Intervention de Philip Cordery

Réunion du 16 avril 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilip Cordery, co-rapporteur :

Nous vous avions présenté en décembre dernier une communication d'étape sur cette proposition de révision de la directive de 2005 sur les qualifications professionnelles. Pour mémoire, le texte a pour objectif d'améliorer les procédures de reconnaissance des qualifications pour faciliter la circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne, afin de créer de la croissance et des opportunités d'emploi pour tous les citoyens de l'Union, et notamment les jeunes, qui souffrent de taux de chômage extrêmement élevés.

La commission IMCO (marché intérieur et protection des consommateurs) du Parlement européen a adopté le 23 janvier dernier le rapport de Mme Bernadette Vergnaud qui a obtenu un mandat pour aller au trilogue. Si la présidence irlandaise espère parvenir à un accord avant la fin du semestre, la date indicative du vote en séance plénière au Parlement européen, repoussée plusieurs fois, a été fixée pour l'heure au 9 septembre 2013. Je veux ici saluer les efforts accomplis par la rapporteure pour sa recherche permanente d'un compromis ambitieux.

Sans rentrer dans tous les détails du texte que nous vous avions longuement présenté lors du rapport d'étape, nous souhaitons vous informer sur les principales évolutions du texte.

Concernant la carte professionnelle européenne, la France a indiqué être favorable à son introduction mais s'est déclarée contre la reconnaissance tacite promue par la Commission et le Parlement européen, qui souhaitaient inciter les États à se prononcer dans des délais rapides. Plusieurs avancées ont été obtenues dans le cadre des travaux au Conseil. L'introduction d'une carte devra désormais être préparée par une analyse d'impact. Les rôles des États membres d'accueil et d'origine ont été clarifiés, et l'État membre d'accueil pourra désormais refuser la demande si l'État d'origine ou le professionnel n'ont pas fourni tous les documents demandés, tandis qu'un délai supplémentaire de deux semaines renouvelable une fois pour instruire le dossier a été accordé à l'État d'accueil. La France et d'autres pays ont ainsi levé leur réserve, ouvrant la voie à un accord. Une question importante reste ouverte : celle de la suspension des délais en cas de demande d'information additionnelle. Nous approuvons pour notre part la création de cette carte professionnelle européenne.

Concernant l'extension du champ de la directive aux stages rémunérés, rappelons que dans sa proposition initiale, la Commission souhaitait qu'en vue d'accorder l'accès à une profession réglementée, l'État d'origine reconnaisse le stage accompli dans un autre État et certifié par l'autorité compétente de cet État.

Un certain nombre d'États membres se sont montrés réservés, à l'instar de la France. La Commission et le Parlement européen y sont de leur côté très attachés.

Un compromis a été trouvé au Conseil, prévoyant que si l'accès à une profession réglementée dans l'État d'origine est subordonné à la réalisation d'un stage professionnel et que ce stage a été effectué dans un autre État membre etou dans un pays tiers, l'autorité compétente de l'État d'origine doit le prendre en compte lors de l'examen d'une demande d'autorisation d'exercice de la profession réglementée. Ce compromis, soutenu par la Commission, a permis à une majorité d'États membres, jusqu'à présent réticents, de lever leur réserve sur l'inclusion des stages dans le champ de la directive.

Le Parlement européen, quant à lui, a approuvé la proposition initiale de la Commission obligeant l'État d'origine de reconnaître les stages effectués dans un autre État, sans retenir le caractère rémunéré. L'amendement adopté permet toutefois de limiter leur durée et précise que cette reconnaissance ne remplace pas un examen qui doit être réussi pour pouvoir accéder à la profession concernée. Le Parlement européen propose également qu'un contrat de stage spécifie au moins les objectifs d'apprentissage et les tâches assignées.

La position du Conseil en vue de l'examen de cette question dans le cadre des trilogues est de considérer les amendements du Parlement européen comme inacceptables. La France a d'ailleurs souligné, lors d'un groupe de travail, que le compromis trouvé au Conseil était le seul qu'elle pouvait accepter. Les discussions vont donc continuer sur ce sujet.

Nous considérons pour notre part que les stages peuvent être pris en compte mais à la condition expresse qu'ils soient rémunérés et reconnus dans le pays d'origine.

Concernant l'harmonisation des conditions de formation minimales pour les professions sectorielles, et notamment la profession d'architecte, la Commission européenne a souhaité actualiser la durée minimale de la formation d'architecte, de quatre ans dans l'actuelle directive, et a proposé de porter cette durée à six ans : quatre années d'études et deux années de stage rémunéré ou cinq ans d'études à temps plein et un an de stage, ce qui constituait une avancée pour la France.

Certains États, et notamment l'Espagne, qui voit son secteur du bâtiment sinistré, ont souhaité revenir sur cette durée et proposer un système double avec une formation de cinq ans d'études à temps plein sans stage ou quatre ans d'études à temps plein et deux ans de stage, proposition reprise par la Présidence dans le texte du Conseil et soutenue à la fois par la Commission et le Parlement européen qui a adopté des amendements dans ce sens. La France, l'Allemagne, la Roumanie ou encore le Royaume-Uni se sont montrées très réservées, mais la France a finalement fait preuve de souplesse, en contrepartie de l'insertion d'une référence, ajoutée par la Présidence, au développement durable dans la liste des compétences que doit garantir la formation. Certains États restent toutefois encore réservés : la Belgique, la Pologne, Malte, la Roumanie et la Bulgarie. Le prochain trilogue du 24 avril devra trancher la question.

Les sages-femmes et infirmiers responsables de soins généraux étant deux professions très mobiles, les enjeux sont importants pour de nombreux pays de l'Union.

La proposition de directive prévoyait que les nouvelles exigences de ces métiers soient prises en considération et que les États membres mettent à niveau le critère d'accès aux formations de ces professions, en le faisant passer de dix années d'enseignement scolaire général à douze années, ce qui est déjà le cas dans vingt-quatre États membres. La profession elle-même, au niveau européen, est favorable à cette évolution, qui consacrerait un enrichissement de ses compétences.

Il s'agit là d'un grand changement pour les pays de l'Est, qui explique que la Pologne et la Roumanie demandent la régularisation de leurs infirmières déjà formées.

L'Allemagne, de son côté, s'est fortement opposée à ce changement, de crainte de voir se créer des pénuries dans un secteur qui connaît déjà problèmes de recrutement.

Un compromis a donc été trouvé pour cette profession avec la mise en place d'une alternative entre une formation d'une durée de douze ans ou une formation d'une durée de dix ans avec un renforcement de la liste des compétences des infirmiers, suivant ainsi les propositions du Parlement européen.

S'agissant des sages-femmes, une mise à jour de la liste des compétences a été intégrée dans le texte du Conseil. Ce dernier propose de préciser que les trois années d'études de sage-femme contiennent au moins 4 500 heures de formation théorique et pratique, dont un tiers de formation clinique.

Des divergences sont apparues entre les États membres à la fois sur le seuil du nombre d'heures et sur la proportion de la formation clinique. La France a soutenu le principe du cumul du nombre d'années et du nombre d'heures de formation mais en plaidant pour un seuil de 4 600 heures, dont la moitié de formation clinique.

Le compromis finalement retenu est de fixer le seuil à 4 600 heures, dont un tiers de formation clinique. En revanche, un certain nombre d'États se sont déclarés défavorables sur certains points à l'amendement du Parlement européen visant à mettre à jour la liste des activités exercées par les sages-femmes, telles que la possibilité de prescrire des médicaments ou d'exercer la profession de manière autonome. Les discussions vont donc se poursuivre sur ce point en trilogue avec le Parlement européen.

Il convient également de relever que les activités exercées par les pharmaciens ont été revues, en conformité avec les propositions du Parlement européen. Ce point a encore été discuté dernièrement en groupe au Conseil, notamment sur la prise en compte dans la liste des soins pharmaceutiques et de la dispensation des médicaments. La Présidence fera circuler une proposition.

Concernant les médecins, autre profession très mobile, la Commission a proposé initialement de réduire la durée de la formation médicale de base de six à cinq ans, tout en rendant cette durée cumulative avec le nombre de 5 500 heures de formation. La France tout comme l'Italie, la Belgique ou encore les Pays-Bas se sont initialement déclarées opposés à cette réduction de six à cinq ans du socle de base de formation, qui est la durée actuellement en cours au Royaume-Uni et en Irlande.

La France qui a maintenu sa réserve jusqu'à obtenir satisfaction sur les autres professions du secteur de la santé dans le cadre d'un paquet global, l'a finalement levée.

Le Parlement européen a également soutenu la proposition de la Commission ; il souhaite toutefois également insérer une clause de gel empêchant les États de réduire la durée de la formation de base déjà en vigueur, et fixer la durée minimale des formations de spécialistes à cinq ans. Les États membres se sont accordés pour considérer ces derniers amendements comme étant inacceptables.

Le Parlement européen a également modifié, de manière satisfaisante pour la France, la liste des compétences des vétérinaires.

Concernant l'ensemble de ces professions – architectes, sages-femmes et infirmiers responsables de soins généraux, médecins, vétérinaires, pharmaciens- nous considérons que l'harmonisation des conditions de formation minimale pour les professions sectorielles doit être soutenue et nous nous félicitons du compromis atteint sur cette question.

Nous nous félicitons en outre de la mise à jour des compétences pour les formations d'infirmier de soins généraux et de sage-femme, mais regrettons le compromis qui a été obtenu concernant les conditions de leur formation minimale : ces professions, de plus en plus sollicitées dans les établissements hospitaliers, doivent être au contraire valorisées.

En outre, nous invitons le Gouvernement et les institutions européennes à réfléchir à l'articulation des missions de ces professions non seulement avec celles des médecins mais aussi avec la profession d'aide-soignant, qui n'est pas réglementée, ainsi qu'à l'adéquation des numerus clausus dans ces professions aux besoins en professionnels de la population, pour que la mobilité reste un choix et non une contrainte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion