La Commission européenne a adopté le 13 mars 2013 un projet de mandat autorisant l'ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l'investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique », qui inclurait, notamment, les services audiovisuels.
Cette extension du mandat de la Commission aux services audiovisuels est contraire au fragile équilibre trouvé lors des négociations commerciales au sein de l'OMC, qui sous l'expression « respect de l'exception culturelle » entérine le fait que la culture n'est pas une marchandise comme les autres. Fragile équilibre, fragile consensus, qui a eu pour effet de ne pas inclure les services audiovisuels dans la libéralisation des échanges lors des négociations commerciales multilatérales.
Si « l'exception culturelle » a aujourd'hui laissé place « au respect de la diversité des expressions culturelles », sa protection se trouve garantie tant par le Traité de Lisbonne que par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005, à laquelle l'Union européenne est partie.
Or c'est bien cette diversité des expressions culturelles que nous entendons faire respecter, sachant que les États-Unis ont refusé de signer et de ratifier cette Convention de l'Unesco !
La Commission des affaires européennes a toujours été particulièrement attentive aux négociations commerciales ainsi qu'aux questions culturelles. Et j'en profite pour saluer l'implication de nos collègues Marietta Karamanli et Rudy Salles sur le financement européen du cinéma ainsi que celle de Seybah Dagoma et de Marie-Louise Fort sur le juste échange.
Le sujet d'aujourd'hui concerne des sujets traités par ces deux rapports.
La question posée à travers la proposition de résolution examinée aujourd'hui revêt une importance stratégique et également un caractère d'urgence pour le gouvernement s'agissant de la sauvegarde de la diversité des expressions culturelles, reconnue tant par la France que l'Union européenne. Aussi Patrick Bloche et moi-même, avons-nous décidé de présenter cette proposition afin que le gouvernement puisse demander une exclusion explicite des services audiovisuels lors du vote au Conseil affaires générales qui aura lieu le 14 juin 2013, vote qui doit entériner le projet de mandat de négociation de la Commission.
Le caractère d'urgence est d'autant plus prégnant que le vote du 14 juin ne sera qu'un vote formel, les négociations auront déjà commencé en amont. Aussi est-il nécessaire que le gouvernement puisse s'appuyer sur ce projet de résolution pour faire respecter la diversité des expressions culturelles.
Dans l'hypothèse où une exclusion de principe des services audiovisuels ne pourrait avoir lieu, il faudrait que le gouvernement fasse valoir le droit de veto qu'il détient, en vertu de l'article 207 paragraphe 4 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, pour que le respect de la diversité culturelle et linguistique soit préservé.
Les services audiovisuels représentent un secteur crucial pour le commerce américain. Selon les chiffres fournis par l'agence fédérale de promotion des entreprises américaines à travers le monde, Select USA, le secteur de l'industrie du divertissement a généré 95,4 milliards de dollars de chiffres d'affaires en 2010, dont 84 % enregistrés par le secteur audiovisuel et 16 % par la musique.
Selon la Motion Picture Association of America (MPAA), la production et la distribution de films représentaient près de 2,1 millions d'emplois aux États-Unis en 2010, et cette industrie était l'une des seules à enregistrer une balance commerciale positive. En 2001, le marché international représentait environ 50 % des recettes pour les films américains, et cette part de marché s'est élevée à 69 % en 2011 du fait d'une politique commerciale agressive envers les pays émergents, se traduisant par une baisse des droits de douane et des quotas protégeant les marchés nationaux.
En outre, le marché audiovisuel américain s'est largement réorienté vers les nouveaux services offerts par les nouvelles technologies de l'information. Ainsi, selon le cabinet d'analyse Digital Entertainment Group, la distribution de contenu en ligne a augmenté de 28,5 % entre 2011 et 2012 et généré un revenu d'environ 5,13 milliards de dollars.
À cet égard, il importe de rappeler l'attachement au principe de neutralité technologique en vertu duquel la nature du support ne serait modifier le contenu de l'oeuvre.
Ces chiffres démontrent, s'il en était besoin, que si des négociations venaient à s'engager sur la libéralisation du secteur audiovisuel, le rapport de force serait déséquilibré et particulièrement favorable aux États-Unis et conduirait, à terme, à un déclin rapide du secteur audiovisuel européen, au détriment de la préservation de la diversité des expressions culturelles.
Il importe de souligner que la mention expresse dans le mandat de négociation de la Commission de la protection de la diversité culturelle ne saurait suffire à protéger efficacement cette même diversité.
C'est pourquoi, enfin, le respect de la diversité des expressions culturelles ne saurait être véritablement garanti que si l'ensemble des services audiovisuels était explicitement exclu de cet accord commercial envisagé entre les États-Unis et l'Union européenne.
Nous allons donc examiner la proposition de résolution à laquelle je souhaiterais apporter deux amendements.
Un premier amendement concerne le titre de la proposition. Afin d'éviter un positionnement trop franco-français, je vous propose de remplacer le titre « respect de l'exception culturelle » par « respect de la diversité des expressions culturelles » expression davantage conforme à la sensibilité européenne et à ce que nous souhaitons défendre.
Un second amendement concerne le point 5 de la résolution. Je vous propose, pour plus de clarté, que nous remplacions le segment de phrase « Demande à ce que le gouvernement s'oppose, en utilisant son droit de veto si nécessaire, » par « Demande, pour le cas où la diversité culturelle ne serait pas préservée de manière adéquate, notamment par l'exclusion explicite des services audiovisuels dans le mandat de négociation, à ce que le gouvernement utilise son droit de veto si nécessaire ».