Intervention de Jean-Pierre Mercier

Réunion du 26 septembre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean-Pierre Mercier, représentant la CGT :

Pour comprendre ce qui se passe chez Peugeot, il faut avoir conscience que la décision de fermer l'usine d'Aulnay, pour ne parler que d'elle, remonte à plusieurs années, avant même février 2010, lorsqu'elle fut actée en comité de direction générale, au niveau du groupe. Cela signifie que l'argumentaire déployé aujourd'hui par Peugeot, M. Sartorius et d'autres, sur le fait que la santé financière du groupe serait fragile, est contestable. Le groupe a en effet enregistré en 2010 un record historique de ventes au niveau mondial et en 2011 il en a été de même, à 45 000 véhicules près, en raison du tsunami japonais.

PSA avance par ailleurs que ses ventes de véhicules au premier semestre de 2012 ont reculé de 240 000 unités. Il oublie de préciser – ou écrit en tout petit – qu'au premier semestre de 2012, il a été interdit de vente sur le marché iranien. Or c'était son deuxième marché : 450 000 véhicules à l'année, soit 225 000 véhicules tous les six mois. On comprend donc que, normalement, il aurait dû vendre, pendant ce deuxième semestre, 200 000 véhicules environ à l'Iran et qu'en conséquence, le recul qu'il met en avant n'aura été que de 40 000 véhicules. Cela ne suffit pas à justifier qu'il faut fermer Aulnay et licencier 1 400 salariés à Rennes.

Le rapport Sartorius, on l'a dit, reprend 99 % des arguments de Peugeot. Il est donc normal qu'il aboutisse aux mêmes conclusions.

Certes, on doit pointer du doigt les 6 milliards d'euros qui ont été versés aux actionnaires sous forme de rachats d'actions ou de dividendes, et qui auraient dû être réinvestis dans l'entreprise. Pour autant, est-ce aux salariés de payer la note ? Nous ne le pensons pas.

Y a-t-il eu des erreurs de stratégie ? Je ne pourrais pas vous dire s'il fallait ou non, par exemple, poursuivre notre coopération avec Mitsubishi. Nous n'en savons rien, dans la mesure où nous n'avons pas voix au chapitre concernant la stratégie du groupe. On nous demande simplement de travailler huit heures par jour sur les chaînes de production. Là encore, devons-nous payer la note parce qu'au plus haut niveau, on s'est trompé ? Nous ne sommes pas d'accord. C'est aux responsables de payer.

M. Sartorius a étudié la situation du groupe en se cantonnant à la branche de la production automobile, la branche PCA, qui a été mise artificiellement en déficit au premier semestre 2012. Il ne s'est pas penché sur sa situation bancaire, ni sur la situation de Gefco, son prestataire logistique, ni sur celle de Faurecia, son fournisseur officiel. Or ces trois branches font de gros bénéfices. Comment peut-on imaginer que, dans ces conditions, le groupe soit en déficit ?

On peut rapprocher ses 3 milliards de dettes à ses 14 milliards de fonds propres et à ses 64 milliards de chiffres d'affaires. Les dirigeants grecs se satisferaient d'un tel rapport de sous-endettement ! On ne peut donc pas dire que Peugeot soit surendetté. Sa situation financière est extrêmement saine. Pourtant, le groupe a fait le choix de racheter un milliard de dettes sur les trois. Mais il ne l'a fait que pour mettre en déficit sa branche automobile afin de pouvoir expliquer à l'opinion publique le bien-fondé de la fermeture d'Aulnay et des 1 400 licenciements de Rennes.

Ce groupe privé a par ailleurs reçu des milliards d'aides publiques – subventions, crédit impôt recherche, etc. – dont le ministre Montebourg lui-même n'était pas en mesure de quantifier le montant. Elles lui ont été versées à fonds perdus, sans aucune contrepartie de maintien dans l'emploi. Comment le justifier ?

Nous avons obtenu la tenue d'une réunion tripartite. Tout le monde était d'accord : les pouvoirs publics, la direction de Peugeot et les syndicats. Mais Peugeot attend de cette réunion que vous mettiez à nouveau la main à la poche, que vous posiez sur la table d'énormes subventions publiques pour pouvoir fermer Aulnay et licencier les 1 400 camarades de Rennes sans avoir à débourser pratiquement un seul centime.

De notre côté, nous avons l'intention de demander aux pouvoirs publics, comme nous l'avons demandé à François Hollande, de bloquer le plan de licenciement qui sera réactivé mi-décembre. Nous ne pouvons pas imaginer de négocier le couteau sous la gorge.

Le cheval de bataille du Gouvernement est la lutte contre le chômage. Nous sommes bien évidemment tout à fait d'accord avec lui : il faut alors arrêter l'hémorragie des licenciements. À ce propos, Philippe Varin a promis à Jean-Marc Ayrault qu'il n'y aurait pas de licenciements secs. Mais comment peut-on lui faire confiance ? Pendant treize mois, il a menti sans état d'âme aux commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale, aux syndicats, aux salariés et à la France entière. Pour montrer que ce n'est pas un mensonge, écrivons dans un accord tripartite, signé par Peugeot, les syndicats et les pouvoirs publics, qu'il n'y aura effectivement pas de licenciements secs. Mais comment faire pour que personne ne se retrouve à Pôle Emploi ?

Bien sûr, des propositions existent. Par exemple, il reste à produire 450 000 C3, qui est la voiture la plus vendue dans le groupe. La produire sur le site d'Aulnay ne coûterait pas un centime à l'État ni à Peugeot et assurerait du travail à ses salariés jusqu'à la fin de 2016. Pourquoi la direction a-t-elle choisi de faire une croix sur Aulnay ?

Les syndicats ont choisi de ne faire une croix ni sur Aulnay, ni sur les 1 400 postes de Rennes. Beaucoup veulent nous enterrer vivants. Nous sommes un certain nombre à ne pas vouloir nous laisser faire. Nous interpellons les pouvoirs publics pour qu'ils interviennent et prennent le dossier en main, afin que le plan de licenciement soit réactivé mi-décembre et que l'on se mette sérieusement à négocier autour de la table.

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