S'agissant du sujet de la chaîne pour enfants, nous sommes comme je l'ai dit le premier co-producteur de dessins animés. Outre que nous en diffusons largement sur l'ensemble de nos chaînes, il est légitime que nous disposions d'un canal dédié qui s'inscrit en l'occurrence dans le cadre du projet Gulli, dont nous sommes actionnaires. L'évolution de la situation dépend des discussions que nous mènerons avec notre partenaire, le groupe Lagardère, qui a récemment fait savoir qu'il était acheteur. J'en prends note, mais il reste à déterminer les conditions de cette acquisition. Comme il s'agit d'un actif de valeur, je souhaite bien évidemment que les intérêts du service public soient préservés.
France 4 voit aujourd'hui son audience fortement progresser parmi les 15 à 34 ans, spécialement parmi les 20 à 30 ans, soit une tranche de public qu'atteignent peu les grandes chaînes traditionnelles ; la proportion atteint 20 % des jeunes adultes regardant France Télévisions – alors que le budget de la chaîne ne représente que 2 % de celui du groupe ! Et toutes les études d'image démontrent qu'elle est de très loin la chaîne préférée dans cette tranche d'âge.
Nous y développons toute une série de programmes. Ainsi, tous les mercredis, nous offrons à ce public une soirée de cinéma européen et, tous les jours, nous diffusons une émission consacrée à l'actualité du numérique. Le sport féminin, la fiction sont également présents sur cette chaîne. Nous touchons ainsi une « cible » que tous les grands groupes européens de télévision cherchent à atteindre – je citerai ZDF Neo en Allemagne, BBC 3 en Grande-Bretagne…
Je dois le reconnaître, il y a eu à un moment un décalage entre l'heure de début de nos programmes que nous annoncions – 20 h 35 – et l'heure à laquelle ils commençaient réellement – 20 h 42, voire 43 ou 44. Au début de ce mois, j'ai donc décidé de fixer ce début à 20 h 45 et j'en ai informé les téléspectateurs. Pourquoi cette décision ? Le journal de France 2 traite désormais certains sujets privilégiés en cinq ou six minutes, en vertu d'un souci de hiérarchisation et d'approfondissement qui est la force du service public, et sa durée passe de la sorte de 32 ou 33 minutes à 40 ou 41. De même, sur France 3, « Tout le sport », la seule émission quotidienne de sport de la télévision, a vu sa durée rallongée de trois minutes pour pouvoir traiter de davantage de disciplines, conformément à notre contrat d'objectifs et de moyens. D'autre part, tous nos concurrents, petits et grands, font aujourd'hui commencer leurs programmes de soirée vers 20 h 55. C'est donc à cette heure que les téléspectateurs ont pris l'habitude d'allumer la télévision et, s'ils tombent sur une fiction qui a débuté un quart d'heure plus tôt, ils se trouveront perdus et zapperont ! Nous devons donner à nos émissions une chance d'être vues par le plus grand nombre, sachant que le service public, dont le nombre de chaînes est de plus en plus réduit en proportion de l'offre, ne peut prétendre à lui seul faire évoluer les habitudes des gens – il en serait de nous comme de la SNCF quand il lui est arrivé de fixer des horaires de train incompatibles avec les horaires de travail des voyageurs !
L'arrivée de D8 et d'autres concurrents disposant de budgets importants nous rendra plus difficile l'acquisition des films et, en général, des oeuvres que nous souhaitons diffuser sur nos antennes. On peut même craindre que des marchés ne nous soient fermés : ainsi celui du sport ou celui du cinéma français, sur lesquels Canal Plus est le premier donneur d'ordre. Étant présente sur le gratuit comme sur le payant, cette chaîne peut fort bien négocier des contrats payants tout en « prenant » des contrats gratuits pour sa chaîne gratuite, ce qui en privera les autres. J'ai donc évoqué devant le CSA ce problème, qui peut nous empêcher d'atteindre nos objectifs éditoriaux.
Les six nouvelles chaînes prévues vont entraîner une dispersion accrue de l'audience sans assurance de voir la qualité de la création progresser. En outre, la crise de la publicité pose la question de la viabilité économique de ces chaînes, mais aussi de l'ensemble du secteur télévisuel.