Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 17 avril 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, rapporteur :

Nous examinons la proposition de résolution européenne présentée par Jean-Louis Borloo et les membres de l'Union des démocrates et indépendants tendant à « la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation ». Cette proposition traite de deux questions distinctes mais liées par le fil de la traçabilité et de la défense des intérêts des consommateurs.

La première a trait à la mise en lumière de circuits frauduleux dans la commercialisation de la viande de cheval vendue comme viande de boeuf. La deuxième, dont vient de traiter Marietta Karamanli, fait suite à la décision de la Commission européenne d'autoriser l'usage, dans la nourriture des poissons d'élevage, de protéines animales transformées.

Sur ce dernier point, la proposition de notre groupe rejoint celle de M. Brottes, notamment sur l'essentiel, à savoir qu'il faut s'opposer à la poursuite du mouvement engagé par la Commission et faire en sorte que les farines animales ne soient pas autorisées dans la nourriture des animaux d'élevage terrestres. La proposition de résolution du groupe UDI est conforme aux préoccupations que vient d'exprimer Mme la présidente Danielle Auroi qui aurait souhaité que le Gouvernement français demande à la Commission européenne le réexamen de la décision prise et instaure un moratoire. Je comprends les objections juridiques que notre collègue Karamanli a fait valoir. Cependant la question du moratoire mérite d'être posée, dans la mesure où l'usage des farines animales est, d'une manière générale, mal acceptée par la société et altère l'image de la filière.

S'agissant des fraudes à la viande de boeuf, il s'agit d'une vaste tromperie économique et non pas d'une crise sanitaire. Des enquêtes judiciaires sont en cours et détermineront les responsabilités des acteurs, qui sont multiples. Les crises sanitaires notamment celle de la vache folle ont conduit l'Union européenne à revoir complètement son droit de l'alimentation, qui est maintenant centré sur les questions sanitaires. Le « paquet hygiène » de 2004 définit un cadre pour la traçabilité. L'article 18 du règlement no 1782002 du 28 janvier 2002 relatif aux mesures de traçabilité bovine a été étendu aux autres filières. Il pose l'obligation pour les exploitants du secteur alimentaire de mettre en place la traçabilité à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution. C'est ce que résume la formule « de la fourche à la fourchette ». Chaque entreprise d'un secteur doit garder la trace de ses fournisseurs ; cela fait partie de son plan de maîtrise sanitaire. L'objectif est de permettre le retrait de denrées alimentaires en cas d'alerte sanitaire. Les producteurs se voient imposer une obligation de résultats, mais non de moyens, ceux-ci ressortant largement de l'autorégulation et des États membres, à qui il revient d'organiser les contrôles. Ainsi en France, ceux-ci sont effectués, soit par la Direction générale de l'alimentation, soit par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont on peut regretter qu'elle ait subi des réductions importantes d'effectifs ces dernières années. Cette direction a eu, en six ans, 600 emplois supprimés sur les 3000 en fonction. Il existe par ailleurs un réseau européen d'alerte rapide. Dès les premiers jours de la découverte des fraudes, un plan européen de contrôles coordonnés a été mis en place, qui prévoit des tests ADN sur plus de 2000 points de vente européens.

A l'évidence, les systèmes européens ont plutôt bien fonctionné et la traçabilité a pu être assez vite reconstituée. Il a fallu quelques jours pour retracer le circuit des produits incriminés. Pour autant, il est important de restaurer la confiance des consommateurs dans les filières agroalimentaires qui ne doivent pas pâtir des malversations de certains.

La proposition de résolution propose de favoriser le développement des circuits courts. En effet, la complexité des circuits commerciaux brouillent les repères et mettent en lumière les fragilités d'un système. Le principe de libre circulation, qui s'applique en Europe sur les denrées alimentaires comme sur l'ensemble des produits, facilite ce type de pratiques. Les circuits longs constituent un facteur de risque car plus les intermédiaires sont nombreux, plus les marges bénéficiaires rétrécissent et plus la tentation est grande de recourir à des moyens plus ou moins honnêtes pour réaliser des gains de compétitivité. Au regard de l'intérêt des consommateurs, plus une chaîne alimentaire est courte, plus il est facile de garantir l'authenticité et la provenance du produit. Ces fraudes ont montré les failles de la réglementation européenne en matière d'étiquetage. Les consommateurs doivent pouvoir exercer leurs choix en toute connaissance de cause. Restaurer la confiance passe donc par une meilleure information afin de permettre la vérification de la véracité des allégations.

Si l'étiquetage de l'origine de la viande bovine non transformée est obligatoire, celui des autres viandes est facultatif. Le règlement no 11692011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires dispose que l'indication du pays d'origine ou la provenance sera obligatoire pour les viandes porcine, ovine, caprine et de volailles, la Commission européenne devant adopter, avant le 13 décembre 2013, un acte d'exécution permettant l'application de cette disposition. Par ailleurs, ce même règlement prévoit que la Commission présentera, au plus tard également le 13 décembre 2013, des rapports relatifs à l'indication de l'origine ou de la provenance, l'indication d'origine pour les autres types de viande, cela couvre donc notamment la viande de cheval. Enfin, un rapport est prévu concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance de la viande utilisée en tant qu'ingrédient, cette disposition englobant toutes les viandes. Il est souhaitable que ces rapports qui constituent un préalable à toute proposition législative, soient présentés au plus vite, et si possible dès le mois de septembre, si l'on veut, compte tenu des délais étirés du temps communautaire, que ces règlements soient adoptés sous la présente législature européenne. Pour la viande de boeuf, cela pourrait se faire rapidement, compte tenu de la traçabilité déjà organisée en amont de la filière. Au-delà de cette obligation renforcée d'étiquetage, le droit du consommateur passe par le lien entre l'étiquetage et la traçabilité. C'est grâce à la traçabilité que la réalité des allégations et notamment celle de l'origine, peut être garantie.

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