Je vous remercie toutes et tous de ces questions qui témoignent de votre intérêt pour le service public de l'audiovisuel dans ses différentes composantes.
Oui, madame Pompili, les salariés, tout comme d'ailleurs notre entreprise, ont besoin de connaître les perspectives. Mais ces perspectives, nous les avons tracées six ou sept mois après mon arrivée, à travers un plan stratégique qui a conduit à la négociation d'un contrat d'objectifs et de moyens d'une durée de cinq ans, fixant les objectifs à atteindre, le travail à mener et les moyens à mettre en oeuvre. Je vous remercie, à ce propos, de vos appréciations, qui sont importantes pour nous : en 2011, nous avons effectivement tenu la route, tout comme nous la tenons encore en 2012, en dépit des difficultés financières dues à l'évolution de nos ressources, tant commerciales et publicitaires que d'origine publique.
Comment tracer une nouvelle route avec notre actionnaire, l'État, et avec vous, représentation nationale ? Il faut commencer par redéfinir les objectifs en fonction des évolutions législatives et technologiques ainsi que de l'état de la concurrence, puis évaluer sur cette base les moyens dont nous avons besoin. Si ces derniers sont insuffisants, nous devrons alors revoir les objectifs… Je le dis en tout cas avec solennité : nous ne pouvons absolument pas prétendre maintenir l'ensemble des objectifs qui nous sont assignés en nous « débrouillant » avec moins de moyens : nous ferions moins bien et le groupe se retrouverait en déficit, compromettant ainsi sa crédibilité, en interne comme vis-à-vis de l'extérieur.
Mes anciennes fonctions à la tête de France 3 m'ont conforté dans la conviction que la mission de service public de proximité est fondamentale. Seule cette chaîne, aujourd'hui, peut donner accès à des informations et à des programmes de proximité à l'ensemble de nos concitoyens, où qu'ils habitent et quelle que soit leur situation personnelle. Jamais les entreprises privées ne joueront ce rôle sur l'ensemble du territoire.
Aux termes du contrat d'objectifs et de moyens, nous devons accroître le nombre d'heures produites en région. Nous y sommes parvenus, puisque nous sommes passés de 11 702 heures à 17 355 entre 2010 et 2011. Certains parmi vous ont d'ailleurs relevé une hausse de 30 % du volume de diffusion régionale. D'autre part, 378 prises d'antenne exceptionnelles ont été dénombrées l'an dernier – c'est une légère augmentation – dans les domaines de la culture, du sport ou de l'information.
Le coût moyen a baissé parce que nous avons optimisé les modes de fabrication en mobilisant des studios qui ne fonctionnaient que deux heures par jour pour les journaux télévisés. La marge de manoeuvre est toutefois beaucoup plus restreinte s'agissant des équipes, qui n'ont pas le don d'ubiquité.
Nous tenons la moitié de nos engagements en matière de création grâce à cette grande chaîne nationale qu'est France 3. En première partie de soirée, nous y diffusons en effet des documentaires, des fictions – dont beaucoup sont originales –, de l'animation ou du spectacle vivant. Mais la chaîne n'en assure pas moins son rôle de chaîne de proximité, par ses journaux d'information comme par d'autres programmes.
Il faut toutefois savoir que, lorsque le nombre de programmes régionaux augmente sur France 3, l'audience nationale de la chaîne baisse mécaniquement : cette audience est en effet faible à Paris et en région parisienne, qui comptent une population importante. Cela fausse donc la mesure globale des audiences, lesquelles peuvent être très fortes en Alsace ou en Bretagne mais aussi dans de grandes villes comme Lille ou Marseille. France 3, et c'est cruel, peut ainsi être soupçonnée d'insuccès alors qu'à Montpellier par exemple, l'audience du « 1213 » atteint 25 ou 26 %, ce qui est remarquable.
Globalement, les audiences du programme national de France 3 entre 17 heures et 23 heures tiennent tout à fait la route, se situant au-dessus de 12 ou 13 %.
Les antennes locales sont évidemment importantes pour nous tenir au plus près de la population. Les installations techniques, sur une centaine d'implantations – vingt-quatre rédactions en régions, une cinquantaine de « locales » qui produisent six minutes et une cinquantaine d'implantations employant deux journalistes –, sont extrêmement modernes pour nous permettre de piloter à distance ces très petits studios.
Lorsque l'on se doit de maîtriser strictement les coûts de gestion liés aux personnels, il faut réduire la voilure comme le fait chaque été la presse écrite en diminuant la pagination des publications. Si certaines « locales » s'apprêtent à fermer momentanément dans le Sud-Ouest, c'est que d'autres ont fait de même ailleurs, pendant l'été. Cela résulte d'arbitrages qui ont été rendus dans le cadre de la discussion des budgets annuels et ne signifie pas, par exemple, qu'il ne sera pas rendu compte de l'actualité de Périgueux ou de Brive : aucun journal local ne sera diffusé pendant la période de fermeture mais les informations concernant ces deux villes seront traitées dans le journal régional, qui sera un peu plus long. Je le dis là encore avec quelque solennité : nous ne nous apprêtons pas à fermer des « locales ».
L'avenir de France 3 doit être envisagé en fonction de notre vision partagée du rôle de la chaîne. L'entreprise doit-elle développer ses programmes et sa présence de proximité jusqu'à constituer une syndication de grandes chaînes régionales ? Doit-elle être conçue comme une antenne nationale pouvant procéder à des « décrochages » centrés sur telle ou telle activité ? Je ne trancherai pas car il s'agit là d'un débat politique que nous devons mener ensemble, sur le rôle de l'audiovisuel public en région et sur la façon dont il doit s'inscrire dans la politique globale de la nation. L'entreprise fera ce que son actionnaire et la représentation nationale jugeront bon qu'elle fasse.
Ma conviction profonde est que nous devons maintenir une grande proximité avec nos téléspectateurs, quitte à faire évoluer notre organisation comme nous l'avons déjà fait voilà quatre ans lorsque nous sommes passés de treize régions à quatre pôles et vingt-quatre rédactions, dans le cadre d'un processus de rationalisation des fonctions supports et de gestion et de décentralisation des fonctions éditoriales. Néanmoins, dans une maison aussi vaste que la nôtre, l'organisation ne doit pas changer sans arrêt. S'il est possible de l'améliorer, je ne souhaite pas pour autant qu'elle continue à « bouger » en permanence, ce qui nuirait au personnel et à l'efficacité de l'entreprise. Nous nous efforcerons donc de faire au mieux avec l'organisation dont nous disposons, mais la question de fond demeure d'ordre éditorial, liée à notre capacité de développer demain des offres en région, y compris avec les producteurs régionaux et avec le soutien des collectivités locales dont il faut préciser qu'il se limite strictement à des aides à la production – nous travaillons d'ores et déjà avec de nombreuses régions qui ont souhaité développer un tissu de producteurs locaux.
France 2 a en effet connu une petite baisse d'audience en 2011 en raison de l'évolution de la concurrence et d'un certain nombre de prises de risque non couronnées de succès. Je note, à ce propos, qu'il y a un paradoxe à poser de nombreuses questions relatives à l'audience tout en demandant de nous en détacher ! Ces deux dernières semaines, le lundi, nous avons diffusé sur France 3 une série documentaire consacrée aux collèges d'excellence qui a réalisé 2 % d'audience. C'est très peu, mais je suis heureux de l'avoir fait.
À ce jour, sur les huit premiers mois de l'année, France Télévisions a réalisé une audience cumulée de 30,7 %, contre 30,3 % l'année dernière à la même période. Certes, la diffusion des Jeux olympiques n'y est pas étrangère mais nous n'avons pas bénéficié de la retransmission des matches de football ! L'audience de France 2 se situe quant à elle à 15,2 % contre 14,8 ou 14, 9 % en fin d'année dernière. La rentrée a de surcroît bien commencé pour ces deux chaînes.
J'ajoute qu'un nouveau magazine culturel, ouvert à tous les genres, sera présenté par Aïda Touihri jeudi soir et que tous nos programmes, y compris régionaux, sont disponibles sur internet pendant les sept jours suivant leur diffusion.
Dans le domaine sportif, nous nous efforçons de faire une place au plus grand nombre de disciplines possible. France 4, madame Buffet, diffuse ainsi du football et du rugby féminins avec succès et pour un public rajeuni. Nous voulons également maintenir la diffusion gratuite des grandes manifestations les plus populaires. Nous sommes ainsi parvenus à consolider les droits sur la diffusion des Jeux olympiques – y compris par voie numérique – jusqu'en 2020 inclus ; il en est de même pour le tournoi des Six nations et nous sommes en train d'y travailler pour le Tour de France, une négociation devant être conduite pour Roland-Garros.
Plusieurs mois avant leur organisation, nous avons décidé de traiter les Jeux paralympiques sous forme de magazines afin de bénéficier d'une audience forte mettant en valeur l'événement. Vous avez donc pu voir un magazine quotidien sur France 2 en milieu d'après-midi et un autre sur France 3 en fin de soirée. Nous avons également réalisé tous les jours, sur France 3, des portraits de sportifs qui ont été diffusés avant les journaux, ceux-ci couvrant ensuite les moments importants de ces Jeux. Enfin, il était possible de suivre ces derniers en direct sur trois canaux internet, les audiences ayant d'ailleurs été tout à fait correctes.
Nous aurions certes pu prendre une autre décision, mais elle eût exigé un engagement financier important alors qu'en août, pour les Jeux olympiques, la mobilisation des équipes de direct nous avait coûté, non compris les droits, 15 millions d'euros. Il était donc financièrement impossible de répéter l'opération et, de surcroît, les grilles de programmes revenaient sur l'ensemble des chaînes.
La question du nombre de chaînes était pertinente lorsque l'on en comptait fort peu. Quand il y a comme aujourd'hui 25 chaînes numériques et une multitude de chaînes sur le câble et le satellite, l'audience se disperse forcément. Or, si nous voulons, comme c'est le cas, toucher tous nos compatriotes et non des cibles spécifiques, nous devons présenter une offre diversifiée. Les groupes publics anglais, allemands, italiens, espagnols, sans parler de ceux d'Europe du nord, possèdent aujourd'hui plus de vingt chaînes mais dédiées les unes au sport, d'autres aux enfants ou aux adolescents, etc. Nous raisonnons quant à nous de manière très différente. J'ajoute que le coût supplémentaire d'une chaîne spécialisée est relativement faible : ainsi les budgets de France 4 et de France Ô sont peu de chose au sein du budget de France Télévisions.
Ces chaînes, par ailleurs, permettent aux oeuvres de circuler. Ainsi sommes-nous aujourd'hui le premier producteur de dessins animés, que nous diffusons sur plusieurs canaux.
Par parenthèse, je note que, bien qu'elle dispose d'une vingtaine de chaînes, la BBC non plus n'a pas retransmis les Jeux paralympiques, qui l'ont été par une autre chaîne publique, Channel 4.
La question essentielle est : quelle ambition nourrissons-nous pour le service public ? Doit-il, à raison de sa contribution à la création, à l'information et au maintien du lien social, conserver, même diminuée, une part significative de l'offre ? Il doit cependant être entendu que ces choix stratégiques ne peuvent être immédiatement rentables, car ils sont non marchands : ainsi, malgré son succès, la retransmission des Jeux olympiques a été d'une rentabilité nulle et il ne pouvait guère en être autrement, en l'absence de publicité en soirée.