à faire des économies ? On peut s'interroger sur la réussite de ce plan, au vu de la faiblesse des départs volontaires.

Toutes ces questions restent en suspens et pour l'heure sans réponse. Le rapport de M. Sartorius le confirme : il y a du dialogue social chez PSA sur la forme, mais pas sur le fond.

Nous avons remarqué par ailleurs que la question du coût du travail et de la compétitivité n'avait pas été abordée dans le rapport de M. Sartorius. C'est la preuve que le problème ne réside pas dans le coût du travail, mais bien dans le coût du capital.

Des solutions alternatives, industrielles et humaines, existent. Elles consisteraient à créer de nouveaux emplois dans des activités en lien avec le développement durable – l'électrique, le gaz, la déconstruction, le recyclage, etc. – pour soutenir toute la filière automobile.

Depuis 2003, la CFDT s'est engagée dans la reconnaissance des pénibilités subies tout au long de la carrière professionnelle. Ne vaudrait-il pas mieux ouvrir une négociation avec les partenaires sociaux, l'entreprise et des sous-traitants, afin de pouvoir faire partir des salariés usés par l'intensification du travail ? En contrepartie, l'entreprise s'engagerait à embaucher des salariés dans la filière automobile. Cela relève de sa responsabilité sociale.

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