Nous examinons la proposition de résolution européenne présentée par M. François Brottes et d'autres membres de la Commission des affaires économiques, sur le respect de la chaîne alimentaire. Elle fait suite à la décision de la Commission européenne d'autoriser, à compter du 1er juin 2013, les protéines animales transformées, c'est-à-dire les farines animales, dans l'alimentation des poissons d'élevage. Cette décision est intervenue concomitamment à la levée de l'obligation d'effectuer des tests de dépistage de l'encéphalite spongiforme bovine sur les animaux sains. Par ailleurs, même si les deux affaires n'ont aucun rapport, cette autorisation est intervenue alors que les fraudes à la viande de boeuf ont été révélées. Tous ces éléments ont été de nature à créer un climat de défiance des consommateurs à l'égard des filières agroalimentaires. Je vous rappelle que les farines animales sont obtenues à partir de sous-produits animaux. L'utilisation de ces farines pour la nourriture des bovins transformant de fait ces herbivores en carnivores, a eu une responsabilité avérée dans la crise de la vache folle. Ces farines ont été donc progressivement enlevées de l'alimentation des animaux d'élevage. La France a toujours montré la voie et elle a interdit les farines animales dès 1990 pour l'alimentation des ruminants. Des assouplissements sont depuis intervenus. Ainsi les farines de poissons sont autorisées pour l'alimentation des porcs, des volailles et des poissons.
Afin de résoudre le problème du déficit de l'Union européenne en protéines de plus en plus chères qui pèsent sur les coûts de production des filières animales et prenant argument du recul de la prévalence de la maladie, la Commission européenne, s'appuyant sur un rapport du Parlement européen, a défini une stratégie consistant à réintroduire ces farines animales chez les animaux d'élevage, excepté les ruminants, en appliquant le principe de l'interdiction du cannibalisme et sous certaines conditions. L'autorisation d'introduire les farines de volailles et de porcs dans l'alimentation des poissons d'élevage a été donnée en janvier dernier et fait suite au vote au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale. La France a voté contre, comme l'Allemagne, mais n'a pu s'opposer à cette décision. Le règlement d'application directe s'impose à tous les Etats membres. Je rappelle que la France n'a pas voté contre cette décision pour des raisons ou doutes quelconques au plan sanitaire mais pour des raisons de perception du consommateur et d'image de la filière. En effet, les doutes évoqués par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) en 2009 ont été depuis levés, par une validation du laboratoire de référence de l'Union européenne de nouvelles méthodes génétiques qui permettent de s'assurer de l'origine génétique des PAT. Il s'agit maintenant de s'opposer à ce que la Commission envisage pour l'avenir, c'est-à-dire à l'extension aux volailles et aux porcs des protéines de porcs et de volailles. L'ANSES a rendu en octobre 2011, un avis qui considère que toutes les conditions nécessaires à la réintroduction des farines animales en toute sécurité ne sont pas réunies. Elle note particulièrement le caractère incomplet de la spécialisation des filières par espèces, depuis la collecte des sous-produits animaux jusqu'à la livraison des aliments dans les exploitations. Le gouvernement français suit cette position et a indiqué qu'il continuera à s'opposer à la réintroduction des protéines animales transformées dans les autres filières.
Sur la question des poissons d'élevage, afin de répondre aux réticences de la société à l'égard de farines animales qui ont symbolisé les dérives d'un système, le gouvernement français propose un label « 100 % végétal et poisson » qui pourrait être de nature à garantir que le poisson élevé en France n'a pas été nourri avec des farines de porc ou de volaille. Evidemment , cela ne règlera qu'une partie du problème pour les consommateurs dans la mesure où la France importe 85 % de sa consommation de poissons. Pour répondre aux préoccupations de certains de nos collègues qui souhaitent l'institution d'un moratoire qui n'est juridiquement pas possible, je vous propose que soient poursuivies des études sur le sujet et vous propose l'amendement suivant :
« Demande que des études continuent d'être menées au plan national et européen en vue :
– d'évaluer les pratiques effectives de la filière de production des protéines animales transformées et graisses animales dans l'ensemble des pays européens ;
– d'engager une étude socio-économique complète en s'appuyant notamment sur le Conseil économique social et environnemental de l'Union européenne, afin d'évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette réintroduction pour les poissons d'élevage au regard de l'utilisation d'autres sources de protéines notamment végétales ;
– de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des consommateurs et assurer la viabilité économique et environnementale de la filière des poissons d'élevage, au vu des résultats des études et évaluations ainsi menées ».
Les considérants devraient être, en conséquence, complétés par les dispositions suivantes : « Considérant que l'Union européenne affirme avoir choisi un niveau élevé de protection de la santé comme principe pour l'élaboration de la législation alimentaire et avoir la volonté d'assurer la confiance des consommateurs, des partenaires commerciaux et de l'ensemble des acteurs dans les processus de décision en matière de législation alimentaire, les fondements scientifiques de la législation alimentaire, ainsi que dans les structures et l'indépendance des institutions chargées de la protection de la santé et des autres intérêts,
Constatant que l'Union européenne a autorisé la réintroduction de protéines animales transformées pour l'alimentation de poissons destinés eux-mêmes à l'alimentation humaine malgré l'opposition du gouvernement français »