Intervention de Yves Fromion

Réunion du 9 avril 2013 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, co-rapporteur :

Notre proposition de résolution s'inscrit dans le cadre des trois objectifs définis dans les conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, relatives à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), à savoir : augmenter l'efficacité, la visibilité et l'impact de la PSDC ; renforcer le développement des capacités en matière de défense ; renforcer l'industrie européenne de défense.

Nous nous sommes attachés particulièrement au pragmatisme, à l'optimisation du Traité de Lisbonne, à l'amélioration des dispositifs existants. Nous nous sommes calés sur le texte du Traité et notamment sur les dispositions prévoyant que, sauf exceptions, les dépenses de défense ne doivent pas être financées sur fonds communautaires. Nous avons respecté le principe selon lequel la PSDC doit se développer en compatibilité avec les missions de l'OTAN.

Dans le cadre du premier objectif des conclusions du Conseil, notre proposition de résolution demande tout d'abord une mise en oeuvre plus complète des dispositions du Traité de Lisbonne. Je rappelle que c'est la première fois qu'un traité européen développe véritablement ce thème de la défense et il serait dommage de ne pas exploiter ces dispositions acceptées par les 27 États membres.

Nous estimons ensuite qu'il est nécessaire de réactualiser, au bout de dix ans, la stratégie européenne de sécurité définie en 2003 et qu'il serait utile que l'Europe réfléchisse à ce qui pourrait être un « Livre blanc », à ses orientations prioritaires.

Nous avons insisté sur la Coopération structurée permanente (CSP), une des dispositions du traité de Lisbonne, à titre d'« itinéraire de progrès ». La CSP devrait s'inscrire dans une démarche inclusive ouverte : les États membres pourraient rejoindre ce « club » de la CSP au fur et à mesure de l'intérêt qu'ils y portent et de leurs possibilités d'y adhérer.

Il conviendrait également, à travers cette démarche, de mettre en cohérence tous les dispositifs existants et pour certains mal utilisés : par exemple les Groupements tactiques, jamais utilisés, l'Eurocorps – dont je rappelle qu'il peut encadrer jusqu'à 60 000 hommes – la Brigade franco-allemande jamais utilisée sous le « chapeau » européen, l'EATC, exemple réussi de coopération, le Centre satellitaire de Torrejon en Espagne – que nous avons visité et qui est un excellent outil d'analyse d'images satellitaires même s'il ne dispose pas de ses propres satellites – son niveau est en effet comparable à celui de la Direction du renseignement militaire. Il est urgent que toutes ces initiatives puissent être remises dans une cohérence globale.

Nous recommandons d'envisager la possibilité d'un financement au titre des « activités préparatoires » permettant, après consultation du Parlement européen, de déroger au principe général d'interdiction de financement par l'Union européenne des dépenses de défense ; dans le même ordre d'idées, il faudrait amplifier le mécanisme Athena permettant de financer 10 % au maximum de certaines dépenses militaires, afin que les États acceptant de participer à des opérations ou actions en matière de défense ne soient pas les seuls à payer.

Nous portons enfin un regard positif sur ce que Mme Catherine Ashton appelle « l'approche globale ». Quand il y a une crise, il faut analyser globalement la situation et pas seulement sous l'angle militaire.

Pour ce qui concerne le second objectif fixé par le Conseil, le développement des capacités en matière de défense, en attendant une éventuelle modification de l'article 41-2 interdisant de financer les dépenses de défense, nous préconisons la recherche de procédures favorisant le développement de capacités nationales sous la bannière de l'Union européenne, grâce à un soutien communautaire. L'Agence européenne de défense (AED) est un bel outil à faire prospérer, dont les missions devraient être développées. Enfin le financement des équipements à caractère dual , civilo-militaire, via le PCRD devrait être encouragé.

Pour ce qui concerne le troisième objectif, le développement de l'industrie européenne de défense, nous préconisons tout d'abord un renforcement de la base industrielle de technologie et de défense – la BITD – par accélération de la consolidation des entreprises de défense, selon une démarche concertée permettant prioritairement de préserver les capacités indispensables à l'indépendance de l'Union européenne. Nous savons qu'il y a en Europe une surcapacité dans beaucoup de domaines ; il faudra bien résoudre cette question mais il y aura des conséquences sur les bassins d'emplois industriels et il sera nécessaire que l'Union européenne apporte des fonds pour accompagner ceux qui seront fragilisés dès lors qu'ils entreront dans une démarche de restructuration.

Le rapprochement AEDOCCAR doit par ailleurs être poursuivi dans une optique de fusion des deux organismes. Il est nécessaire également que soient révisées les procédures mises en oeuvre par l'AED sur la propriété intellectuelle partagée. Elles impliquent qu'à partir du moment où un programme de recherche lancé par un État membre est financé sur des fonds européens, les bénéfices doivent en revenir à chacun des vingt-sept États membres ; peu d'industriels ont envie de se lancer dans cette aventure, ce qui entraîne un piétinement dans la recherche. Nous plaidons également pour que l'enveloppe dédiée à la recherche duale en matière de défense et de sécurité soit portée à 1 milliard d'euros.

En ce qui concerne la réciprocité des échanges, nous sommes pour : nous vendons à ceux qui achètent et réciproquement. En même temps, il est nécessaire d'avoir à défaut de réciprocité un mécanisme de préférence communautaire, car il faut que les industriels puissent vendre chez nous avant de laisser les États européens acheter ailleurs. Nous sommes enfin pour qu'une part des crédits affectés par les États à la sécurité de l'Europe ne soit pas prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des États plafonnés à 3 % : c'est une idée qui circule actuellement et que nous reprenons à notre compte. Si elle s'avère trop irréaliste, nous souhaitons qu'au moins soit créé un mécanisme de dédommagement tenant compte de l'effort particulier de certains États pour le financement d'un bien public européen.

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