Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 14 mai 2013 à 18h45
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau, président :

Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de rapport sur la défiscalisation des investissements outre-mer, rapport pour lequel M. Patrick Ollier et moi-même avons été désignés rapporteur.

Je me dois d'abord de vous présenter des excuses au nom de M. Patrick Ollier. Il se trouve que ce mardi 14 mai après-midi, alors qu'il s'était organisé pour participer à la réunion de notre Délégation et à la présentation de notre rapport, des impératifs imprévus se sont imposés à lui, de telle sorte qu'il ne pourra être présent à mes côtés pour la présentation de nos travaux. Il m'a fait savoir cependant qu'il n'y avait pas l'ombre d'une divergence de vues s'agissant du contenu du rapport et qu'il me faisait toute confiance pour défendre, devant les membres de la Délégation, les propositions qu'il contenait.

Pour répondre, par ailleurs, à ceux de nos collègues qui se sont étonnés que le projet de rapport ne leur ait été communiqué qu'hier, je fais observer que ce resserrement du calendrier est lié à l'ajournement des travaux de notre Assemblée ces quinze derniers jours.

J'aborde maintenant le contenu du rapport. La défiscalisation des investissements outre-mer repose sur quatre articles du code général des impôts : l'article 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C et 217 undecies.

Il s'agit de déductions fiscales appliquées soit à l'impôt sur le revenu, soit à l'impôt sur les sociétés pour des investissements concernant aussi bien le domaine industriel que le secteur du logement social (l'article 199 undecies A qui vise le logement à loyer libre ou intermédiaire est en extinction à compter du 31 décembre 2012).

L'ensemble des dépenses fiscales concernant ces quatre articles est évalué à 1,1 milliard d'euros pour 2013.

La part correspondant au logement social est évaluée, toujours en 2013, à environ 500 millions d'euros.

Par ailleurs, dans l'enveloppe globale des dépenses fiscales, figure également une somme que l'on peut évaluer, selon la FEDOM, à 400 millions d'euros en 2012 et qui correspond à des investissements industriels dans le secteur dit du « plein droit » (il s'agit de petits projets inférieurs à 250 000 euros, ce montant correspondant au seuil de l'agrément). Ces investissements sont défiscalisés au titre de l'impôt sur le revenu (article 199 undecies B du code général des impôts). Ainsi, les statistiques montrent bien que les petites entreprises, les TPE et les PME, bénéficient, de manière tout à fait significative, de l'avantage fiscal.

Certes, ce dispositif fiscal constitue un élément un peu spécifique dans le contexte du « paysage fiscal français », mais cette particularité est bien adaptée aux spécificités des collectivités territoriales ultramarines.

En drainant de l'épargne là où celle-ci fait défaut à cause des caractéristiques propres des économies locales (insularité, étroitesse des marchés, dépendance des industries à l'égard de l'extérieur…), la défiscalisation est un des éléments qui permettent de compenser les handicaps territoriaux et ainsi de rétablir les équilibres économiques.

Pourtant le système fait actuellement l'objet de critiques. La principale d'entre elles consiste à indiquer que l'industrie et le logement social ne sont pas destinataires de l'ensemble des ressources collectées car il faut tenir compte de l'intéressement des contribuables qui défiscalisent et de l'intervention des intermédiaires financiers, ces deux facteurs provoquant des « déperditions » hors de l'économie réelle.

D'autre part, la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 semble avoir apporté un coup d'arrêt au mécanisme de la défiscalisation en diminuant, de façon drastique, le plafond des déductions concernant l'outre-mer et s'appliquant à l'impôt sur le revenu.

La Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale a souhaité se saisir de la question de l'évaluation de ce dispositif.

Le rapport qui vous est proposé, et notamment sa seconde partie, montre que cette évaluation est très largement positive.

Il a donc paru souhaitable aux deux rapporteurs de proposer le maintien du système, moyennant un certain nombre de modifications pour répondre aux critiques, modifications permettant de faire évoluer le dispositif vers plus de rigueur.

Nous sommes bien conscients, préconisant cela, que nous allons peut-être à contre-courant des intentions du ministère de l'Économie et des finances, intentions qui seraient plutôt de « raboter » les niches fiscales.

Mais il nous semble aussi qu'actuellement, tant la conjoncture économique que l'évolution de la pensée politique vont dans notre sens.

Dans le rapport qui vous est présenté, les rapporteurs ont souhaité montrer que le dispositif de défiscalisation était bien adapté à la collecte de l'épargne sur des objectifs ciblés, que ce soit la réalisation de grands projets structurants dans les DOM et dans les COM, que ce soit la mise en place de projets plus petits mais tenant à coeur à près de 16 000 PME, pour ne parler que du secteur du plein droit, ou que ce soit, enfin, la construction de logements neufs destinés aux bailleurs sociaux.

Le système a donc pleinement rempli son but qui était de contribuer à l'aménagement du territoire.

Par suite, une grande partie du dispositif mérite d'être conservée et le rapport présente un certain nombre d'orientations en ce sens :

- Maintien des articles 199 undecies B et 199 undecies C du code général des impôts (proposition 1) ;

- Maintien de la défiscalisation au titre de l'article 217 undecies du CGI mais limitée aux petites entreprises, c'est-à-dire celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d'euros ou qui ont moins de 50 salariés (proposition 2) ;

- Maintien de la défiscalisation existante pour les investissements réalisés dans les territoires ultramarins à autonomie fiscale (proposition 3) ;

Ces orientations n'empêchent pas de prévoir aussi un certain nombre de dispositions pour améliorer le système tout en le rendant plus rigoureux. Le rapport présente neuf propositions qui poursuivent tout particulièrement ce double objectif :

- Instituer un plafonnement des déductions à l'impôt sur le revenu pour l'outre-mer égal à 30 000 euros et intégralement cumulable avec le plafond général des déductions fiscales actuellement fixé à 10 000 euros (ce plafond de 30 000 euros, quoique fixé en valeur absolue, permettant, en moyenne, de ramener le montant des déductions fiscales par contribuable défiscalisateur à ce qu'il était avant la décision du Conseil constitutionnel). Cette proposition fait partie de la proposition 1 du rapport ;

- Demander au ministère de l'Économie et des finances de réaliser, avant le dépôt de la prochaine loi de finances initiale, une étude d'impact précise visant à permettre l'introduction d'un crédit d'impôt concernant les entreprises avec un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions d'euros ou un effectif supérieur à 50 salariés (le crédit d'impôt permettant une défiscalisation directe sans intermédiaires financiers). Cette proposition est la proposition 4 du rapport ;

- Prévoir, dans le cadre de ce crédit d'impôt, la possibilité d'instituer un fonds de garantie pour les entreprises (proposition 5) ;

- Réduire le seuil de la défiscalisation de plein droit en le faisant passer de 250 000 euros à 150 000 euros ; les projets compris entre 150 000 et 250 000 euros pourront faire l'objet d'un agrément simplifié (proposition 6) ;

- Prévoir un renforcement du mécanisme de la déclaration obligatoire, quelle que soit la procédure de défiscalisation (proposition 6 également) ;

- Flécher les secteurs et les filières éligibles pour éviter le manque d'homogénéité dans les domaines faisant l'objet de l'aide fiscale (proposition 7) ;

- Mieux définir le concept d'investissement productif en ne retenant dans les investissements éligibles que ceux qui combinent – selon une proportion variable – la création de valeur ajoutée, la création de richesses et la création d'emplois (proposition 8) ;

- Favoriser les procédures de consultation, par analogie avec le code des marchés publics, pour obtenir les meilleurs taux de rétrocession possibles, notamment dans le domaine du logement social (proposition 9) ;

- Et enfin réglementer la profession de monteur d'opérations de défiscalisation (MOD) ou prévoir une charte de déontologie fixant les bonnes pratiques, notamment en ce qui concerne les taux d'intermédiation (proposition 10).

Au total, l'ensemble de ces préconisations ont pour objet de préserver l'efficience de l'instrument que constitue la défiscalisation, un instrument qui permet une très bonne mobilisation de l'épargne en faveur des collectivités territoriales d'outre-mer. Nous pensons, en revanche, qu'une solution visant à remplacer tout ou partie de la défiscalisation par une augmentation, même très significative, de la ligne budgétaire unique (LBU) ne pourrait constituer qu'une démarche très aléatoire.

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