Intervention de Philippe Darmayan

Réunion du 13 mars 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Philippe Darmayan, président de la Fédération française de l'acier :

En matière de lutte contre le changement climatique, la France est plus en pointe que la moyenne européenne. Cela fait partie des sujets qui se posent à l'industrie de l'acier.

Prenons le projet ULCOS (ultra-low carbon dioxide steelmaking), initiative stratégique de long terme lancée par Guy Dollé en 2004-2005 pour réduire de 50 % les émissions de CO2. L'industrie européenne tout entière s'est fédérée pour trouver des solutions. Sur les quatre-vingts projets examinés, on en est maintenant à trois ou quatre, dont celui que l'on voulait expérimenter à Florange. Mais aucun ne peut être qualifié de no regret move, c'est-à-dire de changement ne détériorant pas la compétitivité : quel que soit le projet retenu, celle-ci se trouvera dégradée de façon importante. Par exemple, l'injection de CO2 dans le sol coûte 100 euros par tonne alors que le prix de l'acier est à 500 euros. Si nous adoptons ce procédé uniquement en France, sans être suivis au plan mondial, nous mourrons. Non qu'il faille abandonner cette perspective : il convient au contraire de poursuivre les recherches pour en faire un no regret move, soit que les techniques pour réduire les émissions de 50 % permettent de rester compétitif, soit qu'un consensus mondial s'établisse autour de tels engagements.

ArcelorMittal s'est engagé à poursuivre la recherche jusqu'à l'horizon 2016. C'est une bonne chose, mais n'allons pas plus vite que la musique : il faut tenir compte de la crise que connaît le système productif.

Le commissaire Tajani comprend la nécessité de marier la défense du consommateur et la promotion de champions industriels. Cette écoute est importante, reste à savoir si elle aboutira à des décisions concrètes. Étant donné la répartition des compétences, nous devons travailler également avec le commissaire à l'action pour le climat. Nous comptons sur l'appui du ministre pour arriver à des mesures concrètes.

L'Association mondiale de l'acier peut jouer un rôle dans l'élaboration d'un consensus sur la réduction des émissions de CO2 par l'industrie sidérurgique. Deux méthodes sont possibles : soit on impose de façon autoritaire un certain pourcentage de réduction, soit on se fonde sur le benchmark pour définir les meilleures pratiques mondiales. À l'évidence, l'Association mondiale de l'acier est à même de mener cette seconde politique.

La recherche dans notre domaine est plus européenne et mondiale que française. Mais les centres de recherche situés en France jouent un grand rôle dans les groupes internationaux, qu'il s'agisse de ceux d'ArcelorMittal à Maizières-lès-Metz et à Montataire, de celui d'Aperam à Isbergues, de celui de Vallourec ou, pour l'aluminium, de celui de Voreppe. Les capacités intellectuelles y sont considérables et ils ont beaucoup de réalisations à leur actif. Le centre de Montataire, par exemple, a permis toutes les avancées en matière d'automobile, en liaison avec celui de Maizières-lès-Metz.

La France dispose en outre d'universités et d'universitaires de très grand talent. La matière existe. On ne peut que la développer, tant sous l'aspect des marchés que sous celui du développement durable.

En matière de négoce, les principaux acteurs sont ArcelorMittal et Klöckner, suivis par un grand nombre de plus petites structures. Les prix étant à la baisse, les négociants souffrent également. On assiste à de nombreuses restructurations et fermetures dans ce secteur qui, d'une certaine manière, réalise ainsi sa modernisation. La répartition des sites correspondait à un réseau routier rudimentaire. Après les progrès considérables effectués dans ce domaine, il est clair que le rayon d'action d'un marchand de fer s'étend. ArcelorMittal dispose de sites importants à Reims, à Yutz et à Saint-Nazaire, Klöckner à Paris. Les restructurations en cours permettent un rayonnement plus large. Dans ce business model, les usines livrent les grands clients, notamment ceux de l'automobile, tandis que le négoce approvisionne les marchés plus diffus, notamment celui de la construction. Le marché de la mécanique est dans l'entre-deux : les grands mécaniciens comme les fabricants de remorques de camions peuvent être livrés en direct, mais si un producteur n'a pas la capacité de couper l'acier, il s'adresse au négoce.

Je ne peux apporter de réponse globale à votre question sur le chômage partiel. Chaque entreprise est dans une situation particulière. En règle générale, les politiques d'emploi dans le secteur sont marquées par une très grande prudence. Nous nous efforçons d'avoir une flexibilité nous permettant de faire face à des baisses de charge de 10 à 15 %. La structure de la pyramide des âges et le recours à l'intérim permettent d'éviter le chômage partiel en dehors des crises. Il y a eu des périodes importantes de chômage en 2008. Aujourd'hui, il n'existe pas de préoccupation majeure en la matière, ce qui permet aux groupes qui restructurent de reclasser l'ensemble des personnels.

Pour ce qui est du CNI, ce n'est trahir aucun secret que d'affirmer que le ministre souhaite y créer une filière incluant la sidérurgie, l'aluminium, le ciment et le verre. Nous soutenons cette idée à laquelle le cabinet travaille.

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