Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire combien nous sommes heureux de vous recevoir à la commission des affaires européennes. Votre fonction fait de vous notre interlocuteur permanent et privilégié. Votre expérience, tant parlementaire que ministérielle, vous dispose à nous écouter ; sachez que, en retour, notre commission fera tout ce qu'elle peut pour vous apporter son concours et son éclairage.
L'actualité européenne est, comme toujours, brûlante. D'abord, dans le domaine économique et financier, le dernier conseil Écofin, qui s'est tenu vendredi dernier, a dû faire avancer le projet d'union bancaire, et nous souhaiterions être informés de ses progrès et des questions, notamment institutionnelles, qu'il soulève.
Nous souhaiterions en parallèle savoir où en sont de leur plan de redressement les États en grande difficulté que sont la Grèce, l'Irlande et le Portugal. La situation intérieure de ces pays est en effet de plus en plus dégradée. Ainsi, en Grèce, où non seulement la grande misère progresse, des abus policiers choquants ainsi que la montée d'Aube dorée, sont des causes de préoccupation. Quelle est la perspective d'avenir pour ces pays ? Quelle sortie de crise envisager ? Vous ne pourrez peut-être pas nous apporter des réponses dans l'immédiat, monsieur le ministre, mais nous aurons tout de même à dialoguer sur la situation de ces États.
Le Conseil du 22 mai doit traiter prioritairement des deux sujets essentiels que sont la lutte contre l'évasion fiscale et la politique énergétique. Que pouvez-vous nous dire sur les travaux préparatoires ? S'agissant de l'évasion fiscale, nous avons noté l'évolution positive de la position du Luxembourg ainsi que les réticences réaffirmées de l'Autriche à abandonner le secret bancaire. Sur ce sujet sensible, il semble enfin possible d'avancer au niveau de l'Union. Pouvez-vous faire un point sur les positions actuelles de nos partenaires européens ? Je me permets de rappeler que, parmi les grands paradis fiscaux, il en est un qui a pour nom la City et dont on ne parle pas souvent.
En matière fiscale, comment le Gouvernement entend-il faire progresser la question centrale de l'harmonisation ? En particulier, que ressort-il des discussions sur le sujet avec nos partenaires allemands ?
Du point de vue budgétaire, comment voyez-vous la suite des discussions avec le Parlement européen sur la question du cadre financier pluriannuel ?
Outre ces nombreux sujets d'actualité, j'évoquerai rapidement un thème à plus long terme, tout aussi crucial, qui est la relance de la construction européenne. Si l'Europe est trop souvent désignée comme un bouc émissaire commode, elle n'en est pas moins en effet en panne de sens, voire de légitimité. L'Union manque avant tout d'une nouvelle ambition politique, d'un grand projet. Alors qu'approchent les prochaines élections européennes, avez-vous commencé à dialoguer avec vos collègues sur ces échéances et sur l'ambition qui pourrait les sous-tendre ? Nous avons récemment auditionné Serge Guillon, secrétaire général aux affaires européennes, qui a souligné fortement la nécessité de redonner du souffle à une vision stratégique de l'Europe, nourrie de volonté, de solidarité et de légitimité, pour ne pas se laisser étouffer par les exigences du court terme. Vous qui vous trouvez dans la situation, privilégiée mais difficile, à la fois du pompier et de l'architecte, je suppose que vous avez une vision sur ces sujets. Le rôle d'architecte semble un peu délaissé. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Je terminerai en citant Jacques Delors, que nous avons auditionné également il y a quelques mois, s'agissant de la question fondamentale de la souveraineté et de la souveraineté partagée : « la France doit en finir avec son credo nominaliste, “ pas de transfert de souveraineté ” et se rendre compte que des transferts implicites ont eu lieu qui lui ôtent une partie de son pouvoir. Des transferts explicites de souveraineté, et donc davantage de souveraineté partagée, permettraient d'avoir une Europe qui marche mieux. »